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› Salut Chris et Greg, vous êtes membres de Spit Reckless, groupe de rock genevois ; Chris, tu es guitariste-chanteur et coach vocal, et toi Greg, tu es le batteur du groupe ; vous sortez un nouvel album, pouvez-vous nous en dire plus sur votre actualité ?

Chris L’actualité la plus brûlante, c'est en effet la sortie de notre nouvel album début juin, et le vernissage au BAG le 1er juin en partenariat avec Servette-Music. On se réjouit de cette soirée qui promet d'être super. Nous avons donc fait de nouvelles vidéos, et déjà sorti deux clips disponibles sur YouTube pour faire la promotion de cet album. Nous allons encore en sortir deux avec l'album, dont un vraiment génial sur lequel on a vraiment mis le paquet, et qu'on est donc très fiers de présenter très bientôt. Et puis il y aura aussi plein de concerts qui seront annoncés sur nos pages Facebook et Instagram très prochainement pour cet été. : des festivals en Suisse et en France.


› Comment est né le groupe ?

Chris Le groupe est né en 2015 suite au split du groupe d'avant. Gilbert, le bassiste, Greg, batteur, et moi-même, chanteur-guitariste avions avant un groupe avec un guitariste qui s'appelait Bad Factory. Le groupe avait enregistré un album, et fait pas mal de concerts en Suisse et en France. Quand nous nous sommes séparés, Greg, Gilbert et moi-même avions vraiment envie de continuer ensemble.

Greg C’était super de jouer ensemble, humainement et musicalement. On s'entendait vraiment bien sur les deux plans. Donc on s'est dit que ce serait dommage d'arrêter. Il nous fallait juste un nouveau guitariste et ça, c'est pas très compliqué à trouver : il y en a plein...(rires). Mais. à la base, c’était vraiment juste un groupe pour faire de la musique. On n'avait que l'envie de jouer ensemble. Au début, on n’a fait que des reprises pour vite remonter sur scène. Les compos, c'est venu après.


› Et d’où vient le nom ? Et qu’est-ce que ça veut dire pour les francophones ?

Chris Greg et moi étions allé au concert d'une tournée anniversaire d'un artiste qu'on aime beaucoup, et le nom de cette tournée s'appelait "Reckless", ce qui veut dire "insouciant". Donc, on était dans le public de la salle et c'était marqué "Reckless" sur les écrans géants.

Greg Et Chris me dit qu’il trouve que ça donne bien, ce mot : Reckless. Mais il manquait quelque chose.

Chris On avait besoin d'un mot un petit peu percutant. On ne voulait pas juste un mot, parce que c'est peut-être trop commun. On voulait un nom qui désigne quelque chose qui n'existe pas, et qui soit simple aussi à prononcer en anglais ou en français. Spit Reckless, "crachat insouciant", ça colle à l’intention. Simplement, un mot poignant et un mot qui nous tient à cœur. Donc un mot percutant et un mot qui représente à ce moment là pour nous la renaissance, le rock, le fait de repartir à zéro et puis de vivre une nouvelle aventure.

Greg En plus, pas besoin d'avoir le monstre accent ou la monstre prononciation à la Lynyrd Skynyrd. On peut le dire à la genevoise ou à l’américaine, ça passe et ça se comprend partout (rires)…


› Et donc le guitariste…

Chris Oui, il y en a eu plusieurs. Là, on en est au troisième, parce que la vie fait que certains ont arrêté. Vu que le groupe commençait un petit peu à prendre de l'ampleur, à faire plus de répètes, plus de concerts, ils sont partis pour se consacrer à d’autres projets professionnels, ou à leur famille. Et puis après, on a rencontré Sergio avec qui, même si lui aussi est très occupé, ça marche bien. Il trouve le temps quand même.



› Vos compos sont bien construites, avec des refrains qui résonnent avec la salle en concert. Comment travaillez-vous ça ?

Greg Pour faire un bon morceau, il faut bien sûr de la technique, mais il faut aussi être simple, efficace pour être marquant. Une bonne structure, une ligne de chant qui arrive dans les 20 premières secondes, c’est important pour cela. Et puis, Chris est vraiment, vraiment doué pour composer. C'est surtout lui qui compose les morceaux, même si Sergio le fait aussi. Il les compose toujours avec sa guitare acoustique, et il a des super idées pour les lignes de chant. En plus, il est excellent pour trouver des trucs accrocheurs. Après, on essaye de trouver des rythmiques intéressantes en groupe pour faire ça d'une manière un peu plus rock. Et Sergio a beaucoup d'idées pour les arrangements.

Chris Merci Greg…Ce qui fait que les morceaux sont bien construits à mon avis, c'est justement qu'on est quatre musiciens. On n'est pas des techniciens, mais on sait jouer de nos instruments de façon simple et efficace, et quand on met toutes ces connaissances ensemble, on arrive à construire un morceau percutant, qui est pertinent. C'est vrai que j'apporte les morceaux, mais pas dans leur forme définitive. Mon approche est d'une certaine façon très rentre-dedans du début à la fin, mais Sergio va apporter beaucoup plus de dynamique et de variations, Greg va apporter ce côté très rythmique, simple, pertinent et juste, et Gilbert saura poser les notes parfaites qui ouvrent l’harmonie. C'est vraiment le boulot des quatre qui fait qu'on a un morceau, au final, qui est, comme tu le dis, bien construit.

Greg La mélodie de Gilbert dans ses lignes de basse… Ce n'est pas juste l'autoroute, la pompe… Il adore faire des lignes qui ont des petites mélodies à la McCartney. Et moi, à la batterie, j’essaie toujours de trouver quelque chose aussi qui reste dans la tête. Même les breaks, je m’inspire de Ringo Starr, c'est à dire on peut chanter la batterie. Je joue beaucoup avec les toms comme ça. Pour un solo de guitare c’est pareil : un bon solo de guitare qu'on arrive à chantonner ou à siffler est toujours mieux que trois millions de notes à fond la caisse. Tout ça fait que ça reste dans la tête.

Si quand on n'écoute que la batterie, on reconnaît le morceau parce qu'il y a cette fameuse petite phrase, on a réussi quelque chose. Je ne dis pas que c'est facile à faire. Avec AC/DC par exemple, ce ne serait pas vraiment faisable. Même si j'adore, la batterie va tout droit. Mais par exemple, pour les Beatles ou pour les Who, vu que la batterie interagit avec le chant, on reconnait le morceau rien qu'en écoutant la batterie. Là elle n’est plus seulement rythmique, elle devient aussi un instrument mélodique.


› Chris, comment t’es-tu mis à la guitare électrique ? Et tu te souviens de ta première guitare ?

Chris Je me suis mis à la guitare autour de 12 ou 13 ans. Mes parents avaient un ami qui jouait de la guitare électrique et qui emportait souvent son instrument quand il venait à la maison. Ça m'a toujours impressionné. Un jour, j'ai demandé à mes parents de prendre des cours, mais je n'y arrivais vraiment pas, c'était catastrophique. Ça m'a ensuite pris du temps pour dompter un petit peu l’instrument, mais c'est né comme ça. Et puis après, ça m'a donné envie d'écouter certains styles de musique qui m'ont donné encore plus envie de jouer de la guitare, et c'est vraiment là que la passion de la musique est née.


› Est ce que tu joues d'autres instruments ?

Chris Je joue de la guitare folk, oui. J’ai une super guitare folk que je prends parfois en concert. Ça crée une ambiance plus douce, plus planante. Et puis, je joue un petit peu d'harmonica aussi, et je sais aussi faire des gammes au piano pour m'entraîner au chant. Je ne peux pas en faire un morceau, malheureusement. Et pour la basse, je ne peux pas me prétendre bassiste, même si je peux en faire un peu, comme tout guitariste.


› Et toi, Greg, comment t’es-tu mis à la batterie ?

Greg J'avais 13 ou 14 ans. J'ai toujours aimé la musique à la maison, nos parents écoutaient pas mal de musique, et je me suis mis à la batterie parce que mon frère qui a dix ans de plus que moi est batteur. J'allais le voir répéter sur une grosse batterie Premier, deux grosses caisses, avec un rack, avec six toms, tout le toutim. Moi, je bavais devant, et à chaque fin de répète, quand tout le monde était parti et qu’il rangeait un peu, j'attendais qu'il me propose de m'asseoir derrière pour tapoter. Et parce qu'il ne le faisait pas, j’ai un jour osé lui demander et il m'a dit "bien sûr, assieds-toi".


› On écoutait quoi chez toi à la maison ?

Greg Les Rolling Stones, les Beatles, des trucs comme ça. Il y avait aussi pas mal de soul, du blues, du rock. Quand j'étais gamin, j'étais vraiment fan de Michael Jackson. Et puis, un jour, mon frère m'a offert un vinyle de Kiss. Et puis là, c'était mon entrée dans l'univers du rock. J'ai vendu les CD de Michael Jackson pour acheter tous ceux de Kiss. Après, j'ai découvert tous les groupes grâce à mon frère.



› Tu te souviens de ta première batterie ?

Greg Au début, j'avais une petite paire de baguettes, dont une s’était cassée. Je n’avais rien et je tapais sur le canapé. Et puis après, mon frangin m'a donné cette petite batterie muette qu'il avait, donc j'ai commencé à taper là-dessus. Les voisins n'étaient pas contents (rires). Et puis vers mes 16 ans, avec le premier local et le premier groupe, est venue la batterie. Depuis 30 ans maintenant, je ne me suis plus arrêté.


› Et tu joues d’autres instruments en plus de la batterie ?

Greg Je joue un petit peu de guitare, mais rien de terrible. Je sais faire quelques accords, et je chante un peu. J'essaye aussi de faire des chœurs dans le groupe…


› C’est important de partager certains goûts quand on joue ensemble dans un groupe. Quels sont vos styles de musique préférés, et comment vos préférences ont-elles évolué avec le temps ?

Chris Nos influences, c'est le rock.

Greg Grâce à mes parents, j'aime bien tout ce qui est soul, blues, funk. J'adore James Brown, les Temptations, la musique Motown… Sinon j'adore les Who, les Stones, les vieux comme Little Richards, Chuck Berry… Dans les années 60, 70, j'aime bien Black Sabbath, Led Zeppelin. Pour la période années 80, j’écoute la nouvelle vague de heavy metal anglaise avec Iron Maiden et Def Leppard, et après, je me suis un peu arrêté au grunge. Je crois que je n'ai pas beaucoup évolué depuis 94. Mais l'influence, avant tout, c'est le rock.

Chris J’aime un peu tout ce qui part des années 50 jusqu'aux années 90. Le rock ’n roll et le classic rock, c'est ce qui m'a touché aussi le plus. Dans ma jeunesse, découvrir Bryan Adams a vraiment changé ma vie. Quand je l'ai écouté ça pour la première fois, j'étais scotché et j'ai du coup acheté toute la discographie. C'est vraiment quelque chose. Ce n'est pas tout à fait ma génération, mais plutôt celle de mes parents. Un jour, mon père avait entendu un titre à la radio et m’a demandé d'aller lui acheter l'album de Bryan Adams pour son anniversaire. Je n'ai pas pu m'empêcher de déballer le CD et de l'écouter avant de lui l’offrir, et finalement je ne le lui ai jamais donné. C'était "18 til I Die", sorti en 1996, et ça m'a donné envie d'écouter tout le reste. Et quand j'ai écouté l'album "Reckless", là, j'ai halluciné. Il a ouvert la porte au rock classique des années 80, 90. J'ai eu une période où on me reprochait de toujours écouter les mêmes trucs que quand j'avais 15 ans, mais c'est ce qui me fait vraiment vibrer. Même si ça fait 30 ans que j’écoute une chanson, si elle me fait à chaque fois le même effet, pourquoi écouter autre chose ?


› Comment se passe le processus de composition chez Spit Reckless ?

Greg Ça part à 90% de Chris.

Chris Le principal pour moi, c'est de venir avec des mélodies de chant qui sont ce que j'aime entendre. Donc, en général, ça part des mélodies vocales. Les rares fois où on a essayé de partir d’un riff, on n'a pas gardé le morceau. Après, il y a bien sûr des morceaux qui ont été composés par Sergio. Là, dès que j'ai trouvé une idée de chant qui est cool, on met le morceau sur l'établi, et l'arrangement se fait à quatre.


› Qui écrit les textes, et pourquoi en anglais ?

Chris Les textes, c'est moi qui m'en occupe parce que j'aime ça. Et puis on a aussi envie d'écrire en anglais, parce que j'ai envie d'écouter la musique que j'aime et que la musique que j’aime est en anglais depuis toujours. Donc, on ne s'est pas posé la question de faire ça en français. C'est vrai qu’en français, on pourrait exprimer plein de choses, peut-être encore plus, mais c'était naturel de le faire en anglais parce que c'est comme ça qu'on a toujours entendu.

Greg On a envie d'entendre de l'anglais sur ces morceaux comme on a envie d'entendre une guitare saturée sur ces morceaux. On aime aussi beaucoup les textes en français, mais ça ne fait pas partie du groupe pour le moment.


› Dans quelles conditions avez-vous enregistré ce deuxième album ?

Greg Comme le Led Zeppelin II, il a été enregistré un peu partout mais finalement, c’était beaucoup en studio à Genève, ou dans le local avec le matos de Sergio – qui est vraiment bien équipé.

Chris Certaines parties ont été enregistrées en studio, comme mes guitares électriques et quelques voix au Studio des Forces Motrices, et d’autres l’ont été avec nos propres équipements.


› Donc il a été composé pendant le premier confinement, en fait ?

Chris Oui et non. Nous avions enregistré le premier album de Spit Reckless en 2018. Grâce à lui, nous avons pu beaucoup tourner et faire des concerts, et il nous a ouvert des portes pendant quatre ans, jusqu’au jour où on nous a dit qu’il faudrait peut-être sortir un nouvel album pour revenir dans les festivals. Alors on s'est mis à composer du neuf. Mais pendant cette fermeture, même si on s'est tous dit qu’on allait avoir du temps pour composer, on en a finalement profité pour faire d'autres choses qu'on n'avait pas le temps de faire : passer du temps en famille, ou à d'autres activités. L'album s'est donc composé au fil du temps, un peu pendant ce break, mais aussi à la reprise. C'est quelque chose qui s'est fait en continu, et une fois qu'on avait tous ces morceaux, on a décidé d’aller en studio pour les enregistrer.



› Vous avez consacré combien de temps à l'enregistrement ?

Greg On a mis trois ans pour le sortir. On avait bloqué des dates en studio, qui ont été annulées la veille à cause des nouvelles mesures. Ça a repoussé les échéances de plusieurs mois. On est ensuite allé autre part enregistrer, on a refait des trucs, ça a été assez compliqué pour ce nouvel album. Il est mixé par Sam Albert d’Uranus Studio, et masterisé par Greg Dubuis au Studio du Flon.

Chris L'accouchement a été difficile. On s'est éclaté à le composer, on s'est éclaté à l'enregistrer, mais on a dû faire face à beaucoup de difficultés – personnelles pour certains. Et c'est la vie, c'est toujours comme ça. Mais cela fait que cet album représente vraiment un accomplissement. Malgré tout ce qui s'est passé dans nos vies, on a quand même réussi à faire face et à sortir cet album.


› Alors l’album s’appelle "Rock’n'Rolla Supernova volume 1". La pochette…

Chris La pochette et le titre ont été conçus par notre ami Yann Anthony, graphiste et aussi musicien dans un groupe local qui s’appelle Washington Flood. Nous lui avons laissé carte blanche et son travail nous a plu immédiatement.


› Et c’est le volume 1 parce que…

Chris Parce qu’évidemment, il y a un volume 2 qui va sortir dans pas longtemps.


› Vous avez ajouté un clavier à votre formation. Est-ce un membre permanent ou juste pour les concerts ?

Chris Kevin, qui joue du clavier, fait vraiment partie du groupe depuis peu. On a joué deux concerts ensemble. C'est un super musicien, très pro. Il a appris les morceaux en deux répètes, et les connaissait mieux que nous. Il a apporté plein de choses et posé sa patte, parce qu'il n'y a pas de clavier sur nos morceaux à la base. Comme c’est un professionnel de la musique, il est arrivé avec des accords qu’on ne connaissait même pas, et ça sonnait super bien. Après, il est très occupé, et ne pourra donc parfois peut-être pas nous accompagner pour tous les concerts. Mais pour les grosses dates, on fera tout pour qu'il soit là, et il a envie d'être là aussi.

Greg A l’origine, on a nous-mêmes posé quelques nappes de clavier sur l’album, et on s'est dit que c'était sympa d'avoir des sons électroniques discrets, car cela apportait une dimension qui enrobe vraiment notre musique et qui lie vraiment encore mieux les instruments. On a dit à Kevin que s'il voulait composer, s'il avait des idées, il était le bienvenu.


› C’est donc un nouveau membre…

Chris Du groupe ? C'est un membre de la famille, même.


› Ce n'est jamais facile d'intégrer une nouvelle personne…

Chris Non, mais on est des mecs assez sympa (rires)…

Greg On est très relax. On discute beaucoup. C’est comme une grande famille et ça se passe bien.


› Qui s'occupe de la promotion chez Spit Reckless ?

Chris Pour la promo, c'est Greg et moi, en fonction de nos disponibilités respectives. On a essayé avec quelqu'un qui manage, plusieurs personnes, mais ça n'a pas fonctionné. Au final, ça fait quelques années qu'on est sur la route et puis elles nous ont permis de rencontrer des gens avec qui on a entretenu des contacts. On s'est constitué un réseau de programmateurs, d'autres musiciens qui connaissent d'autres programmateurs, et il y a aussi une entraide entre les groupes.


› Vous allez tourner pour promouvoir l’album. L’été va être chargé ?

Chris Ça commence en juin avec les festivals. Il y a le vernissage, le 1ᵉʳ juin au BAG, en partenariat avec Servette-Music. Ce sera l'occasion de faire la fête ensemble et, pour le public, d’entendre cet album. Ce sera aussi la soirée où il sera possible de se procurer la version physique de notre album. Les places seront assez limitées, donc c’est mieux de réserver à l’avance.

Greg Et pour les dates, on les annonce sur les réseaux sociaux au fur et à mesure.


› Comment décririez-vous votre expérience avec Servette-Music ?

Chris Je connais Servette-Music depuis très longtemps. J'avais acheté une guitare il y a 15 ans. Je partais en voyage et j'avais envie d'une acoustique pour l'occasion. J'étais justement venu l'acheter chez Servette-Music, et c'était Sergio qui me l'avait vendue. On ne se connaissait pas du tout à l’époque… Cette guitare est toujours dans mon salon et elle a maintenant une histoire. Je l'ai trimballée partout avec moi. J'ai fait des concerts à l'autre bout du monde avec cette guitare. Ensuite, les musiciens de Genève se connaissent tous un peu, et les magasins de musique, on les connaît tous aussi. Il y en a certains qu'on préfère à d’autres, on a plus ou moins d'affinités. Avec Servette-Music, Sergio est devenu un ami. Et il a surtout une grande connaissance des instruments et du son.

Greg Il est vraiment passionné de matos. Il va au local, tous les soirs pour essayer des trucs.

Chris A l'époque où on a rencontré Sergio, je commençais à peine à vraiment m'intéresser aux guitares. Quand on commence la guitare, on ne se rend pas compte qu’on ne connaît pas bien, et qu’on ne sait pas ce qu'il nous faut. Du fait que Sergio est devenu un ami, je viens souvent chez Servette-Music et j'ai eu l'occasion de tester plein de guitares différentes, pour finir par trouver ce qu'il me faut vraiment. Chez Servette-Music, on est bien conseillé.



› Vous commencez à être connu dans la région. Quelle est votre ambition ?

Chris Notre ambition est de jouer devant le plus de monde possible. C'est la finalité pour moi.

Greg Notre but avec Spit Reckless n'est pas d'être riches et célèbres, mais de faire des concerts avec plein de monde. Les rares fois où j'ai joué dans des grandes salles avec 2000 personnes, c'était vraiment incroyable et c'est ça qui me botte le plus. Après, je peux rentrer chez moi dans mon petit studio, et ça va très bien. On veut se faire plaisir avec la musique qu'on crée. Tant mieux si elle plait aux autres, mais ce n’est pas notre démarche de vouloir réussir absolument, de passer à la radio… C'est tellement difficile qu’au final, on va y laisser des plumes et même se dégoûter. Donc on adopte une démarche sincère, on ne se pose pas trop de questions, et comme en amour, c'est quand on ne cherche pas qu'on rencontre quelqu'un.

Chris Ce qui est plus important, c'est de nous exprimer de cette façon par passion. C'est notre façon de vivre la musique et d'avoir la chance, qu’on soit connus ou pas, de pouvoir trouver dans tout le chaos de notre société l'espace, le temps, et les ressources pour faire un concert qui plait à des gens. Notre ambition, c'est de faire ça plus, plus souvent, en plus grand, et plus encore, si c’est possible.



› Quels sont vos moments préférés en tant que groupe ?

Greg Personnellement, j'adore quand on part à l'aventure avec la camionnette. On se retrouve dans les montagnes pour aller jouer en plein air à un public congelé, avec la neige qui tombe, et puis on se donne quand même à 100 % parce qu'on est content d'être là.

Chris Pour moi, c’est quand l'intro commence, qu'on a les chocottes, qu’on monte ensuite sur scène, puis ça commence : les lumières s'allument, tout fonctionne, il n'y a pas de problème de son, la fumée démarre au bon moment, tout se passe bien. C'est toujours le moment où je me dis "c’est bon, tout marche, c’est parti". Juste avant, on fait un petit cri de guerre parce qu'il ne faut pas oublier qu'on est cinq sur scène, donc c'est important d'être connectés avant d'essayer de gagner le public. Après, ce qui est vraiment plus intense dans toute cette histoire, c'est quand on arrive à faire chanter ce public.


› A part les concerts, quels sont les projets animent Spit Reckless pour l’avenir ?

Chris Le volume 2 du Rock'n'Rolla Supernova.

Greg On espère ne pas mettre trois ans pour le faire (rires)… On a déjà des morceaux finis.

Chris Et puis bien sûr, on veut continuer à jouer. On aime beaucoup les festivals, parce que c’est l'opportunité de rencontrer plein de gens, d'autres groupes. Nous avons fait un peu le tour des festivals en Suisse, et on aimerait bien jouer plus en France, éventuellement en Allemagne, ou en Espagne, essayer d'aller un peu plus loin géographiquement pour nous faire connaître par un autre public. C'est ça l'ambition actuelle.


› Chris, quel conseil donnerais-tu à des jeunes guitaristes qui débutent ?

Chris La première chose, c’est d’aller chez Servette-Music acheter un bon instrument (rires)... Ensuite, il faut prendre des cours pour ne pas prendre de mauvaises habitudes, et jouer tous les jours, même si c'est seulement une demi-heure. C’est important aussi d’écouter de la musique, de jouer par-dessus celle qu’on aime.

Greg Pour les cours, je conseille de choisir quelqu’un avec qui on partage le même esprit, et qui aime aussi la même musique, et qui ne commencera pas par deux ans de solfège avant d’attaquer la guitare. Avec mon ami Thierry Nydegger, qui a fondé Le Bus Magique, on peut tout de suite se retrouver dans des ateliers avec d'autres jeunes et jouer sans forcément savoir pourquoi on met les doigts là, et ça pour un jeune, c’est super chouette.

Chris Si je peux me permettre, j’insisterais sur le fait de pratiquer régulièrement, même juste un peu – l’essentiel c’est d’être régulier. Pratiquer régulièrement un instrument, que ce soit le chant, la guitare, ou la batterie, est ce qui va faire progresser. Ça ne sert à rien de jouer deux heures aujourd'hui puis de poser l'instrument pendant une semaine. Il vaut mieux jouer cinq minutes tous les jours.


› Un dernier mot pour vos fans de Genève ?

Greg On vous donne rendez vous le 1ᵉʳ juin. Il y aura à boire, à manger, de la bonne musique. On vous remercie de nous suivre, et on se réjouit de vous voir bientôt à nos concerts.

Chris You make me happy (rires)…

Rendez-vous pour le concert de vernissage de l'album "Rock'n'rolla Supernova Vol 1 le 1er juin à 21h au BAG !



› Bonjour, Stefano, tu es professeur de saxophone et saxophoniste professionnel, ainsi que directeur de l’EMA – anciennement ETM – depuis huit ans. Avant d'en parler, pourrais-tu nous présenter de ton parcours ?

J'ai un parcours assez singulier pour un saxophoniste, dans le sens où j'ai commencé la musique par le piano classique. C'était une volonté de ma mère, parce que sa sœur était chanteuse d'opéra. Ma mère n'a jamais fait de musique, mais elle m’a mis un piano dans les mains. J'ai eu plus ou moins du plaisir parce que c'était du piano classique et que j'ai été obligé de jouer des menuets qui étaient assez insipides. Donc très vite, j’ai commencé à lire d'autres musiques, comme Bach, car je trouvais que c'était exceptionnel au piano. Mais je ne faisais pas mes devoirs, et je n’avais pas forcément une relation très stimulante avec l'instrument. Et puis à un moment donné, mon frère qui est antiquaire est rentré à la maison avec un saxophone, un Selmer Mark VI. Il l'avait trouvé aux puces, je crois…


› Il a commencé tout de suite avec le top…

C'est un pur hasard, et ce n'était même pas pour moi, c'était pour lui. Il était guitariste classique à la base, mais il voulait faire du saxophone. Et puis, après quelques semaines, il est venu vers moi et m’a dit "c’est un peu trop difficile pour moi ; est-ce que tu voudrais en faire ?" Et je me suis mis à faire du saxophone. A cette époque, j'étais au collège Voltaire. J'étais rentré en section artistique-musique et c'était une période fantastique parce que dans la classe de première année, il y avait Marc Erbetta, le batteur qui a progressé énormément avec Erik Truffaz, et puis Benoît Corboz, qui est le pianiste claviériste actuel d'Erik Truffaz. Il y avait aussi Natacha Casagrande, qui est une cheffe de chœur exceptionnelle. C’était un concentré de futurs artistes, et une période très stimulante.

Donc à ce moment-là, il y avait Benoît qui jouait du piano dans des supers groupes, et moi qui m'emmerdais à jouer mes menuets (rires)... Mon frère m’avait conseillé de prendre des cours avec Benoît, ce que j’ai fait. J’ai pris quelques cours d'improvisation au piano. Et en parallèle, je me suis mis à jouer du saxophone et c’est comme ça que je suis devenu saxophoniste. Mais après un parcours aussi obligé et contraignant, il était improbable que je devienne musicien professionnel aux yeux de ma chère maman.

Donc après une maturité artistique-musique, j’ai voulu poursuivre à New York la formation que j'avais commencée au Conservatoire Populaire avec Luc Hoffmann – qui était un fantastique saxophoniste, clarinettiste, et flûtiste, et qui jouait dans le Groupe Instrumental Romand (GIR) avec Tony D'Addario, Robby Seidel… J’ai d’ailleurs eu la de chance de pouvoir aussi les côtoyer sur scène. Mais pour revenir à mon parcours, j'ai pris une année sabbatique où j'ai voyagé, puis j’ai fait un Diplôme d'architecture à l'EAUG – l'équivalent d'un master en architecture aujourd’hui. Cela m'a permis, au bout du compte, de valider ma volonté première auprès de ma mère qui était de commencer à faire vraiment du saxophone. Je lui ai donc apporté mon diplôme et lui ai dit "voilà, j'ai fait mon diplôme, maintenant je fais du saxophone."

Donc ça a eu un coût, mais c'était un parcours intéressant, d'autant plus que j'avais présenté "Démolition et reconstruction de l’AMR, un centre musical à Genève" pour mon master d’architecture en 1994. Entre ces plans que j'ai retrouvés dernièrement et le projet actuel du Centre des Musiques Actuelles que je mène, je me suis rendu compte que c'était finalement un projet de vie. Si je n'avais pas fait d'architecture, ce centre n’existerait peut-être pas aujourd’hui, et en tout cas, je n’aurais pas pu mener à bien ce projet du début à la fin.


› Et quelle est ton actualité aujourd'hui ?

Mon actualité aujourd'hui en tant que musicien, c'est que j'ai retrouvé énormément de plaisir à travailler. J'avais un peu perdu ça depuis cinq ans. Justement, au début du projet (le projet de bâtiment des musiques actuelles où se trouvera l’EMA, Ndr), où j'ai dû mettre beaucoup d'énergie pour que les choses avancent, notamment trouver des fonds et essayer de définir vraiment le projet dans tous ses détails, j'avais mis la musique en stand-by. Mais je me suis rendu compte que sans elle, j'étais beaucoup moins équilibré, donc j'ai recommencé à travailler l'instrument. Et puis j'ai eu aussi la chance de retrouver un ancien quartet avec lequel j'avais enregistré mon dernier disque il y a dix ans, en 2013, dans les caves de l’AMR : Andy Byron à la batterie, Alfio Origlio au clavier et piano, et mon vieil ami Christophe Chambet à la basse.

On s'est retrouvé un peu par hasard. J'avais essayé d'autres formules, et puis je me suis rendu compte qu'on avait un son qui avait bien mûri et une facilité à jouer ensemble qui était jouissive. Donc j'ai repris ce projet, mais je ne démarche pas pour ça. Ça vient d'un coup, on me demande si je suis disponible avec mon groupe, et on va jouer pour l’occasion. Donc on fait au maximum trois ou quatre concerts par année. Par contre, j'ai beaucoup de plaisir à animer des soirées privées, à faire des apéros où personne n'écoute, mais où tout le monde est content. J'adore faire ça. Je trouve que c'est un job essentiel dans notre société. C'est aussi un job de résistance par rapport aux musiques d'ambiance que les DJ peuvent passer, ou les playlists que l’on entend.


› Tu arrives avec une base sonore ou tu y vas carrément tout seul avec ton sax ?

En général, j'y vais en duo avec un pianiste ou un guitariste, et puis on joue différents styles de musique sur une ambiance demandée. C'est extrêmement formateur, pour moi. C'est un conseil que je donne après aux jeunes musiciens… Dans ce type de situation, on est confronté à un cahier des charges. On n'est pas là comme artiste, on est là comme artisan, avec un savoir-faire, face à des exigences. Il ne faut pas jouer trop fort, pas jouer trop vite. Il faut savoir s'arrêter. Il faut avoir une humilité extraordinaire, c'est à dire que pratiquement – effectivement – on n'est pas en situation de valoriser ses compétences. Mais par contre, le succès pour moi, c'est quand personne ne dit rien. Ça veut dire qu’au moins on n’ennuie pas les gens. C'est la marque du succès : dans ce contexte, on est en fait là pour contribuer au bien-être des gens, et enrichir leurs moments de partage. Ça me touche beaucoup parce que s'il n'y avait pas la musique, ce serait peut-être beaucoup moins convivial, et les gens passeraient un moment potentiellement moins agréable. Et ça c'est essentiel.


› Quelle différence y a-t-il pour toi entre le fait de passer de la musique de fond et celui de faire jouer des musiciens en live dans ces environnements ?

Ça fait toute la différence ! Déjà, le son. Un son de saxophone qui sort du pavillon a une autre énergie qu’un son de saxophone qui sort d’un CD. C’est une autre vibration. Et puis la musique enregistrée qu’on passe ne s'adapte pas aux lieux et aux moments. Alors que nous, en tant que musiciens, même si on joue régulièrement des standards connus, on ne va pas les jouer de la même manière selon l’ambiance du moment. On adapte le répertoire, la dynamique, l’énergie avec l’ambiance dans l’instant.


› Et puis tu as aussi le Big Band de Suisse Romande, non ?

Pour moi, le Big Band, c'est Hollywood. C'est l'orchestre symphonique version jazz qui n'existe pratiquement plus dans notre région, en tout cas pas à un niveau très professionnel. C’est un projet qui me tient très à cœur, mais qui me demande beaucoup d’énergie. J'ai monté le Big Band de Suisse Romande il y a dix ans. Ma volonté était de créer une plateforme où les musiciens expérimentés et les musiciens issus des écoles pouvaient se rencontrer, mais dans un contexte professionnel. Je l'ai mis à l’arrière-plan ces dernières années, non seulement à cause du Covid, mais aussi parce que c’est un investissement fou pour trouver des concerts et surtout des moyens pour payer les musiciens. Mais c’est quelque chose que je veux absolument reprendre.


› Quel est le concept de base derrière le Big Band de Suisse Romande ?

Je dirais que nous avons trois axes. Le premier, c’est de répondre à des besoins de musiciens étrangers en tournée dans la région. Et ça, je l'ai vécu quand j'ai été invité pour l'hommage à Claude Nobs à Montreux, juste après son décès. J'avais pu jouer avec François Lindemann en quartet là bas. En fait, toute la soirée était animée par le big band de Pepe Lienhard. Et je me suis dit "c'est fou parce que ces gars accompagnent les meilleurs artistes du monde qui sont là pour un hommage à Claude Nobs" et nous, en Suisse romande, on n'a rien à offrir de ce niveau. Je trouvais que nous n’étions pas assez ambitieux et ça m’a un peu fâché (rires). C’est de là qu’est née l'idée d'avoir un big band qui, d’une part, sensibilise le public à l’histoire du big band, mais aussi à sa richesse, et à sa palette musicale extraordinaire.

Le deuxième axe est de relier l'histoire du big band avec la notion de la danse, c’est-à-dire avoir deux répertoires réguliers : l’un autour de la musique Cotton Club, et l’autre autour de la musique cubaine d’époque pour faire danser les gens. Et le troisième axe est de valoriser les compositions et les arrangeurs de notre région, comme nous l’avions fait avec l’hommage à Robby Seidel et Alain Guyonnet. Avec le nouveau Centre des Musiques Actuelles, on aura un espace plus accueillant et j’espère que je pourrai surtout dégager un peu plus de temps pour aller chercher des fonds pour faire vivre ce projet. Ça me tient très à cœur.


› Vous envisagez d’enregistrer ?

Notre dernier album date d’il y a dix ans, comme je l'ai évoqué tout à l’heure, et il a été enregistré en live dans les caves de l’AMR. Et c’est vrai que j’aimerais bien pouvoir enregistrer un nouvel album, avec potentiellement des nouvelles compositions. Pas forcément parce que j'ai pas mal de compos qui sont, je trouve, de qualité et que je pourrais tout à fait reprendre, mais parce que j'aimerais bien pouvoir enregistrer dans de meilleures conditions, avec une acoustique meilleure, une plus grande qualité de production et de mixage. Cela me permettrait d'aller encore plus finement dans ce qu'on développe, c'est à dire la gestion du son du groupe.


› Et tu joues d'autres instruments ?

Je joue du piano, du saxophone soprano, aussi. Autrement, pour le reste, tous les instruments à cordes, je suis une vraie "pive". Je n'ai jamais compris, ça fait mal aux doigts. Non, je ne joue pas d'autres instruments (rires)…


› Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes préférences ont-elles évolué avec le temps ?

J'ai énormément évolué par rapport à mes préférences. Et si j'ai changé ces dix dernières années, c'est pour être le plus proche possible de ce que j'entends et être le plus proche possible de l’émotion quand je joue. Au début, j'ai énormément travaillé le Bebop – ça me paraît très difficile de ne pas passer par là en tant que saxophoniste. J'étais aussi très sensible aux musiques à connotation plus commerciale, notamment à toutes les productions de la côte ouest qui étaient très en contraste avec la production new yorkaise, beaucoup plus basée sur la virtuosité et sur une forme de concurrence "athlétique". Personnellement, j'étais pris dans cette dualité, mais la virtuosité, le Bebop, puis assez vite, la complexité rythmique – avec Steve Coleman – toutes ces démarches, ont capté mon intérêt. J'ai travaillé énormément sur l’indépendance rythmique, sur le fait de pouvoir taper des métriques complexes et de pouvoir en même temps improviser sur des grilles pas forcément logiques, c'est à dire en tout cas pas sous la forme ii-V-I ou iii-vi-ii-V-I, les choses standards issues du Bebop. C'était certainement une manière d'être dans l'air du temps, mais aussi de me prouver à moi même que j'étais capable de jouer sur des structures complexes.

Pourtant je me suis ensuite rendu compte que ce n'était pas forcément ce que les gens attendaient, et qu'ils préféraient de l'émotion. Les compositions que j'ai écrites durant cette période étaient effectivement complexes, mais j'avais tout le temps la volonté de faire en sorte que la mélodie soit porteuse, c'est à dire qu'on ne se rende pas compte de la complexité sous-jacente. C’est important qu'on puisse être absorbé par la mélodie d’un morceau. Pour les musiciens comme pour moi, ça nécessitait beaucoup de travail. Et puis, au bout du compte, c'est intéressant de se libérer d'une contrainte. Je pense que tous les artistes essaient de le faire : se libérer d'une contrainte complexe pour essayer de la transcender. Mais finalement, pour arriver à la transcender vraiment, il faut jouer beaucoup, pratiquer beaucoup en groupe.


› Ça donne quoi en pratique ?

Je joue sur des structures plus simples et j'essaye de jouer vraiment ce que j’entends, et juste l’essentiel, alors qu'avant, je jouais ce que je devais jouer parce que le cadre me l'imposait. Maintenant, je joue plutôt l'instant, ce que je ressens. Un peu comme si c'était la dernière note à jouer avant de mourir… Je me sens beaucoup plus proche de moi-même. Je n'ai jamais été aussi heureux de mon son qu’à présent, alors que j'ai flippé pendant 40 ans. Je n'avais jamais été satisfait de ce que je projetais. Je voulais tout le temps être quelque part, ressembler à un autre, ou m’améliorer, trouver une solution à travers un bec, à travers ceci ou cela. Je n'étais finalement pas en phase avec qui j'étais. Et puis maintenant, je crois avoir trouvé cette résonance intérieure à travers mon parcours.


› Quelles sont tes références musicales sur ce chemin ?

Je n'écoute plus beaucoup de musique classique à part de l'opéra, notamment Puccini. Mais par contre, j'aime beaucoup travailler Bach au saxophone. D’abord parce qu’il y a une exigence technique importante, et puis c'est chaque fois tellement beau… Pour un instrument mélodique, c'est fantastique de pouvoir sentir toute la structure harmonique qu'il y a derrière un morceau, et Bach me donne ce plaisir au même titre que Coltrane. Je pense que ce sont les deux personnes qui ont été mes références permanentes par rapport à cette recherche de cohérence entre la mélodie et l'harmonie.

Par rapport aux autres influences que j'ai eues, je dirais qu'il y a une très grosse et très forte influence de Cannonball Adderley, qui ne s’est jamais amoindrie et qui est encore plus forte maintenant parce que justement, Cannonball est un des rares saxophonistes que je réécoute constamment, qui ne m'ennuie jamais, et qui me surprend tout le temps par la fraîcheur de son propos. Il est tout le temps au bon endroit, au bon moment, avec un timing monstrueux, avec un feeling blues exceptionnel, avec une jovialité, un plaisir de communiquer que je ne retrouve nulle part ailleurs.


› Sur quel modèle de saxophone joues-tu aujourd'hui ? Et pour quelles raisons ?

Je joue actuellement sur l'instrument le plus miraculeux que j'ai découvert : c'est un Yanagisawa WO35 en argent massif – tout sauf la culasse. C'est l'instrument le plus facile, le plus régulier que j’ai eu à jouer. Comme je te l'ai dit, j'ai commencé avec un Selmer Mark VI. J'aimais bien, mais vu que je n'avais pas de référentiel, j'ai commencé à toucher à d'autres instruments, notamment de la marque Martin dont jouait Art Pepper. Après, sous l'influence de Cannonball, je me suis dit que ça serait bien que je me mette à jouer son saxophone – un King Super 20 Silver Sonic, avec le bocal et le pavillon en argent massif. J'avais trouvé un instrument parfait, magnifique, je ne sais plus par quel biais. Le son était fantastique, très souple, mais difficile au niveau de l'intonation. En tout cas, moi, je n'arrivais pas à le maîtriser. Ensuite, j'ai fait des allers-retours avec différentes marques. Un des instruments sur lequel j’ai joué longtemps, c'était un Advances que j'avais découvert chez Servette-Music. J'avais trouvé que c'étaient des instruments très stables, une manufacture exemplaire et aussi un son très large. Je les utilise d’ailleurs toujours au niveau de l’alto, mais plus en soprano. Je dois dire qu'à l'alto, j'ai tout le temps essayé de sonner comme un ténor, parce que l'alto est assez vite agressif et pas très sexy, quelque part, si on ne le tend pas, on ne le fait pas vivre. Puis, ces Advanced – en tout cas le modèle Bronze – on a l'impression qu'il sont déjà très vieux.


› Il est vieilli, oui.

Ça lui donne un potentiel sonore assez exceptionnel. Mais évidemment, quand j'ai découvert le Yanagisawa en argent massif à travers un ami, je suis tombé à la renverse. Il y avait tous les ingrédients, mais en plus une richesse, une subtilité, et la possibilité de gérer les dynamiques comme je ne l'avais jamais vécu auparavant. Même si on joue pianississimo, il y a du son partout. Je pense que l'argent joue un rôle, car je ne vois pas quel autre paramètre pourrait être la raison de ce son splendide. Donc je joue ça. Et puis le fait d'avoir eu cet instrument me stimule encore plus parce que je n'ai plus de doutes : je trouve que je sonne bien, et ça fait du bien parce que quand t'es en galère, tu te dis "mon son n'est pas terrible, et les aigus font mal", tu commences à te détacher de l’instrument et à prendre moins de plaisir à travailler avec. Là, je ne me pose plus de questions, ça sort et c'est vraiment fantastique.


› Puisque justement tu nous mentionnes, comment décrirais-tu ton expérience avec Servette-Music ?

Servette-Music reste la référence en termes de magasins pour les instruments à vent, pour les essais, la flexibilité, et le service. J’étais déjà venu quand j'avais eu mon Mark VI, il y a 40 ans, donc elle remonte à loin. Je venais ici le faire régler, et il y avait René qui me conseillait les becs à essayer. Il a toujours la même fraîcheur 42 ans après d’ailleurs, c'est incroyable. Et puis je me rappelle d'Yves Imer qui m'expliquait comment il fallait jouer du saxophone alors qu'il était guitariste, mais c'était fait avec tellement d’amour… Après, je suis revenu alors que j'étais directeur de l’EJMA, aussi pour des histoires d'échanges de becs (rires). Je trouvais dommage que mes profs ne puissent pas faire essayer du matériel aux élèves qui étaient novices et qui arrivaient avec des becs standards. C’est important d'un point de vue didactique, de pouvoir dire "écoute la différence entre un bec en métal, un bec jazz, etc." Donc on a commencé un partenariat avec Servette-Music : on avait un stock de becs à l’EJMA à Lausanne, et on a des hanches, des cordes et tout ça au sein de l’ETM, qui est maintenant l'EMA.


› Les musiciens ont parfois besoin d’essayer des choses, c’est injuste de leur faire acheter des trucs quand ils ne sont pas sûrs que ça va les aider…

Voilà, il y avait cette souplesse, ce service aux clients que tu ne peux pas avoir quand tu es sur Internet. Parce que ça m'est arrivé aussi de commander des becs que vous ne pouviez pas avoir. Je les ai commandés, payés, je les ai joués quelques semaines et puis je me retrouvais avec deux sacs pleins de becs inutiles. La belle relation que nous avons tissée depuis que je suis directeur de l'EMA depuis huit ans, elle repose sur ce côté compétences-métier que vous avez sur ce que vous vendez. Vous savez à qui, et pourquoi. Vous êtes vraiment des conseillers, et pas uniquement des vendeurs. Le business est bien sûr important, mais à travers notre partenariat, je crois qu'on a réussi à élaborer quelque chose qui permet à nos élèves d'être vraiment conseillés, et surtout de prendre le temps de s'investir dans quelque chose.


› C’est dans l’ADN de la maison, c’est vrai, mais c’est nécessaire aussi. Tout le monde sait bien que les musiciens ne sont pas riches !

Il y a une sorte de respect sur cet investissement, sur le coût des choses, qui est possible justement parce qu’il y a Servette-Music quand on fait des masterclasses autour des amplis Fender, ou cet historique sur les saxophones qu’on avait organisé… Vous proposez une vraie connaissance des instruments qui est assez rare et qui tend à disparaître. Parce que maintenant, on baisse les prix, il faut faire un minimum de marge, il faut que ça tourne. Cette relation là, vous la vivez certainement, mais ce n'est pas une priorité pour ce que je ressens.


› On essaie effectivement de proposer un partenariat autour d’une passion commune plus qu’une relation purement commerciale, et on est très heureux quand les gens le remarquent et en profitent…

Et puis je crois qu'on a réussi à faire quelque chose de beau ensemble ! Je me réjouis qu'on reprenne effectivement les masterclasses parce que c'est une vraie valeur ajoutée en termes de pédagogie et de relations de travail. Nous, on donne des cours de musique mais les instruments, il faut bien les acheter quelque part, et il vaut mieux les acheter chez des gens qui ont des compétences dans le conseil plutôt que de faire fausse route en commandant ça sur Internet.


› Pourrais-tu également nous présenter l’EMA, son organisation, ses piliers, différences avec les autres écoles, les enjeux actuels.

L’Ecole des Musiques Actuelles, anciennement ETM, est née en 1983, et fête donc ses 40 ans cette année. Elle a été créée par Gabor Kristof, qui était guitariste et qui a eu énormément de courage car il est parti de rien, sans aides. C’était la première école de rock de Suisse romande, et il a réussi à la faire reconnaître par l’Etat pour qu’elle puisse être subventionnée. Nous avons à présent changé de nom car ETM voulait dire Ecole des Technologies Musicales, ça avait du sens d’en parler en 1983. A l’époque, avec l’apparition des premiers ordinateurs Atari, de la MAO, c’était quelque chose de précurseur. Mais aujourd’hui, cette expression fait résonner quelque chose de froid plus que musical. Quand j’ai repris la direction de l’école, c’était donc l’Ecole des Technologies Musicales et des Musiques Actuelles, ce que je trouvais un peu long, donc j’ai décidé que l’ETM était l’Ecole des Musiques Actuelles. On a dû attendre huit ans pour passer à la phase finale, c’est-à-dire d’arriver au point où l’Ecole des Musiques Actuelles s’appelle l’EMA.

L’une des choses importantes concernant l’EMA est que c’est une école accréditée par le DIP. On a donc passé plein d’épreuves, de tests pour obtenir une subvention annuelle garantie sur un exercice quadriennal, qui certifie aussi notre alignement avec les règles du DIP en termes de qualité de la formation. Cela implique la gestion réussie de beaucoup de paramètres pour respecter les exigences de l’Etat, et nos exigences à nous : nos valeurs, nos démarches pédagogiques. Et aujourd’hui, à Genève, l’EMA est la seule école accréditée qui offre une formation en musiques actuelles. Les autres font plutôt de la musique classique et un peu de jazz.

Je ne considère pas ces écoles comme concurrentes, car je ne vois pas les choses ainsi en termes de formation et de culture. Nous sommes là pour les élèves, pas pour défendre une école. Notre objectif est de pérenniser notre importance au sein de la société auprès des jeunes et des moins jeunes, et toutes les écoles collaborent en principe à cela ensemble.


› Et les musiques actuelles ?

Le domaine des musiques actuelles est très vaste et ne cesse de se transformer. Ce qui a beaucoup de succès à l’EMA c’est le metal, la chanson et le songwriting (avec Florence Chitacumbi et Alenko), les musiques électroniques – un pôle que nous avons énormément développé ces dernières années et que nous continuerons à renforcer – et les musiques du monde (Marc Crofts, Edwin Sanz et Théodore Monney).

Nous proposons aussi du jazz, ce n’est pas l’axe majeur de l’école à ce jour, mais nous allons pouvoir développer cette offre ces prochaines années. En effet nous avons la chance d’avoir des enseignants à l’eMa qui sont la crème des jazzmen de la région (Erwan Valazza avec le groupe MOHS, Louis Billette, Zacharie Ksyk, Maxence Sibille et Matthieu Llodra avec le groupe KUMA et Léo Tardin de Grandpianoramax).

Nous avons aussi la moitié des membres du groupe de metalcore Nostromo (Lad Agabekov et Maxime Hänsenberger), qui jouit quand même d’une notoriété internationale depuis 30 ans et, enfin, Christophe Godin, une figure de proue du rock français avec le polyvalent bassiste Ivan Rougny…



› Comment l’enseignement de la musique a-t-il évolué pour vous avec les tutos sur internet, les cours en ligne, etc. ?

Cette question touche à l’analyse des risques d’une école de musique. On se demande bien sûr quels sont les concurrents, quels sont les effets sur les inscriptions, etc., mais depuis 13 ans que je dirige des écoles, je pense finalement que toute cette offre sur internet, souvent gratuite, n’a pas eu un impact négatif pour nous, au contraire. C’est l’occasion pour des gens curieux de commencer : ce n’est pas cher et c’est très accessible. Certains poursuivent certainement tout seuls, et d’autres abandonnent, Mais si quelqu’un accroche vraiment et souhaite développer ses compétences instrumentales, il finira par aller dans une école, comme nous avons pu le remarquer. La même chose m’arrive à moi quand j’essaie de perdre du poids et de devenir plus beau en regardant des vidéos : il faut d’abord une discipline de fer, et puis on ne voit pas les détails, on n’a pas de retour sur sa propre exécution… Un coach va accompagner et corriger, conseiller des approches un peu différentes pour y arriver, ce qu’une vidéo n’apporte pas.

Par contre, ce qui a été intéressant avec la pandémie, c’est l’apparition de la notion de cours présentiel et distanciel. On s’est rendu compte que l’enregistrement audiovisuel renfermait un potentiel important pour l’automatisation de certaines choses. Par exemple, un prof de piano répétera les exemples d’harmonisation de la gamme majeure des centaines de fois au cours de sa carrière. Or c’est toujours le même discours. Le suivi est différent, mais l’explication de base reste la même. Avec l’audiovisuel, on le fait une fois pour toutes. On stocke l’information et l’élève peut la découvrir, la réécouter, et revenir dessus à sa guise. A travers cette expérience, nous avons commencé à développer un système d’outils interactifs avec un intranet pédagogique à travers lequel les élève et les profs ont accès à leurs devoirs, à leurs partitions, à leurs tutos. Pour revenir à ta question, quelque part ça ouvre la possibilité pour l’école de proposer ses contenus, avec en plus un suivi de proximité, qui est potentiellement intéressant.


› En tant que directeur d’école, tu as une démarche assez particulière il me semble ?

Depuis que je suis directeur, je refuse d’imposer à mes élèves d’apprendre le solfège avant de commencer à apprendre un instrument. Je pense que c’est une erreur fondamentale et une hérésie pédagogique. En tant qu’enfant, on apprend à parler avant d’apprendre à écrire. Et en musique, il faut se placer dans l’aspect ludique, dans le son, tout de suite, et apprendre ensuite à mettre des mots sur ce qu’on vit et les codes pour en parler avec les autres.

Je travaille donc avec la responsable de la filière pédagogique de la HEM de Genève sur le fait de revenir à la source pour définir l’enseignement des musiques actuelles. La musique classique et son enseignement sont formalisés depuis bien longtemps maintenant, mais l’histoire des musiques actuelles est beaucoup plus floue. Parce qu’à l’origine, c’est une transmission de savoir uniquement orale. Le blues, la musique traditionnelle africaine, ce n’est pas écrit. Mais cela s’est standardisé au fur et à mesure que les notions de connaissances théoriques et du solfège sont rentrées dans ces traditions. Mais en tant que directeur d’école, pour faire en sorte qu’un établissement soit accrédité et reconnu, il fallait qu’il s’inscrive dans un cadre fixé par les institutions de l’Etat. Or dire "nous, on fonctionne à l’oreille", c’est difficile à défendre dans ce contexte. C’est d’ailleurs un des défis que les écoles de jazz américaines ont relevé avec brio. Les virtuoses qui en sortent ont une oreille phénoménale, savent tout lire, savent tout jouer.

La question qu’on se pose maintenant, en marge du jazz qui est déjà bien institutionnalisé, est celle de savoir quel est le vrai pedigree de l’enseignement de la musique dite actuelle. Par exemple, dans un groupe de rock, on fonctionne avec une grille, et on passe beaucoup d’heures dans une cave à essayer des trucs et à répéter. Pour coller à cette réalité des musiques actuelles, nous cherchons à deviser une méthode qui partirait plutôt de ça au lieu de superposer le classique, le jazz, et le reste pour en faire artificiellement un ensemble monolithique. Je pense que cette démarche va renforcer notre historique et va inspirer les autres démarches pédagogiques. Je parle beaucoup avec mes profs de l’importance de l’oreille, du fait d’apprendre à chanter une mélodie avant d’apprendre à la jouer sur l’instrument, et d’avoir une connexion directe entre l’abstraction de la note et la concrétisation du son au niveau des doigts, de la bouche, etc. C’est ça qu’il faut transmettre, à mon sens, car la musique, ça se vit avant tout.


› La presse a parlé il y a quelques mois du déménagement de l’EMA vers des nouveaux locaux, qu’en est-il du projet ?

La situation est la suivante : nous sommes aujourd’hui au premier étage d’un immeuble des Acacias, avec une entrée qui fait penser à une station de métro parisien, à peine 800 m2 d’espace, et une salle de concert qui peut accueillir 40 personnes assises et 80 debout. Et bientôt, nous allons passer à 3000 m2 avec 35 salles de répète complètement insonorisées et équipées, et il sera possible de faire des enregistrements dans toutes les salles du rez-de-chaussée. Ce sera donc pratiquement un studio de 1000 m2 avec la possibilité de faire des enregistrements vidéo que nous mettrons à disposition de nos élèves, mais qui sera aussi accessible à la communauté.

Par ailleurs, avec le Centre des Musiques Actuelles, un projet qui vise à mélanger les genres et à permettre aux gens de se rencontrer, nous avons deux salles : un club qui pourra accueillir 140 personnes assises et 200 personnes debout, soit le triple de ce que nous avons actuellement, et l’emblématique salle Ansermet, qui avait été conçue par ce brillant musicien en collaboration avec la RTS pour des captations.

Pour la salle Ansermet, elle peut accueillir 300 personnes, et elle a une acoustique exceptionnelle, mais y jouer des musiques amplifiées était impossible, car elle a un taux de réverbération de 1,6 secondes. Donc nous la transformons actuellement pour la rendre polyvalente. Nous avons fait venir un acousticien de Bruxelles pour travailler sur ce projet, et nous avons conçu une structure avec des panneaux amovibles avec un côté réflecteur et un côté absorbant, qui permettront de faire passer le taux de réverbération de 1,6 à 0,9 seconde, ce qui permettra de jouer avec des instruments amplifiés. Il sera également possible d’y faire de la production, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Nous avons aussi un système immersif, qui permet d’avoir un son qui vient de partout à la fois. La vocation du club sera par contre plutôt d’être un espace pour les musiques metal, electro, et je me réjouis de voir les auditeurs de baroque côtoyer les fans de metal au bar et échanger ensemble.


› L’ambition du Centre des musiques actuelles est-il alors de prendre la place de la Cité de la musique ?

Non, car la Cité de la musique n’était pas portée sur les musiques actuelles, ce qui est certainement une des raisons de son échec. Quand j’ai appris que ce projet existait, j’ai été triste de constater que nous, enseignants et interprètes de musiques actuelles, n’étions pas estimés et pas valorisés à travers lui. Le projet du Centre des Musiques Actuelles est justement une réponse à ce manque. Quelque part, nous pallions cette lacune de la Cité de la musique. Le but de ce projet, qui bénéficie de beaux outils au cœur de la ville, c’est de montrer ce qu’on peut proposer, et de dire aux gens : "venez nous rencontrer".


› La plupart des jeunes écoutent pourtant des musiques actuelles, semble-t-il.

Depuis 13 ans que je dirige des écoles de musique, j’ai constaté que même si les musiques actuelles bénéficiaient d’une certaine reconnaissance de la part des pouvoirs publics, elles étaient beaucoup moins considérées que le domaine classique. Sans parler d’injustice, je pense qu’il faut absolument prendre conscience que les musiques actuelles sont tout aussi sérieuses que la musique classique, et qu’elles sont tout aussi importantes en termes de développement cognitif, avec des spécificités – par exemple, la notion de groove est très importante alors qu’elle n’existe pas en classique. Et puis au fond, c’est paradoxal : on a des parents qui mettent leurs enfants dans une école classique, mais quand ils sont dans le tram, ils ont quoi dans leurs écouteurs, ces élèves ? Pas du Bach ou du Mozart, mais des musiques actuelles… Pour information, sur environ 10’000 élèves subventionnés, il n’y en a que 400 qui étudient les musiques actuelles.


› A quoi mesures-tu le succès de ce projet ?

Pour moi, le succès de ce projet sera établi quand la population et les autorités auront pris conscience de la richesse d’une formation dans le domaine des musiques actuelles et des talents que nous avons chez nous en la matière.


› Tu composes de la musique ?

J’adore composer, même s’il me faut du temps. J’ai pratiquement écrit tous les morceaux sur mes albums, mais c’est du travail : il faut les arranger, les mettre en scène, avec l’orchestre choisi. Par contre, je n’ai aucune compétence pour écrire pour les big bands, par exemple.


› Quels sont tes grands chantiers alors en ce moment ?

L’urgence avec l’EMA, c’est de visualiser le côté opérationnel. Il faut savoir ce qu’il va s’y passer, parce que d’avoir deux salles peu exploitées serait dramatique. Je vais donc me décharger de beaucoup de charges administratives pour me consacrer au rayonnement de l’école, et au fait de construire des passerelles avec d’autres structures. Mais en tant qu’école, on n’est pas là pour programmer : il y a une visée pédagogique à tout ce qu’on fait. Avec les outils dont nous disposerons se pose la question de faire vivre le lieu avec une activité musicale dense, pluri-stylistique. J’ai donc besoin de mettre en place des collaborations pour faire des co-productions, et de cultiver autre chose que l’aspect purement pédagogique. Et puis juste à côté, il y a la tour de la radio ; on pourrait peut-être l’acheter (rires).


› Quels conseils donnerais-tu à de jeunes musicien.nes qui débutent au saxophone ou dans les musiques actuelles ?

Je demande à tous mes élèves pourquoi ils font de la musique, et ils me répondent parce qu’ils aiment ça. Ensuite, je leur demande pour qui ils font de la musique. Là c’est plus flou : "pour mes parents, pour mes copains…" Et je pense que c’est pourtant une réponse essentielle à trouver pour soi. Quand on veut devenir musicien professionnel, c’est important de prendre conscience de son rôle social en tant que musicien. La pratique d’un instrument dans un contexte professionnel est un chemin de croix. Il y a beaucoup de concurrence, peu d’endroits où jouer, et parfois rien ne marche. Pourtant, construire une vision de l’art dans la société, penser sa place par rapport à cela, tout cela permet de définir et de préciser son propre projet, et la façon dont on se projette humainement, aussi.



› Salut Arnaud, tu es guitariste professionnel et professeur de guitare à l’Espace Musical. Comment les choses bougent-elles pour toi en ce moment ?

Au niveau de l’Espace musical, il y a tous les ans quelque chose de nouveau avec "La musique ensemble" ! Avec cet événement, on organise des cours en groupe, pour faire sortir les enfants du schéma des cours individuels. Ils se mêlent à d’autres élèves, qui ont plus ou moins le même niveau, autour d’un thème différent chaque année. Cette année, le thème c’était la MAO. Et c’est toujours une fête : c’est un moment de partage musical entre les élèves, avec les parents, et ça donne un concert très sympathique à chaque fois.

Sinon en ce moment, j’ai un projet de reprises avec le groupe Lemanic Vice avec qui on se connait depuis longtemps. C’est une équipe avec un sacré niveau musical, et comme on est potes en plus de ça, c’est génial de bosser ensemble. Quand on joue dans un groupe où il n’y a pas d’affinités personnelles entre les membres, à part à des niveaux de virtuosité invraisemblables où tout est toujours parfait de toute façon, ça se ressent dans la musique. Là, avec Lemanic Vice, c’est juste le pied.

Je prévois aussi d’enregistrer enfin mon album dans les prochains mois. Donc je trie les compos, et j’écris pas mal de paroles ces derniers temps.


› Quel a été ton parcours jusqu’ici ?

Quand j’avais six ans et demi, j’ai commencé par faire du xylophone au Mexique ! Mes parents y vivaient, c’est pour ça. Mais je me souviens que j’avais assez rapidement la guitare dans le viseur, et surtout le solo de guitare électrique d’Eddie Van Halen sur Beat It. Et il me fait toujours le même effet quand je l’écoute aujourd’hui (rires). Ma mère voulait que je joue un instrument de musique, et j’ai quand même fini par dire que je voulais jouer de la guitare. Donc j’ai commencé au conservatoire à Poissy, à côté de Paris, quand on est revenus du Mexique. J’y ai passé cinq ans, mais j’ai dû arrêter parce que je n’aimais pas du tout lire la musique. Mon prof de guitare classique me montrait comment jouer les trucs, et j’avais fini par avoir trois ans d’avance au niveau technique, mais j’étais en retard pour la lecture. Il y avait donc un tel écart entre ce que j’étais capable de jouer – et de retenir – et mon niveau de lecture, qu’on m’a gentiment fait comprendre que ce n’était plus possible de continuer comme ça.

J’ai donc ensuite eu un professeur particulier, et ça tombait bien, parce que j’avais environ 13 ans, j’aimais bien le jazz, toute la culture "folk moderne" : la pop, la country, le rock, et toutes ces choses là. Mais surtout le jazz. Et mon prof, Philippe Kerrien, m’a accompagné là-dedans. Deux ans sur guitare classique, et ensuite sur électrique à partir de mes 15 ans. A 17 ans, j’ai fait une année en tant qu’animateur. Mais à la maison c’était "passe ton Bac d’abord" (rires). Et quand j’ai eu 19 ans, et que j’ai eu les moyens de m’en acheter une, je me suis mis à la guitare folk. Ça allait bien avec les feux de camp, tout ça. Et à 20 ans, j’ai fait l’American School of Modern Music.


› Une école avec un cursus professionnel ?

C’est un cursus de cinq ans, au cours duquel j’ai appris à faire des arrangements, à composer, à composer dans de brefs délais. J’ai fait de la musique de films, des duos, des trios, des sonates, et surtout, j’ai fait beaucoup de concerts et appris un grand nombre de standards de jazz. J’ai aussi fait des arrangements pour big band, j’ai fait le chef d’orchestre… C’était une formation très complète, et quand on sort de cette école, on n’a plus du tout la même écoute qu’en y entrant. D’ailleurs aussi pour le déchiffrage, j’y ai appris que ce qui est intéressant est d’arriver à un niveau où quand on lit la note, on ne va plus chercher mécaniquement sur quelle case elle est, mais où on joue la note qu’on lit parce qu’on l’entend dans sa tête.


› Comment es-tu arrivé à Genève, alors ?

Après cinq ans de vie parisienne, quelque chose n’allait pas vraiment pour moi, je ne me sentais pas à ma place. Et puis à cette époque j’ai rencontré mon ex-épouse qui vit dans le coin, donc je suis finalement arrivé ici un peu par hasard. Je me suis rendu compte ensuite que j’avais une formation et une expérience importantes au niveau de l’animation et du travail avec les enfants. J’ai donc fait plein de petits boulots et pour finir, j’ai passé un entretien à l’Espace Musical. Il y a une raison pour laquelle pas mal de profs de guitare ne donnent pas de cours aux enfants en dessous de huit ans. Et moi je sais précisément relever ce défi, en fait. En tant qu’animateur, j’étais habitué à travailler avec des enfants de manière ludique, et ça compte énormément avec eux, pour faire vivre l’envie de jouer. Donc ça collait parfaitement.


› Quelle a été ta première guitare folk ?

Mon premier modèle, que j’utilise toujours, est une Larrivée L5. J’avais tout essayé : Takamine, Ovation, tout. Je trouvais que ça sonnait, mais il me manquait toujours quelque chose. Et puis il y a eu cette Larrivée, qui était magnifique. Elle avait une sonorité pleine, puissante et chaude, et elle était aussi d’une beauté remarquable, toute en acajou rouge. J’étais conquis, et je suis resté fidèle.


› Et de quels autres instruments joues-tu ?

Je suis essentiellement guitariste, le reste c’est pour m’amuser. Je joue de la guitare classique, de la folk, "des" électriques, du ukulele, un peu de basse, du banjo, et du charango, un instrument à cordes d’Amérique du Sud, avec cinq cordes doublées. Mes parents me l’avaient rapporté d’un voyage quand j’avais 24 ans. C’est un tout petit instrument avec des cordes en nylon, qui sonne donc très aigu, sur lequel on peut faire des choses mélodiques et rythmiques intéressantes.


› Quels sont tes influences majeures, et comment tes goûts ont-ils évolué avec le temps ?

Mes influences sont nombreuses. J’aime la guitare classique, j’aime la musique classique, romantique, baroque, contemporaine – Debussy, Alfred Schnittke, le grand orchestre… Et puis j’aime le jazz. J’aime Miles Davis, le jazz des années 50 en général, John Scofield, et surtout Adam Rodgers, qui est pour moi un guitariste extraordinaire parce qu’il sait aussi bien jouer du classique que du jazz contemporain, qu’il mêle dans des thèmes captivants.


› Un peu de rock peut-être ? Je t’ai entendu jouer un morceau des Stones un jour…

Bien sûr. Les Stones, Led Zep tout spécialement, Zakk Wylde – j’adore ses albums acoustiques – et toute la musique bien faite en général. Et on n’a pas encore parlé de la bossa nova. Baden Powell, et Paoliño Nogueira, notamment. J’invite tout le monde à écouter "Samba em prelùdio" de Paoliño Nogueira, c’est magnifique. Il y a ce côté rythmique prenant qui fait qu’on a envie de danser quand on l’écoute.


› Tu as des références variées. Il y a une limite à ce que tu aimes ?

Ecoute, j’aime même la vulgarité de Gainsbourg dans certains titres (rires), et le metal. Pas tous les groupes, mais j’aime Tremonti pour les choses récentes, et Megadeth et Pantera pour les trucs old school. Ça fait parfois du bien en voiture (rires).


› Quelles sont tes guitares folk préférées ?

Je me suis toujours dit que je me payerai une Martin D-45 pour mes 45 ans. C’est bientôt, alors j’essaie d’en parler autour de moi pour trouver des fonds (rires). J’adore ces guitares, elles sont exceptionnelles. Larrivée avait d’ailleurs commencé en faisant des Martin meilleures que Martin à ses débuts. Et puis j’aime aussi les Collings, elles sont superbes. Mais je pourrais tout aussi bien apprécier une vieille Guild au son sec sur laquelle il faut monter du 13-56 et cogner, selon son caractère.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare folk ?

La première chose qui va me faire réagir, c’est la dynamique. Une guitare me plaira si je sens qu’elle peut envoyer beaucoup de volume, mais qu’on peut aussi jouer pianissimo. Ensuite, le sustain est très important pour moi. Il faut que la note s’éteigne le moins possible et sonne longtemps. Et puis enfin, le grain est essentiel aussi.


› Et le confort ?

C’est quelque chose qui va avec le fait de passer du temps sur l’instrument. C’est à moi de m’adapter à la guitare par rapport à ça. Si elle sonne super bien, les fabricants vont avoir pensé à la rendre assez jouable. Pour le reste, je pense qu’on peut quand même faire un petit effort (rires).


› Comment décrirais-tu ton expérience avec Servette-Music ?

Servette-Music est le premier magasin dans lequel je suis venu acheter des cordes quand je suis arrivé à Genève. Je me souviens que Sergio était derrière le comptoir, et je suis venu plusieurs fois après pour l’embêter un petit peu… J’avais envie de faire mon pedalboard, donc j’essayais des trucs, des effets. Mais j’ai aussi surtout été magasinier ici pendant dix ans, et j’ai eu accès à toutes les guitares, et la possibilité d’affiner mon oreille. Et aujourd’hui Servette-Music est le magasin que je recommande à tous mes élèves. Vous avez des guitares d’études magnifiques et un service après-vente au-dessus de tout ce que je connais. Un jour, j’avais un élève dont le chevalet se décollait, et je l’ai envoyé chez vous. Vous lui avez changé la guitare tout de suite. Bon, j’imagine que vous vous êtes débrouillés après avec le fournisseur, mais en tant que client c’est juste la classe.


› Peux-tu nous parler de ton activité de professeur à l’Espace Musical ? Qu’y a-t-il de particulier dans le fait de travailler avec les enfants ?

L’espace Musical est une école spécialisée dans l’éveil musical et l’apprentissage d’un instrument à un jeune âge. On est une vingtaine de profs, et on donne des cours de guitare individuels aux enfants à partir de l’âge de cinq ans. De cinq à huit ans, les cours sont très différents de ceux que auxquels assistent les plus grands, et c’est passionnant parce qu’avec les enfants, par rapport à l’apprentissage, on va tout de suite être dans le jeu et on va jouer de la musique avant de savoir lire. On met donc en place quelque chose de très important : retenir la musique avant de la lire. Même si on ne s’applique pas spécialement pour jouer telle ou telle note, ce n’est pas grave, l’essentiel c’est de s’amuser à jouer. Les adultes ont plus de peine à lâcher prise et à jouer quelque chose quand ils savent d’avance que ça ne va pas sonner. Les enfants, eux, ça ne les embarrasse pas.

L’Espace Musical adapte aussi ses cours à chaque enfant. Comme ce sont des cours individuels, on arrive rapidement à cerner une difficulté particulière, et on va adapter l’enseignement. Et comme je le disais, avec "La musique ensemble" on fait jouer les enfants ensemble, parce que ça fait partie de la musique de sortir de sa cave pour rencontrer les autres. C’est passionnant à regarder et ça leur permet d’évoluer. Tu vois des enfants qui ont six ans et qui ont commencé la guitare depuis un an se rendre compte qu’ils arrivent à jouer certaines difficultés techniques, et que leur camarade arrive à en jouer d’autres ; et du coup ils échangent, et construisent déjà leur identité musicale.


› Tes élèves sont un peu jeunes pour ça, mais que penses-tu en général des cours sur internet, des tutos, etc. ?

Je me rends compte qu’un bon professeur ne peut pas être remplacé par des tutos sur internet, quelle que soit leur qualité. On s’en aperçoit avec les enfants, les ados ou les adultes qui apprennent comme ça, et qui finissent quand même par prendre des cours parce qu’ils n’ont pas de schéma pour avancer. Un prof est nécessaire pour coacher, en fait. D’abord pour montrer la palette musicale qu’on peut envisager quand on est guitariste. Par exemple pour le jeu de la main droite, le jeu avec plectre, avec les différentes techniques de fingerpicking. Ça c’est pour le côté possibilités. Et puis il y a les contraintes : surtout le sens du rythme, qui est une grosse lacune chez beaucoup de musiciens qui apprennent tout seuls. On n’a pas ça dans le sang ici, en Europe, et c’est pourtant quelque chose d’essentiel. Mais ça se travaille.


› Tu nous as dit que tu allais enregistrer un album. Comment se déroule ton processus de création ?

En règle générale, ça part d’un riff, mélodique ou rythmique. Si j’arrive à m’en rappeler au bout de quelques jours, ça veut dire que c’est pas mal. Si je sens quelque chose de particulier dedans, je vais l’enregistrer et le reste vient tout seul. Sans vouloir être prétentieux, je pourrais écrire trois morceaux par jour. Mais après, j’en ferais quoi ? Il ne faut garder que le meilleur.


› Quel est le meilleur souvenir de ta carrière jusqu’à présent ?

Le festival des Hell’s Angels à coté de Clermont-Ferrand, dans un petit village en Auvergne, est un super souvenir. C’était une organisation magnifique. Il y avait Eagle Eye Cherry, Poppa Chubby, Franck Black, Rose Tattoo, une grande scène, et une petite scène. Nous, on jouait sur la petite. Il y avait une atmosphère à la Woodstock : avec uniquement de la musique qu’on aimait – du rock, une vibe "flower power" très chouette, limite hippie. Très roots en tout cas. On dormait dans une tente, on avait du fun, on jouait de la musique, on était payés…

Sinon, mon expérience avec les frères Alba, et Gianni Di Paolo, quand on est partis à Manille, a aussi une place spéciale. J’ai pris le rôle de guitariste-chanteur pour cette occasion, et c’était un super moment de partage entre nous et avec le public. J’ai beaucoup aimé chanter en français devant un public philippin… Il faisait chaud et beau, et on a fait de belles rencontres.


› Chanter t’est venu naturellement ?

J’ai toujours chanté, et ensuite ça a pris de l’importance avec la guitare électrique. Quand j’avais 18 ans, notre chanteur nous avait lâché pour l’enregistrement de notre premier album – on ne s’était pas disputés, c’était un autre truc, je ne sais plus quoi. Parmi tous les gaillards qu’on était, c’était apparemment moi qui chantais le plus juste, donc on m’a dit "faut que tu chantes". Je m’y suis collé, et c’est comme ça depuis. J’avais une voix toute fluette, alors que j’aurais voulu sonner comme Rod Stewart ou Zakk Wylde, des chanteurs avec un coffre énorme et une voix rocailleuse. Alors ce n’était pas facile (rires)…


› Je t’ai écouté plusieurs fois, tu as bossé énormément !

J’ai beaucoup bossé. En plus j’ai pris quelques kilos depuis mes 20 ans, donc il y a plus de coffre (rires)… Je suis plus à l’aise aussi, j’ai gagné quatre tons dans les graves et je suis baryton à l’origine. Mais par contre ça se dégrade un peu dans les aigus avec l’âge. J’ai appris à garder le même timbre indépendamment des circonstances, aussi. Quand on chante, la position dans laquelle on se tient impose des contraintes qui peuvent affecter la texture du son, mais en s’enregistrant beaucoup, on apprend à compenser ça et à avoir un timbre constant.



› Quels sont les projets que tu espères faire aboutir prochainement ?

J’aimerais bien faire mon album, et surtout rencontrer des musiciens, d’autres musiciens avec qui jouer de la musique. Ce qui est sympa, c’est de partager des moments avec des gens avec qui on s’entend.


› Que conseillerais-tu à un.e jeune guitariste qui débute ?

D’abord, il faut surtout de garder à l’esprit que le but est de prendre du plaisir. Ensuite, si ça ne colle pas avec un professeur, il ne faut pas hésiter à changer. Parfois il y a des personnes qui ne nous correspondent pas, et c’est important d’en tenir compte. Et puis enfin, je recommande de trouver une méthodologie pour déterminer comment travailler, avec des exercices quotidiens ludiques pour avancer. C’est en s’amusant qu’on progresse musicalement, au fond, non ?



› Salut Grégoire, tu es guitariste professionnel et professeur de guitare indépendant. Peux-tu nous parler de tes activités ?

Je suis musicien professionnel et professeur indépendant, et je joue actuellement dans plusieurs groupes pour le plaisir de jouer ensemble. Quand on a une opportunité de concert, on le fait, mais on répète surtout pour entretenir et développer notre jeu sur l’instrument. Dernièrement, j’ai démarré plusieurs projets. Il y en a un que je viens de commencer avec une chanteuse avec laquelle ça fait 30 ans qu'on se dit "On fait un truc ?" "Ouais, ouais, OK, d'accord." mais rien ne s’était fait jusque là. Et là, je lui ai dit "Sylvie – elle s'appelle Sylvie Pique – là maintenant, on y va, on fait un truc. Je te propose un projet pour lequel on s'adresse à un public âgé."


› Un public âgé, c'est-à-dire ?

C'est ce qu'elle a demandé (rires). Des gens de l'âge de nos parents, qui étaient les soixante-huitards, parce que la musique qu’on aime vient essentiellement de ces années-là. On a donc monté un répertoire d'une heure et demie qui va, en gros, de Gainsbourg à Clapton, et on va le faire tourner un peu dans des endroits où se trouvent des personnes de cette génération. Ce qui est chouette c'est que ça marche super bien entre nous. Je sais que Sylvie est une personne en laquelle je peux avoir toute confiance, ce n'est pas une diva, c'est quelqu'un qui sait chanter. Elle a une grande formation classique, mais ça ne l'empêche pas de chanter des choses beaucoup plus modernes. Elle a une très grande culture musicale, elle aime aussi bien Janis Joplin que des répertoires contemporains et classiques, et donc, elle sait bien manier sa voix. Il n'y a pas besoin de revenir beaucoup de fois sur les choses, elle connaît bien son instrument. C'est très, très sympa.

Et puis, actuellement, j'ai aussi un duo avec un pianiste qui s'appelle Alexandre Rodrigues, qui est sur Genève et qui a beaucoup de talent. Ce duo est d'ailleurs appelé à devenir un trio, parce qu'on est en train d'essayer avec un contrebassiste. On joue aussi bien des standards de jazz que des musiques de film, du Dylan... On est assez inspiré par ce qu'on a entendu entre Bill Frisell et Fred Hersch comme duo piano/guitare pour construire ce répertoire-là. Ce n'est pas évident de ne pas se marcher dessus musicalement, à avancer avec prudence, dans un duo avec deux instruments harmoniques comme ça.

Enfin, je joue dans un autre trio avec Cléa Pellaton et Ariane Morin, saxophoniste et contrebassiste extraordinaires, qui viennent de Lausanne. Là, en termes de répertoire, c'est plutôt des standards de Jazz.


› Quels ont été ton parcours et ta formation pour en arriver là ?

Je suis surtout autodidacte. Ma formation musicale a commencé quand j'étais dans une école d'art à la fin des années 80 où quelqu'un m'a tendu une cassette en me conseillant de l'écouter. C'était "Get Yer Ya-Ya's Out!" des Rolling Stones, et en l'écoutant, je me suis dit qu'il y avait quelque chose à faire de ça. J'étais très impressionné par le son d'ensemble du groupe sur ce disque. Et quand je le réécoute encore aujourd'hui, je retrouve toujours cette vibration que j'ai eu la première fois que je l'ai entendu. L'époque Mick Taylor était la meilleure période des Stones à mon avis, même si je sais que c'est très personnel. Mais là, les deux Les Paul branchées dans les amplis Ampeg, c'était magique pour moi. Et puis surtout les riffs géniaux des guitares qui se répondent et qui se complètent parfaitement, sur "Honky Tonk Woman" on touche au sublime (rires) !

Mon adolescence c'était aussi la grande période des concerts télé-diffusés mondialement. Il y avait eu le Live-Aid, et un autre d'Amnesty International. Après avoir écouté cet album, j'ai dit à mes parents que je voulais jouer de la guitare, et ils ont proposé un deal : j'achetais la guitare, et ils me payaient les cours.

› Un très beau geste de la part des parents...

Comme tu dis. Presque un instant plus tard, je trouvais ma première guitare et mon premier ampli chez Kaspar Vicky. La guitare était une Aria Pro II pas géniale, mais j'étais très content de l'avoir. Je ne me souviens plus de l'ampli, sauf que c'était un truc assez nul. Et j'ai tout de suite commencé à prendre des cours à l'ETM, quand l'école venait d'ouvrir.

Puis, assez rapidement, j'ai rencontré Christian Graf qui s'est occupé de moi. Au-delà des conseils sur les gammes, les accords, l’harmonie etc, il m'a donné des pistes de travail et des conseils sur les réglages de l'ampli, les effets, sur le son, et aussi sur la scène, sur l'écoute. Il m’a aussi beaucoup parlé des instruments eux-même, notamment leur fabrication. C’était un peu plus que le cours de guitare basique, genre "apprends ce morceau", c’était plus vaste et plus riche. On se voit d'ailleurs toujours.


› Il t'a donné une formation à 360°, on dirait.

En gros, oui. J'ai parachevé tout ça grâce à d'autres contacts, à une année de cours en pré-pro à l’EJMA en 2008-2009, à des lectures de bouquins, de magazines et autres, mais la personne avec qui j'ai échangé le plus a été Christian. Parallèlement, je jouais énormément avec les disques, dont j'ai appris beaucoup de choses. Il y avait les Rolling Stones, Clapton – essentiellement Clapton – et tout ce blues-rock des années 60, 70, et 80.


› Quels étaient les styles qui t'attiraient le plus ?

J'ai repiqué à peu près tous les morceaux et les solos qu'a joué Clapton, j'ai appris énormément comme ça. Après, je me suis tourné vers les fondamentaux du blues : Howlin' Wolf, Muddy Waters, Buddy Guy, Elmore James... J'ai compris que la nouvelle génération avait littéralement pillé cette musique, mais qu'elle l’avait aussi beaucoup popularisée. Le rock, le hard-rock, et beaucoup de ce que j'écoute vient de là. Les groupes que j'aimais avaient mis la musique des anciens au goût du jour. D'ailleurs, comme on a pu le voir, ça a permis à ces anciens d'avoir une seconde carrière. Parce que quand sont arrivées les musiques d'Elvis, etc. dans les années 50 et 60, les carrières des Muddy Waters et compagnie étaient terminées aux US, et ils ont donc traversé l'Atlantique pour faire des concerts en Europe, là où ils ont eu un second souffle grâce, entre autres, à John Mayall.

Puis après, je me suis intéressé au jazz et j'ai fait des ateliers à l'AMR dans différentes formations. J'ai joué dans le Big Band pendant deux ans, ce qui a été une expérience formidable : c'était génial d'apprendre à phraser, d'apprendre à se faufiler dans un ensemble de 20 musiciens, à trouver sa place en tant que guitariste. C'était la première fois où j'avais une place dans la section rythmique d’un tel orchestre. Quand tu joues de la guitare, dans bien des cas, tu joues les accords et tu y vas. Moi qui avais toujours été dans de petites formation musicales, là, tout d'un coup, c'était le gros truc. Donc, comment faire ? Vu que tout le monde cause en même temps, tu ne peux pas en rajouter, toi, encore plus. Il faut que tu fasses les choses très en retrait, tu es derrière. Dans cette configuration, le guitariste c'est le gars que tu n'entends pas, mais si tu l'enlèves tu t’aperçois qu'il manque.


› Tu as aussi beaucoup expérimenté avec les différents types de guitares ?

Un peu. Comme je te l'ai dit, ma première était une Aria Pro II. C'était une réplique de Charvel, celle qui avait la tête un peu pointue. Elle n’était pas terrible, et je l'ai revendue pour m'acheter une Gibson ES-335. Et quand j’ai revendu ma 335 j'ai acheté ma première grande guitare, une PRS Custom 24. Alors là, ça, c'est une de ces guitares qui font que tu ne sais plus jouer quand tu l’as pour la première fois dans les mains. C’était tellement supérieur à tout ce que j’avais eu comme instrument qu'il m’a fallu littéralement réapprendre les gestes. Parce que ça répond tellement bien, c'était tellement sensible comme instrument par rapport à tout ce que je connaissais, que je devais reconsidérer tous les réflexes et toutes les façons que j'avais d'attaquer l'instrument. Là, j'ai fait énormément de progrès. Puis après, j'ai eu d'autres PRS dont une Hollowbody I que j'ai toujours, et je me suis un peu diversifié avec une Strat et une Tele Custom Shop. Et dernièrement je joue sur une PRS 594, une Collings électrique et une acoustique, une Martin OM28, et une vieille Gibson Archtop. Donc, il me semble que je suis bien équipé (rires).


› Est-ce que tu joues aussi d'autres instruments ?

Je travaille de temps en temps la basse pour voir un peu ce qui se passe ailleurs que dans le registre de la guitare, pour mieux comprendre. Je joue donc des grooves sur quelques mesures. Par exemple, j'adore "Papa Was a Rolling Stone" des Temptations. Ce groove de basse est iconique pour moi. À un moment donné, personne ne joue pendant deux mesures sauf le charley de la batterie, et ça tient le coup magistralement surtout si tu considères qu’il n’y a qu’un seul accord pour tout le morceau, les musiciens de la Motown savaient manier le groove. Je joue aussi un peu de lapsteel, j'ai un vieux Fender Champion de 56 avec le Tweed case. Et il y a deux ans, je me suis aussi mis à la batterie pour approfondir un peu ma sensibilité au tempo, à la pulsation, et travailler quelques mesures de groove, toujours ce fameux groove... Je n'essaye pas de mystifier le groove, mais j'essaie un peu d'aller à sa rencontre, de l'apprivoiser.


› Et la guitare acoustique ?

J'en joue aussi, bien sûr, et je m'aperçois que je suis en train de jouer de plus en plus aux doigts dessus. Je me suis mis à travailler comme ça parce que j'ai récemment lu un bouquin d'un mec qui s'appelle Joe Gore. C'est un ancien rédacteur en chef de Guitar Player qui a joué avec Tom Waits entre autres. Il avait une rubrique dans Guitar Player, et l'une de ces rubriques disait "tu joues pouce, index, pouce, index, une gamme comme ça". Avec ça, tu changes le son, tu changes l'attaque, tu changes beaucoup de choses. Donc là, je me retrouve avec une nouvelle technique et je suis très hésitant et plein d’imperfections. Puis quand j'enseigne, parfois, je joue avec cette technique pour voir un peu comment ça se passe, comment je gère le son, que se soit sur électrique ou sur acoustique. Après, je ne suis pas un fingerpicker, je connais deux ou trois trucs, mais ce n'est pas un de mes points forts.


› Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes préférences ont-elles évolué avec le temps ?

J'ai commencé par le rock parce qu'à l'époque, j'avais besoin de quelque chose de brutal. À la fin de mon adolescence ça ne se discutait pas. Il fallait qu'il y ait des guitares, que ça envoie. En m'intéressant à ce genre de musique, je me suis aperçu qu'il y avait des trucs dans le rock qui étaient écrits par des gens que je ne connaissais pas, comme Muddy Waters et Robert Johnson. Je m'intéresse aussi au blues, et aussi au blues moderne comme Larry Carlton, Robben Ford, des gens comme ça. De là à Scofield et Frisell, il n'y a qu'un pas à faire. Donc j'écoute aussi bien du blues ultra-basique, complètement "rural", pour le dire ainsi, que du blues à l'harmonie un peu plus sophistiquée comme Frisell ou Scofield, qui ont des approches et une lecture beaucoup plus moderne du blues.


› Tu te nourris d'autres musiques ou tu restes dans le blues ?

Je ne suis pas contre le fait d'écouter des cantates de Bach par exemple, le contrepoint qu'il utilise est magistralement illustré, c'est du cinq étoiles. Il y a aussi des choses que j'admire profondément en Amérique du Sud, la samba, la bossa nova, par exemple. Ça ou la musique du Nord-Est brésilien, je trouve que la manière de jouer de ces gens revient à quelque chose de semblable au blues du Mississippi. L'éducation des gens, les instruments qu'ils utilisent ne sont pas les meilleurs, mais ils font une des meilleures musiques qui puissent être.

Je peux aussi aller écouter l'OSR qui va m'envoyer un truc génial du répertoire classique. Mais c'est un répertoire que je ne connais pas vraiment. Si je vais à un concert de musique classique, c'est plutôt les émotions et les sentiments que je vais avoir en écoutant cette musique qui vont primer sur le compositeur ou sur d'autres considérations. C'est impressionnant d'écouter un orchestre de 80 musiciens, un tel ensemble dégage une puissance spéciale. J'entendais le Bolero de Ravel l'autre jour, et me suis rappelé que c'est un ostinato de caisse claires de deux mesures qui dure 20 minutes. Tout ce qui va avec, toute cette immense progression avec la modulation à la toute fin, c'est de l'ordre du génie. Ce n'est pas cette musique qui me transporte le plus, mais elle m’emmène dans des recoins dont j’ignore tout et je découvre des choses splendides.


› Quelles sont tes guitares préférées ?

Il me semble que la guitare électrique que j'ai et qui sonne le mieux – bien que ce soit complètement personnel – c'est ma Strat Custom Shop 62 Candy Apple Red. J'ai joué des dizaines d'heures de concert avec elle. Elle offre une réponse immédiate, une ergonomie incomparable, un punch énorme, un équilibre parfait entre les micros, tout est vraiment super. C'est déjà tellement bien fabriqué : toutes les vis sont accessibles, tout est réglable facilement, et avec peu de patience et d'outillage, tu règles ta guitare à la perfection. C'est un coup de génie incroyable la Strat ! Et puis j'affectionne particulièrement ma PRS 594. Ensuite en acoustique, j'ai une Collings qui est un modèle basé sur une vieille Gibson, et c'est une véritable cathédrale.

Dès le début des années 50 il y a deux personnes qui ont forgé le son du rock, ce sont Léo Fender et Ted McCarty. On les oublie tout le temps, ces deux personnages, mais ils sont hyper importants et on n'en parle jamais ailleurs qu'entre spécialistes. Le grand public ne sait pas qui ils sont, mais ils ont activement participé au son de la musique actuelle. C’est grâce à eux je pense que nous avons les instruments d’aujourd’hui.


› Dans le domaine de l'électrique, les amplis et les effets sont très importants. Quel est ton set up préféré ?

J'ai toujours préféré les amplis Fender parce que j'y ai trouvé mon compte. J'ai essayé les autres amplis, mais j'ai trouvé qu'avec Fender, j'avais le son que je voulais. Sur mon pedalboard, il y a les bases comme la wah, overdrive, fuzz, delay et reverb, avec un petit compresseur à l'entrée, et c'est un peu tout. Avec ça, je fais tout ce dont j'ai besoin. Il m'est arrivé d'acheter un effet exprès pour un projet et de le revendre quand j'avais fini d'utiliser. La Whammy de Digitech, par exemple. J'en ai eu une, puis je me suis rendu compte que c'était un peu trop pour moi car je n'ai pas besoin d'avoir un effet qui fait 50 trucs. Si je veux une fuzz, je veux une fuzz, pas une fuzz qui fait ceci et cela, etc. Une fuzz, point. Donc ça reste assez simple.


› Tu joues pas à l'ancienne, directement dans l'ampli poussé à fond ?

Ça m'est arrivé. Quand je suis dans les Big Band, je rentre directement dans l'ampli comme ça. Puis après, je règle sur la guitare ce dont j'ai besoin. De cette manière tu as un son direct et tu dois vraiment gérer le son avec tes doigts, toutes les imperfections s’entendent bien entendu, et tu ne peux pas tricher avec des effets en amont.


› Qu'est ce qui est important pour toi dans une guitare électrique ?

La fabrication, la lutherie, la conception, le choix des bois, les micros… C'est pour ça que je me suis dirigé vers des guitares assez haut de gamme, parce que même si je peux très bien travailler avec des guitares d'entrée de gamme, j'arrive très vite assez aux limites de l’instrument et je me retrouve à me demander "où est le jus là-dedans ?" Là, par exemple, j'ai une Strat mexicaine qui est très bien. J'ai joué avec sur scène, elle est super, mais il me manque le dernier petit quelque chose. C'est une bonne guitare, mais qu'est-ce que je fais si je veux plus ? Et ma Custom Shop est la réponse.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Le service excellent, qui est quelque chose d'extrêmement important aujourd'hui. L'équipe est à l'écoute, et puis il y a toujours une solution. Même si ça prend du temps, il y a une solution. L'atelier de lutherie est très compétent, je peux confier mes instruments sans me poser de questions. Emeric connaît vraiment très bien la question et son travail est irréprochable.

Plus personnellement, il faut que je fasse attention. A chaque fois que je rentre dans le magasin, j'ai envie de repartir avec deux ou trois guitares, ou des effets. Je vois que vous avez agrandi, il y a une vitrine d'effets, et je me suis justement dit "non, je ne regarde pas trop par-là !" Il y a toujours une nouvelle reverb, une disto, ou un autre truc dont je n'ai pas besoin, mais on ne sait jamais (rires).


› Peux-tu également nous dire quelques mots sur les enjeux principaux liés à tes activités d'enseignant ?

Dans mes cours, je m'adapte complètement aux élèves, et ce sont eux qui décident à quelle vitesse ils progressent. Si on a le temps de faire cinq morceaux en un an, on en fait cinq, et si on a le temps d'en faire huit, on en fait huit. Ça dépendra de leur ambition personnelle et de leur disponibilité, parce qu'évidemment, on n'a pas toujours la possibilité de travailler autant qu'on le voudrait. La seule condition que je pose, c'est que ça doit avancer.

Les élèves qu'il faut pousser se rendent compte d'eux-mêmes qu'ils n'en font pas assez. Là, il y a deux options : ou bien ils se décident et arrivent à se donner plus de possibilités, ou bien ils arrêtent. Ils se rendent compte qu'il n'y a qu’eux qui peuvent faire les heures de travail qu'il faut à la maison pour progresser. C'est peut-être la principale différence entre mes cours et ceux d'une école, où là, il y a des échéances : l'audition, un concours, l'examen de fin d'année... Quelquefois, j'ai des élèves qui ont des échéances comme des concerts, par exemple, parce qu'ils sont au collège ou au Bus Magique et participent à un atelier. Donc là, on prépare en amont les quelques morceaux qu'ils joueront, et on avance comme ça.


› Comment l'enseignement traditionnel a-t-il changé avec l'arrivée d'internet, des tutoriels faciles, de la MAO, et comment t'es-tu adapté ?

La MAO existait déjà avant que je donne des cours de guitare, et internet aussi. Il faut aussi faire attention avec la pseudo facilité des tutoriels sur internet. À ce propos, je remarque que j'ai parfois des élèves qui prennent contact avec moi en me disant qu'ils ont pris des cours sur internet ou qu'ils ont regardé des vidéos, mais qu'ils se rendent aussi bien compte que ce n'est pas si facile que ça, qu’ils ont des questions et qu’internet n’y répond pas, alors ils voudraient avoir un contact direct. Et pour moi c'est ok, je les accueille avec plaisir et ça me va près bien. Car bien qu'il y ait des choses extrêmement bonnes sur internet, des vidéos géniales, des leçons approfondies, mais comment tu sais si c'est bien ou pas quand tu es débutant ? Est-ce que tu comprends ce qui est dit si tu n'y connais rien ? Il y a des sujets auxquels je ne comprends rien, et si on me dit: "tiens, regarde, c'est génial", je ne vais pas pouvoir en faire grand-chose. Qu'est-ce qu'il y a qui est génial ? Je dois voir quoi ? Donc un débutant, ou quelqu'un de non expérimenté, ça ne sera peut-être pas sa tasse de thé de se poser tout seul devant son écran pour essayer d'imiter des trucs qu'il voit sur Youtube.

Une chose qui a changé dans mon enseignement, c'est que j'écris beaucoup de partitions pour les élèves avec des logiciels faits exprès pour ça. Ça te fait la tablature et tout, c'est hyper pratique. Mais tous mes repiquages, je les fais à l'oreille et à la main. Il n'y a rien de plus rapide pour moi que la gomme et le crayon sur le papier. C'est comme ça que je fonctionne.


› Comment assure toutes tes compositions ?

En général ça commence par une idée. Ça peut être une mélodie, ou une progression d'accords, et je cherche à la compléter, à l'enrichir. Si c'est une mélodie, les accords sous-jacents seront intéressants à chercher ; si c'est une progression, les mélodies peuvent être très variées. Parfois quand j’écoute un morceau il y a une petite phrase musicale qui attire mon attention, alors je prends ce petit bout puis j'essaie de le développer à ma manière pour finir par en faire complètement autre chose. Les musiques de films sont toujours très riches et dans lesquelles je trouve pas mal d'idées d'ailleurs. Puis après, j'essaie d'imaginer un type d'accompagnement, la basse. Et la dernière étape, c'est d'essayer en groupe, pour se rendre compte de ce que ça donne.


› Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?

J'ai joué un concert devant 1000 personnes un jour pour une société qui célébrait un anniversaire à Palexpo. C'était un gros concert, hyper bien organisé. Le son était génial, l'accueil très sympa. Tout était prêt et fonctionnait, le sound-check pour un orchestre de sept personnes a été fait en dix minutes. Puis il y avait à peu près 600 personnes qui dansaient pendant qu'on jouait, ça rajoute au plaisir d'être sur scène. Être entraîné par les gens qui sont là en train de danser, c'est un de mes meilleurs souvenir de scène.


› Quels sont les projets qui t'animent pour l'avenir ?

J'espère un retour sur scène avec une plus grande activité, parce que là, il y a un creux et ça me manque. Quand je dis "sur scène", je ne parle pas forcément de 1000 personnes. Un petit truc avec 50 personnes, c'est déjà bien. C'est même plus impressionnant et plus difficile à assurer. Le premier spectateur est à 1,5 m de toi, et c'est un bon challenge de jouer comme ça directement devant le public, encore plus lorsqu’il y a des amis parmi les spectateurs. Je pense qu'il y a vraiment une demande pour des petits concerts "intimistes", même si je remarque parfois une certaine réticence à payer à prix juste les musiciens professionnels. J'en ai déjà fait fait plusieurs des concerts dans cette configuration et ça me sort de ma zone de confort.


› Qu'est-ce que tu conseilles à des jeunes guitaristes qui débutent ?

Déjà, essayez d'avoir un instrument de bonne facture. Il ne faut pas jouer sur n'importe quoi, les instruments trop bon marché ça dessert l'apprentissage. Puis il faut bien vous entourer, c'est-à-dire trouver quelqu'un qui vous convienne et qui arrive à vous guider selon vos envies. Ça, c'est une question personnelle. Voilà, c'est tout. Il faut investir un tout petit peu dans le matériel pour bien commencer, puis assez vite pensez à jouer avec d'autres dans des orchestres. Même si on n'aime pas forcément le style, apprendre l'écoute et le jeu ensemble, c'est le conseil fondamental que je donne à mes élèves.



› Bonjour Gérard Métrailler, vous êtes notamment trompettiste à l'Orchestre de Suisse Romande (OSR) et professeur à la Haute Ecole de Musique (HEM) à Genève. Pourriez-vous brièvement présenter vos activités à nos lecteurs et lectrices ?

Je suis effectivement trompettiste dans l'Orchestre de la Suisse Romande (OSR) et professeur à la Haute Ecole de Musique de Genève. Je suis également professeur à l'Académie NEOJIBA à Salvador de Bahia au Brésil depuis maintenant quatorze ans. J'y vais deux fois par an pour enseigner pendant une dizaine de jours, même si la pandémie avait bloqué ça un temps.


› Quel a été votre parcours pour en arriver là ?

Mon parcours est assez atypique parce que j'ai fait du saxophone jusqu'à l'âge de 17 ans. Comme je viens du Valais, où un saxophone n'a pas vraiment sa place avec tous les brass bands, j'ai pris une trompette dans l'armoire de la fanfare. J'étais autodidacte jusqu'à 20 ans, et j'ai pris mon premier cours de trompette à 21 ans.

Après, c'est allé très vite puisque je suis entré à l'ORS à 25 ans. En 86, j'ai réussi le concours de l'OSR et j'y ai commencé le 1er janvier 1987. La même année, j'ai eu le deuxième prix du concours de Genève, et en 1988, j'ai obtenu le deuxième prix du concours Maurice André. Donc ces trois années ont été une charnière pour toute ma carrière.


› Vous êtes allé très vite... On dit que pour bien jouer de la trompette il faut travailler beaucoup. Vous avez travaillé beaucoup-beaucoup alors ?

Oui, j'ai beaucoup travaillé, mais finalement sans faire plus que nécessaire. J'avais surtout l'envie et la volonté de faire de la musique, mon métier ; ma vie. Quand je suis arrivé à Genève depuis Chalais (NdR. dans le Valais) pour faire des études au Conservatoire, je me suis aperçu très vite en écoutant l'OSR pour la première fois au Victoria Hall que c'était là – dans un orchestre – que je voulais faire ma vie.


› Comment étaient les débuts ?

C'était la grande aventure. Je me souviens qu'on a fait le tour du monde l'année où je suis rentré, en 1987. On faisait des tournées de quatre semaines, et on avait un succès énorme dans des salles prestigieuses, avec des solistes prodigieux, et Armin Jordan, qui m'avait fait entrer, et qui était un chef extraordinaire... C'était hyper motivant.


› Et puis vous avez intégré la HEM tout de suite ?

C'est venu une dizaine d'années plus tard, en 1994. J'ai d'abord enseigné aux Cadets de Genève juste à côté, et puis j'ai eu ensuite l'opportunité de faire un intérim' au Conservatoire. Mais j'ai fait le concours à la HEM – qui s'appelait "Conservatoire supérieur" à l'époque – seulement ensuite.


› Et NEOJIBA à Salvador, c'est venu quand ?

J'y ai débuté en 2009. En fait, c'est une académie comme le Systema au Venezuela. C'est une école qui permet aux jeunes de la rue d'avoir accès à des instruments et d'apprendre à jouer de la musique. Ricardo Castro, un grand pianiste qui est aussi professeur à la HEM, a voulu monter quelque chose de similaire à Salvador. Comme en 2009, l'OSR était au Brésil – pour la première fois, il me semble – Ricardo nous a demandé de rester une semaine de plus pour enseigner, et c'est parti comme ça. Au début il y avait 80 jeunes, et maintenant il y en a entre trois et cinq mille. Évidemment, c'est une expérience extraordinaire au niveau humain, au niveau musical... A tous les niveaux, en fait. J'aimerais même avoir plus de temps pour faire profiter les jeunes là-bas de ce qu'on peut leur apporter.



› En tant que musicien professionnel, quelle est votre actualité et quels sont vos projets ?

A mon âge, les projets sont plutôt de lever le pied, parce que ça fait quand même "quelques" années que je cours dans tous les sens avec l'OSR et la HEM. Ça fait maintenant longtemps que j'ai des élèves, des étudiants, que je fais des voyages au Brésil... Avant je travaillais aussi avec l'ensemble Contrechamps, mais j'essaie maintenant d'avoir un peu plus de temps pour moi. J'envisage de faire plus d'enseignement et d'arrêter l'OSR à moyen terme pour pouvoir faire plus de masterclasses, de jurys, des choses que je dois refuser maintenant parce que l'Orchestre est de plus en plus prenant. J'ai l'impression que l'Orchestre travaille plus maintenant qu'avant, même si on nous dit que ce n'est pas le cas, mais c'est plus compliqué de dégager du temps libre pour des activités extérieures. Si c'est à Genève, il n'y a pas de problème – j'arrive toujours à m'arranger pour enseigner à la HEM – mais aller au Brésil pour enseigner, ou faire des masterclasses ailleurs, c'est délicat de pouvoir trouver des créneaux sur une année. Donc là, par exemple, j'ai enseigné à Bordeaux pour quelques jours, et en mai je vais enseigner à Aix-en-Provence, puis je pars ensuite au mois de juin au Brésil. J'espère ménager plus de disponibilité pour accepter ces opportunités à l'avenir.


› Vous semblez particulièrement passionné par l'enseignement et la transmission...

J'adore transmettre, partager avec les étudiants, surtout comme au Brésil : en treize ans, j'ai réussi à former une classe merveilleuse, avec des étudiants qui jouent vraiment bien. Un de mes élèves du début est maintenant professeur de trompette à l'Université de Recife, c'est très gratifiant, et humainement c'est important pour moi. C'est d'ailleurs toujours un peu étrange pour moi quand je reviens en Europe et que je vois les élèves qui ont tout à disposition, et pas autant de motivation. Du coup ils n'aiment pas me voir rentrer du Brésil, parce que mes exigences montent d'un cran (rires).


› Avec plus de 35 ans au sein de l'OSR, vous avez vu cet orchestre changer. Quelles sont vos impressions concernant son évolution ?

Le monde de la musique a évolué, et l'Orchestre, comme tous les orchestres, aussi. Je me demande toujours si les meilleurs souvenirs que j'en ai, ceux des débuts, sont vraiment les meilleurs moments que j'y ai passé. Mais avec le recul, même si le dernier concert que j'ai joué avec l'OSR à Berlin il y a quelques semaines était probablement le meilleur – c'était un concert magnifique, où nous avons joué la troisième de Beethoven – les tournées qu'on faisait au début étaient plus confortables au niveau de l'organisation. Au début, quand on allait au Japon, c'étaient des salles combles, on signait des autographes à la sortie, c'était impressionnant. C'est encore un peu comme ça au Japon, mais tout change et maintenant, les tournées sont un peu plus fatigantes. Mais la qualité des représentations augmente, et l'Orchestre aussi. Nettement.


› A quoi attribuez-vous cette amélioration de la qualité de jeu de l'OSR ?

L'Orchestre a été rajeuni dans les années 80. On n'est plus limité à Genève ou à la Suisse, on vient de partout pour jouer dans l'OSR, et le niveau des musiciens engagés est plus élevé maintenant.


› Comment vous sentez-vous au sein de l'OSR à présent ?

C'est difficile à dire. Peut-être que les conditions de travail étaient meilleures auparavant. Après, c'est difficile de comparer. J'ai toujours eu beaucoup de plaisir à jouer au sein de l'Orchestre et je n'éprouve aucune lassitude. L'expérience aide à bien réagir, même aux situations difficiles. On se connaît mieux et on s'adapte plus vite. Peut-être qu'avec l'âge on se fatigue plus, mais je pense avoir toujours suffisamment d'énergie. Et puis il y a évidemment eu le Covid qui a chamboulé pas mal de choses au niveau des voyages et de l'organisation de l'Orchestre.

C'est peut-être pour ça qu'il y a beaucoup de choses qui ne sont pas terribles en ce moment. La dernière tournée qu'on a faite l'a été en remplacement d'une tournée en Asie, donc c'est une tournée organisée en dernière minute, et à cause de ça, les déplacements sont compliqués. On joue à Anvers et Lille tout en dormant à Bruxelles et le lendemain matin on prend l'avion pour jouer à Berlin... Les concerts sont importants, mais devoir faire 5-6 heures de voyage le jour même du concert, c'est quand même pas idéal. Même si ce n'est pas constamment ainsi, j'ai l'impression que tout se resserre un peu, comme partout en ce moment, d'ailleurs.



› Qu'est-ce qui vous a motivé à jouer de la trompette ? Et vous souvenez-vous de votre première trompette ?

Alors comme je l'ai évoqué, je jouais d'abord du saxophone, et j'avais un assez bon niveau de fanfare, mais je ne voyais pas d'avenir pour moi en tant que saxophoniste en Valais. J'ai donc décidé, vers mes 16-17 ans, de prendre une trompette pour voir ce que ça donnerait. Mes frères, qui étaient aussi musiciens, m'ont beaucoup aidé, et ce ne sont sinon pas des joueurs de cuivres, mais un percussionniste et un chanteur qui m'ont transmis les notions de base, et surtout l'envie de jouer. Je ne me souviens pas bien de ma première trompette par contre, parce que j'avais juste pris un truc dans l'armoire de la fanfare. C'était un vieux modèle de Courtois. Mais après, j'ai pu acheter un cornet Getzen, que j'ai encore. Lui, c'est le premier instrument que j'ai acheté.


› Vous jouez encore du saxophone, ou peut-être d'autres instruments ?

J'ai rejoué du saxophone il y a quelques temps, et c'est marrant parce que pour moi, c'est un peu comme le vélo. Je veux dire que je me souviens des doigtés, même si pour sortir un bon son, il me faut quelques minutes. A vrai dire, je n'ai pas beaucoup de temps pour me consacrer à d'autres instruments, mais j'aimerais bien faire du piano. J'en ai joué pour les études et j'ai presque tout oublié. Mais d'ici à quelques années, quand je serai à la retraite, je me mettrais à faire un peu de piano.


› Quels sont vos styles de musique préférés, et comment vos goûts ont-ils évolué avec le temps ?

Quand j'ai commencé, j'écoutais évidemment beaucoup de musique de brass band, car en Valais, il n'y a que ça. Après, j'écoute bien sûr beaucoup de musique classique. J'aime aussi beaucoup la musique baroque, même si on n'en fait pas beaucoup à l'OSR. Quant au jazz, va leur dire... J'en écoute beaucoup, mais je n'ai malheureusement jamais eu l'occasion d'en faire et de travailler l'improvisation, par manque de temps principalement. D'une manière générale, je suis très bon public, donc j'écoute de tous les styles.

Une chose que j'adore maintenant, c'est être dans la fosse d'orchestre à l'opéra. Même si c'est frustrant de ne pas voir la scène, je trouve que l'opéra est un spectacle complet extraordinaire. Parfois ce sont des opéras longs et on ne joue pas beaucoup, donc on peut même lire discrètement dans la fosse. Pas la musique, mais un vrai bouquin – je ne devrais peut-être pas le dire (rires). L'opéra, c'est un peu ce que j'aime le plus à l'OSR. Même si une symphonie de Bruckner, de Brahms ou de Mahler, c'est fantastique, à l'opéra il y a la scène ET l'orchestre, les décors... C'est une grande chance à Genève de pouvoir faire ça, on a une salle reconnue mondialement, et l'Orchestre est aussi très réputé – à raison.


› Que demande le peuple ?

On peut le dire comme ça, oui. Je me suis présenté à d'autres concours, comme à Paris en 1992. Mais quand je suis arrivé là-bas, je me suis demandé "mais qu'est-ce que tu fais là ?" Je suis arrivé en finale du concours, mais je n'étais pas convaincu déjà à l'époque. On a une qualité de vie exceptionnelle ici. D'ailleurs, c'est un peu le contraire qui se passe maintenant : ce sont les musiciens de Paris qui cherchent à venir à Genève.


› Quelles sont vos influences majeures ?

J'ai eu la chance de connaître Maurice André, un grand personnage dans le monde de la trompette. C'est un dieu de la trompette, et il a tellement fait pour l'instrument, tellement amélioré le répertoire avec toutes ses transcriptions pour la musique baroque, les concertos... Il a fait beaucoup, et pas que pour la trompette, mais pour les instruments à vent et la musique en général. Il a su développer le répertoire et il a donné une place au soliste d'instruments à vent sur les scènes. Puisque j'ai eu un prix du concours Maurice André en 1988, j'ai eu l'opportunité de faire sa connaissance et de le rencontrer plusieurs fois ensuite. C'était quelqu'un de tellement généreux, tellement simple...

C'est souvent le cas des grands artistes, et toutes les personnes très talentueuses que j'ai rencontrées étaient des personnes qui avaient un grand cœur. Il y a bien sûr ceux qui sont insupportables, mais ce ne sont jamais les meilleurs pour moi. Parce que si on est artiste, on doit avoir une certaine sensibilité. Il y a plein d'opportunistes, évidemment, et qui sont aussi de bons musiciens, mais ce ne sont jamais les meilleurs que j'ai rencontrés. Il y a peu, j'ai encore revu Guillaume Jehl, que je connais bien, à Berlin. il est trompettiste solo de l'Orchestre de Berlin, et c'est un ange ! C'est quelqu'un de tellement simple, ouvert, abordable et qui ne se prend pas la tête ; ça, ça m'inspire.


› Sur quelle trompette jouez-vous aujourd'hui et pour quelles raisons l'avez-vous choisie ?

Je joue des trompettes Vincent Bach qui viennent de chez Servette-Music et qui sont équipées du nouveau système Vibrabell de René Hagmann. Si je joue sur Vincent Bach, c'est parce que j'aime beaucoup le son, la résonance et la réponse de ces trompettes. Ça me parle plus que le son d'autres instruments comme Yamaha, qui fonctionnent très bien. J'ai des petites trompettes Schilke, mais pour celles que j'utilise le plus – en Ut et en Sib – j'ai besoin de sentir vibrer l'instrument, de pouvoir façonner mon son. Une Vincent Bach, avec le système Vibrabell en plus, c'est parfait pour moi.


› Ça nous fait toujours plaisir d'entendre que le travail de René est apprécié...

Pour moi, la recherche qu'il a effectuée est vraiment géniale, mais j'ai l'impression qu'elle n'est malheureusement pas assez connue. Pourtant pour toutes les personnes à qui je fais essayer mes instruments, c'est une révélation. Transformer une trompette est toujours un peu difficile ; on a des scrupules à avoir une bonne trompette et à la démonter puis la remonter... Mais là avec le travail de René, c'est facile. Le système Vibrabell, c'est un truc super : pouvoir changer la branche, de modifier le gap vers l'embouchure, c'est fantastique. Je le conseille à tout le monde. Il faudrait que toutes les trompettes en soient équipées, car la différence est énorme : plus de confort de jeu, une meilleure projection du son... On a l'impression de faire corps avec l'instrument. J'ai essayé plusieurs systèmes intéressants, comme le Spada, mais là on est sur un autre niveau. Les connaissances de René sont sans limites, et encore une fois, c'est quelqu'un qui est tellement simple à aborder : Il partage ses connaissances, sa passion. Il connait tous les systèmes de tous les instruments, et il les joue tous. Donc quand on vient chez lui et qu'on lui pose une question, il y en a pour 2h. Mais quel bon moment à chaque fois !


› Vous changez le pavillon parfois ?

Oui mais en fait, j'utilise deux trompettes, suivant le répertoire que je joue. J'ai une trompette que j'utilise beaucoup pour le répertoire de l'Orchestre, où on doit jouer avec plus de son – le répertoire allemand, je dirais. On utilise aussi des trompettes allemandes – et j'utilise une autre trompette si je veux jouer du répertoire français, avec plus de finesse. C'est également la trompette que j'utilise pour donner mes cours, et jouer les concertos. Mais ce qui change principalement entre ces trompettes, c'est la branche. J'utilise une branche Malone pour l'Orchestre, et une 25A pour le reste.


› Comment décririez-vous votre expérience avec Servette-Music ?

Je suis pas un très bon client parce que je les ai transformés, mais j'ai gardé mes instruments des débuts... J'ai déjà dû faire refaire le système de pistons d'une trompette parce qu'il y avait du jeu, mais c'est difficile pour moi de me séparer d'un instrument qui fonctionne bien à moins d'une casse, d'une chute ou autre chose qui le rend irréparable. Je me souviens aussi avoir un jour acheté une trompette que j'ai revendue trois mois plus tard, et j'ai repris ma vieille (rires). Mais j'ai beaucoup de chance, parce que si j'ai un problème, je viens chez Servette-Music et René ou Claudio me prennent en charge dans les cinq minutes, c'est le grand luxe.


› Quels sont les meilleurs souvenirs musicaux de votre carrière ?

Il y en a plusieurs en fait, c'est difficile de faire le tri. On ne peut pas oublier avoir fait le tour du monde à 25 ans pour jouer dans des salles de concert mythiques. Quand on passe de la Corée au Japon pour aller ensuite en Californie, ça marque. Mais c'est chaque fois des souvenirs incroyables. Les tournées, ça laisse de grands souvenirs. Je me souviens d'être allé à la muraille de Chine au cours d'une tournée là-bas, mais je me souviens plus en quelle année. Au fond, les grands souvenirs, c'est ceux des tournées dans les salles les plus prestigieuses avec des grands solistes. Puis il y a des grands chefs qui marquent – et on en a plus régulièrement mainentant. La période d'Armin Jordan, c'était une période formidable. Il y avait une ambiance et une manière de travailler qui étaient vraiment très agréables et les résultats étaient là.

Et puis il y a eu la rencontre avec Maurice André. Je me souviens de l'avoir rencontré par hasard un jour quand j'étais en tournée à Tokyo. On a beaucoup parlé, et il m'a invité dans sa chambre pour essayer du matériel qu'il était en train de monter. Il me demandait mon avis... C'était un moment inoubliable.



› Vous composez de la musique ?

Je ne me sens pas du tout l'âme d'un compositeur, et pour les arrangements, il faut du temps que je n'ai pas, et puis je n'ai pas non plus la formation. Quant à l'improvisation, c'est carrément un autre métier. Je me dis parfois que j'aimerais faire du jazz, mais j'aurais envie d'en jouer peut-être sur un autre instrument qu'une trompette. Mais je n'ai pas beaucoup de temps pour tout ça.


› Quels sont les grands projets qui vous animent pour l'avenir ?

Transmettre. Continuer de transmettre et aller jusqu'au bout. J'adore le contact avec les jeunes, les élèves et les étudiants. Je crois pouvoir continuer comme je le fais maintenant avec autant de passion. J'adore toujours apprendre, trouver de nouvelles techniques, faire des rencontres... J'invite beaucoup de gens à la HEM, car on a la chance de pouvoir le faire – et d'aller voir ailleurs aussi, de voyager pour apprendre. Je pense qu'on n'a jamais fini d'apprendre et pour moi l'enseignement, c'est vraiment une passion. Lancer des projets, ça viendra une fois que j'aurais plus de temps, que j'aurai plus de liberté pour voyager, aussi.


› Quels conseils donneriez-vous aux jeunes trompettistes qui débutent ?

La trompette, ça reste un instrument qui est difficile, qui demande beaucoup de discipline, de travail. C'est vraiment un instrument des plus exigeants. C'est un instrument qui est exigeant au niveau de l'émission, pour obtenir un bon son, avoir une belle sonorité... On peut très bien jouer, puis se fatiguer très vite et tout d'un coup, plus rien ne sort. C'est difficile, c'est exigeant et il y a la pression : la pression des chefs, la pression des collègues, la pression du public... On peut se faire mal avec la trompette... Bref, mon conseil à celles et ceux qui débutent, c'est de ne pas choisir la trompette (rires).

Mais plus sérieusement, je trouve que le plus difficile, c'est de trouver la bonne manière de travailler. On peut faire 8h par jour de trompette et n'arriver à rien, ou au contraire travailler 2h et avancer à pas de géant. Je me bats pour essayer de trouver la bonne méthode avec mes élèves. Et finalement, le meilleur conseil que je puisse donner, c'est celui que je suis moi-même : il faut être persévérant. Des jours ça marche mieux que d'autres, mais comme dans tout, en restant ambitieux et curieux, on trouve un chemin pour avancer. Et puis il faut cultiver sa sensibilité.


› Salut Thierry, tu es bassiste professionnel et professeur de musique indépendant fondateur du Bus Magique. Pour commencer, peux tu nous parler de ton actualité ?

Depuis un moment, je fais partie d'un groupe qui comprend une vingtaine de musiciens genevois, dont plusieurs que tout le monde connais comme Stéphane Montinaro et Ivan De Luca, entre autres, et nous jouons chaque année au mois de mars à la Villa Tacchini. Cette année, nous venons de jouer pour deux soirées 70’s. Donc niveau répertoire, on arrose large et c’est toujours très sympa.

J'ai aussi un groupe de rock, Sideburn, avec qui on fait passer actuellement des auditions pour un guitariste rythmique, parce que notre guitariste attitré a déménagé et qu'il habite maintenant au sud de Lyon. Et comme on répète à Lausanne, c'est six heures de voyage aller-retour, donc ça faisait trop pour lui. Parallèlement, on est en train d'enregistrer des nouveaux morceaux et de ré-enregistrer des anciens, et de sélectionner des prises en live pour une compilation qui va sortir au printemps prochain.

Et puis avec Le Bus Magique, on est en studio avec les 14 groupes des différents ateliers pour faire l'album annuel de l'école.


› Quel a été ton parcours pour en arriver jusque là ?

J'ai eu la chance de naître dans une famille de musiciens. Mes deux parents, mon frère, ma sœur et moi avons donc toujours vécu dans un monde baigné de musique, et avons très tôt appris à jouer d'un instrument. Mes parents ont travaillé en Inde et en Afrique du Sud, donc on a grandi au milieu de sonorités africaines, orientales et européennes. Ils écoutaient aussi bien Georges Brassens ou Jean Ferra que les Beatles, et comme ils étaient plutôt musiciens classiques, beaucoup de musique classique. Personnellement, j'ai donc fait de la guitare acoustique pendant deux ou trois ans, et après, j'ai fait dix ans de violoncelle. Et puis c'est quand j'ai découvert la basse électrique à 17 ans que tout a vraiment commencé.


› Tu veux dire en termes de passion ?

En termes de passion, mais aussi en termes d'apprentissage et d'investissement personnel. J'ai fait beaucoup de découvertes en autodidacte, avec les pertes de temps qu'on sait tous que ça génère. Je bossais principalement en écoutant les disques des groupes que j'aimais bien et en jouant par dessus. Et puis après, j'ai fait les trois ans de formation professionnelle à l'ETM, dans les débuts de l'école pendant la première moitié des années 80. Là-bas, j'ai appris pas mal de trucs : une approche plus moderne que celle qui est développée dans l'enseignement de la musique classique que j'avais reçu pour le violoncelle, les harmonies, le développement de l'écoute, l'entraînement de l'oreille et de la mémoire... Depuis, je n'ai jamais arrêté de jouer.


› Tu chantes aussi, non ?

Ouais, mais ça c'est venu plus tard. J'ai même d'ailleurs chanté dans un groupe où j'étais juste chanteur, mais j'étais pas très à l'aise parce que déjà – sans vouloir manquer de respect à tous mes potes chanteurs et chanteuses – il faut avoir un certain ego pour avoir envie d'être sur le devant de la scène, et capturer les regards du public. Et ça, c'était pas vraiment mon truc. Mais par contre, j'aime bien chanter avec la basse.


› Ce qui n'est pas toujours facile à marier du point de vue rythmique...

En fait, si tu lies ce que tu joues avec ce que tu chantes, ça devient facile. Il faut tout apprendre, évidemment, mais il y a un truc à choper et après, c'est complètement gérable.


› Pourquoi t'es tu mis à la guitare basse ? Et est-ce que tu te souviens de premier modèle ?

Je me suis mis à la basse complètement par hasard. A l'époque, il y avait un magasin de musique qui s'appelait Peterhans au bout du Pont de la Coulouvrenière. En me promenant un jour dans le coin, j'ai vu une Hofner – pas le modèle violon de McCartney, celle-là avait une forme de Les Paul. J'ai halluciné sur cette guitare, que je trouvais si belle, et j'avais l'argent – 270 francs. D'habitude, j'avais pas d'argent, mais là, ça tombait juste après mon anniversaire ou Noël. J'avais donc 270 francs en poche et il y avait cette guitare que je trouvais magnifique dans la vitrine. Alors je l'ai achetée. Et puis après, un pote m'a dit "Mais t'as acheté une basse ?" Je ne savais même pas ce que j'avais acheté, en fait (rires). J'avais pas fait gaffe qu'elle n'avait que quatre cordes... Bref : je n'y connaissais rien. Mais j'ai pris ça comme un signe du destin qui me disait que je devais être bassiste.


› Est ce que tu joues d'autres instruments ?

Je peux tenir une rythmique à la guitare sans souci. Je suis un peu limité – même pas mal limité en réalité – si je dois faire un solo, parce que je sors des plans de bassiste dans ces cas-là. Je peux faire illusion, mais ça n'ira pas très loin. Autrement, je peux très correctement jouer des rythmes de batterie standards. Par exemple, s'il n'y a pas de batteur pour un atelier au Bus Magique, je peux assurer sans problème. Je ne ferai pas beaucoup de breaks, mais je taperai droit et je tiendrai le tempo. Et puis je peux aussi chanter, quand il faut.


› Quels sont tes styles de musique préférés, et comment ont-ils évolué avec le temps ?

Mon style de base, c'est le rock 70’s. The Who, Led Zeppelin, les Beatles, que je suis toujours intéressé d'écouter alors que je les ai déjà entendus 1000 fois... Ça me touche toujours autant. Ça, c'est vraiment ce que je préfère.

Après, il y a aussi la pop et le rock anglais en général. Je suis beaucoup plus européen qu'américain pour ce qui est de mes goûts musicaux. Ce qui m'étonne, c'est que j'aime ça depuis que je suis ado, et les groupes qui m'inspirent aujourd'hui sont toujours les mêmes que dans le temps... Mes goûts ont bien sûr évolué, aussi. Avant, je n'aimais pas du tout le funk. Michael Walden ou Chic, ça ne m'intéressait pas du tout, alors que maintenant, j'ai vraiment du plaisir à écouter tout ça et je vais volontiers à un concert de funk. Et puis il y a des choses que je n'aimais pas à l'époque et que je n'aime toujours pas, même si je les réécoute tous les 3-4 ans pour voir, comme les Doors ou Miles Davis. J'essaye de comprendre, de m'intéresser, mais j'adhère pas...


› Quelles sont tes influences majeures ?

J'ai beaucoup écouté John Entwistle, le bassiste des Who, Paul McCartney, et Gary Thain, le bassiste d'Uriah Heep. Ces trois là avaient des lignes de basse hyper intéressantes. Ils jouaient de façon très mélodique, parce qu'ils étaient bons, mais aussi parce que les groupe dans lesquels ils jouaient le permettaient. J'ai d'ailleurs pendant longtemps fait l'erreur de trop vouloir jouer comme ces gens là, et je me suis rendu compte que ça n'allait pas forcément dans les groupes dans lesquels j'étais, parce qu'on faisait de la musique bien plus rock, et qu'il valait mieux que je colle à la grosse caisse sans trop tricoter. J'ai mis du temps à revenir en arrière et finir par jouer de façon un peu plus "standard".

Un autre bassiste qui m'a beaucoup influencé, c'est Gerry McAvoy, le bassiste de Rory Gallagher. Lui, c'était un peu l'opposé des trois que j'ai cités avant. Son style reposait vraiment sur le fait de coller une grosse tonique sur la grosse caisse, avec quelques petites fioritures à droite, à gauche, mais pas tant que ça. Ça, c'est mes influences principales.


› Quelles sont tes basses préférées ?

J'ai une vieille Fender Precision de 73 que j'utilise beaucoup. Elle passe partout, elle est légère, et elle est très agréable à jouer. C'est un instrument sans mauvaise surprise, et c'est ma basse de référence. J'ai toujours favorisé les touches Fender Precision en érable parce que ça claque plus. C'est un poil plus difficile à jouer que les touches en palissandre, mais il y a beaucoup plus de brillance de *zing*, et j'aime bien ça..

Mais avec Sideburn, où je ne joue qu'au plectre, car c'est vraiment le groupe de rock par excellence, j'utilise une autre basse que j'ai bricolée en posant un manche de Precision de 73 qui a une touche en érable sur un corps Ashdown. J'ai aussi une Alembic 5 cordes que j'utilise quand je bosse sur un projet qui l'exige, et une fretless 5 cordes qui a été faite par Denis Favrichon dans les années 80, mais que je n'utilise presque jamais.


› Les amplis et les effets jouent aussi un rôle très important. Quel est ton set-up préféré à ce niveau ?

Mon set-up a beaucoup changé parce que j'ai toujours aimé avoir une bonne couche de basses avec une petite couche de brillance par dessus. Pendant des années j'ai joué avec deux Hiwatt Custom 100, en réglant l'un avec les basses à fond, et l'autre les aigus à fond. Mais comme tu te l'imagines, c'était intransportable... Après, j'ai joué avec un ampli de basse couplé à un ampli de guitare que je faisais saturer, comme ça j'avais un gros son de basse et un grain saturé en surface, ce que j'aimais bien. Pour les amplis basse, je prenais en général des Hartke, mais j'ai aussi eu un Marshall pendant quelques temps.

Niveau cabinet, J'ai fait des essais avec des HP de 15" pour accentuer les basses et des 4x12" Marshall pour les aigus. Et puis quand Guitar Rig est sorti, j'ai testé ça aussi. Je trouvais l'idée intéressante, mais j'ai rapidement perdu confiance en l'ordinateur pour les concerts : lors d'un de mes premiers live avec, le système m'a lâché, donc ça m'a stressé et j'ai laissé tomber.

Quand je suis revenu à un jeu plus standard, j'ai utilisé des têtes Ampeg et puis actuellement, je joue sur un Kemper. C'est relativement simple, et j'utilise un profil de Fender Bassman des années 70. Ce qui est pratique avec le Kemper, c'est que même si je joue dans un petit club où on ne peut pas trop monter le volume, j'ai quand même le grain des lampes chaudes. C'est un des grands avantages du Kemper : une fois que c'est réglé, tu peux pousser le master et avoir un peu plus de grain, et la dynamique reste celle de l'ampli original. Et puis un autre truc qui n'est pas négligeable quand on prend de l'âge comme moi, c'est que ça ne pèse rien par rapport à une tête. Mais je sais que ça va évoluer, je sais pas encore comment, mais je suis venu ici essayer le Neural DSP avec Sergio, et ça pourrait être la prochaine étape. Mais pour l'instant, mon set-up c'est le Kemper avec une à quatre colonnes 4x10" Ashdown. Le nombre dépend évidemment de la taille de la scène : j'en prends une si c'est dans un petit club, deux si c'est pour un club moyen, et quatre quand je joue sur une grande scène.


› Pas de pédales ?

En règle générale, je suis pas fan d'effets, même pour les guitares. Les guitaristes que j'aime n'avaient pas beaucoup d'effets, et je n'en utilise moi-même que très rarement et avec parcimonie. J'aime bien le grain d'une disto, donc j'en utilise assez souvent, mais c'est principalement la saturation de l'ampli. J'ai essayé avec des RAT à une époque, et plein d'autres trucs, mais finalement je préfère sans. Par contre, j'ai dernièrement testé une pédale Billy Sheehan et j'ai trouvé ça pas mal, parce qu'on peut mixer le signal clean avec le signal saturé. Quand je vais à une soirée comme ces événements 70’s où on va tous jouer sur le même ampli et où je veux avoir un bon son pour jouer des titres de The Who, j'emporte cette pédale Billy Sheehan, comme ça j'aurai le grain de "Won't Get Fooled Again". Mais sinon, non, les pédales c'est pas mon truc, et je n'aime pas faire de solos de basse avec un octaveur, par exemple. Tout le monde le fait, mais moi ça ne me plaît pas.


› Qu'est ce qui est le plus important pour toi dans une guitare basse ?

Il y a deux choses : la première, c'est que dans l'ordre ou dans le désordre, il faut que je me sente complètement à l'aise en jouant dessus. Au niveau du manche, du toucher, de la position des mains... Pour la main droite, je veux qu'une basse soit confortable que je la joue aux doigts ou au plectre. La deuxième chose, qui est un peu moins importante – quoique – c'est qu'elle soit belle, et qu'elle me donne envie de la voir, de la regarder, sinon ça va pas le faire.


› Comment décrirais-tu ton expérience avec Servette-Music ?

En tant que vieux musicien de Genève, je connais Servette-Music depuis toujours. Je me rends compte avec plaisir que le magasin s'est modernisé depuis une dizaine d'années. Avant, c'était vraiment un magasin pour les instruments à vent... Il n'y avait pas beaucoup de choix au niveau des guitares, des basses, et il n'y avait pas du tout de batteries. Là, il y a clairement une évolution au niveau des basses, des guitares, la création d'une section batterie, et il y a beaucoup de choix. La gamme est devenue géniale, on a plein d'options. Et puis franchement, la qualité du conseil, des travaux de l'atelier de lutherie sont au top. Du coup pour moi, Servette-Music, c'est un lieu incontournable de la scène musicale à Genève, et à titre personnel, un magasin super important en tant que musicien.


› On a entendu des profs nous dire que même leurs élèves commençaient à en parler...

Oui, moi aussi j'ai remarqué ça. Justement, avant à Genève, c'était The Works, Music Store ou Lead Music. Et maintenant, les élèves du Bus Magique me parlent de Servette-Music. Pour eux, ça fait clairement partie du paysage musical rock au même titre que les autres, ce qui n'était pas forcément le cas avant.


› Justement, est ce que tu peux présenter Le Bus Magique à nos lecteurs en quelques mots ?

Le Bus Magique est une école d'ateliers de musiques actuelles, structurée comme une association, que j'ai créée en 2005. Son nom lui vient d'une chanson de The Who qui s'appelle "Magic Bus", comme je suis super fan de ce groupe, et que le nom est sympa pour une école. J'ai la chance de connaître Zep (NdR. créateur du personnage de bande-dessinée Titeuf) depuis longtemps, et c'est lui qui m'a fait le logo !

Niveau activités, on a 14 ateliers cette année, qui vont de deux à six musiciens. Depuis l'an dernier, je travaille avec Ivan De Luca, qui anime quatre ateliers cette année. C'était important pour moi de trouver quelqu'un qui avait la même philosophie que moi et la même approche au niveau humain. Parce que des bons musiciens, il y en a un paquet dans cette ville, mais on n'a pas tous la même façon de jouer ensemble, de gérer le côté humain, et ça c'est presque plus important que le niveau musical. Mais avec Ivan il n'y a pas de compromis à faire de toute façon, humainement et musicalement, c’est parfait.


› Comment fais-tu vivre cette approche des rapports entre musiciens au sein du Bus Magique ?

L'une des choses les plus importantes, c'est la confiance : il ne faut pas jouer en pensant que c'est un concours, qu'on va être jugé, ou que les autres vont nous dire ceci ou cela. En musique, le plaisir doit être au centre : il faut se faire plaisir à soi-même, et faire plaisir aux gens qui écoutent, tout en travaillant et en apprenant. Ce n'est pas une compétition, et chacun avance à son rythme. Si quelqu'un est un peu plus avancé, on lui fera faire un truc plus compliqué. Si quelqu'un a un peu plus de peine, on adaptera ses parties à son niveau pour qu'il puisse apprendre, mais sans être dégoûté. Et quand quelqu'un a vraiment il a de la peine, je le prends une heure et je le fais bosser en tête à tête pour qu'il arrive au niveau des autres. Rien n'est figé ici... Chaque groupe a ses particularités, ses forces et faiblesses, et la star, c'est le morceau qu'on joue, qui doit ressortir le mieux possible.

Je dis souvent qu'un groupe de musique, c'est une petite démocratie – peut-être la plus petite démocratie du monde, à part le couple – et on ne peut pas faire ce qu'on veut tout le temps. On doit être à l'écoute des autres, et on peut pas se mettre en avant tout le temps – sauf quand on joue un solo. C'est comme ça qu'on arrive à créer un beau projet, et à jouer un beau morceau.

L'autre force du Bus Magique, c'est que comme on n'est que deux profs pour une soixantaine d'élèves, on connaît tout le monde personnellement. Souvent, les musiciens se connaissent entre eux, en plus. Tout le monde connaît tout le monde en fait, et on fait des soirées. Il y a tout un côté social en plus du côté artistique. Les musiciens ont des groupes WhatsApp, ils se voient entre eux, ils font des trucs ensemble... Il y a toute une vie que nous, Ivan et moi, on ne connaît pas. Et puis on a un bon contact avec les parents, ça reste une école à taille humaine, et je pense que c'est une des grandes forces de cette école.


› Le paysage de l'enseignement musical a subi de grands changements depuis une dizaine d'années. Comment as-tu adapté tes méthodes ?

Je ne pense pas vraiment avoir changé quelque chose d'essentiel dans mes enseignements, parce qu'on travaille d'humain à humain et que ça, ça a toujours existé. Internet a facilité beaucoup de choses parce qu'on trouve des partitions, les textes des chansons qu'on avait de la peine à trouver avant, mais, il y a quand même pas mal de fautes dans les transcriptions disponibles de cette manière. Il m'arrive donc de préparer un morceau pour un atelier en regardant une partition, mais je la contrôle aussi parce qu'il y a des fautes, et parfois des grosses, ou alors c'est grossièrement simplifié. Quand on veut faire le travail comme il faut, on est quand même obligé de passer du temps avant chaque morceau pour analyser la structure, les accords, le voicing, faire un arrangement qui soit intéressant et pas trop basique.

Par contre, il y a aussi plein de trucs supers, comme des gens qui déconstruisent les morceaux pour bien faire entendre ce qu'il s'y passe, comment il est pensé, et comment le jouer. Tu peux n'entendre que la basse, la guitare, ou le chant, et ça donne beaucoup d'infos, surtout quand c'est des morceaux de groupes avec deux guitares. Tu peux vraiment écouter le travail de chaque guitare indépendamment et ça, c'est super intéressant. Parfois j'envoye le lien aux élèves pour leur dire quelle partie apprendre exactement et ça les aide beaucoup. Mais en tant que profs, puisqu'on est quand même une école, on travaille "à l'ancienne" : oreille, crayon, papier, en tapant des doigts sur les genoux pour le rythme et en comptant dans notre tête.


› Pour l'avenir, quels sont les grands projets qui te motivent avec Le Bus Magique ?

Depuis toujours, dans ma vie perso comme avec Le Bus Magique, je me dis que rien n'est gagné, et que rien n'est jamais acquis. J'utilise volontiers l'image d'un petit grill qui chauffe sous mes pieds pour m'obliger à bouger. Les idées, je ne les ai peut être pas forcément là maintenant, tout de suite, mais je sais que vis-à-vis de ma gestion du Bus Magique comme dans mon approche avec les musiciens, les instruments ou les nouvelles technologies, je n'ai aucune envie de rester figé dans quelque chose.

Je ne sais pas concrètement ce qu'est le futur du Bus Magique, mais ce qui est sûr, c'est que ça va évoluer. Rien que ces deux dernières années, au lieu d'éditer un CD pour l'album de l'année comme on l'a fait pendant 15 ans parce que c'était le media standard, on a édité des vinyles, parce que ça revenait à la mode et que les ados ont des platines pour les jouer. Et puis cette année, comme les délais de pressage sont extrêmement longs et que c'est quand même cher, on va éditer une boîte de CD avec un booklet qui comportera des photos de tous les ateliers et une clé USB avec la musique dessus. Et en fait, le stade d'après, ce sera probablement de juste envoyer un lien de téléchargement... Mais j'aime quand même bien l'idée de garder un objet avec des photos, ça fait un souvenir matériel de l'année scolaire au Bus Magique.


› Et au niveau de ta carrière perso ?

J'ai la chance d'être toujours passionné, malgré le temps qui passe. Tant que j'ai toujours envie d'aller répéter, envie de monter sur scène... Bien que j'aie un ADN de rocker pur et dur, j'ai du plaisir à jouer du funk ou à découvrir d'autres styles, et c'est motivant. Même dans le rock, je ne peux pas m'endormir : il y a toujours des sons intéressants à aller chercher, des lignes de basse à inventer, ou un batteur avec qui apprendre à bosser différemment... C'est sans fin. Donc, tant que la tête et les mains diront qu'on peut y aller, on va y aller. Il n'y a pas de retraite, en fait.


› On dit souvent que la section rythmique d'un groupe est la fondation sur laquelle on construit un groupe, et il y en a d'autres qui pensent – Keith Richards en particulier – que c'est d'abord la guitare et la batterie, et que la basse vient après. Comment tu vois les choses ?

Je suis désolé, Keith, mais là, non (rires). Je pense qu'il s'est dit ça parce qu'il joue ses rythmiques un peu comme un bassiste, comme le fait aussi Pete Townshend dans The Who. Keith Richards est probablement honnête dans ce qu'il dit, mais ça compte pour lui, pas en général.

A mes yeux, une section rythmique c'est basse-batterie. L'un tape le rythme et l'autre, il joue les notes dessus. Ensemble ils forment une entité : la section rythmique. J'explique d'ailleurs souvent aux musiciens du Bus Magique que le chef du groupe, c'est le batteur. Juste après, il y a le bassiste et à eux deux, ils sont la fondation sur laquelle le reste se construit. S'il y a une mauvaise section rythmique, le groupe sera mauvais. S'il y a une bonne section rythmique et que les autres musiciens sont moyens, le groupe sera bon. Mais si la section rythmique est nulle, tu peux avoir qui tu veux à la guitare et au chant, ce sera nul. Avec un musicien moyen soutenu par une section rythmique d'enfer, ça va groover, t'auras envie de taper du pied, tu vas te lever puis tu vas danser.

C'est quelque chose dont je fais l'expérience immédiate au Bus Magique : il suffit que j'aie un batteur un poil moins bon, et le niveau de tout le band descend. Puis j'ai un batteur un peu meilleur, et le niveau de tout le band monte.


› Quels sont les meilleurs souvenirs en tant que musicien ?

J'ai de la peine à faire un hit parade des meilleurs souvenirs, parce que j'en ai accumulé quand même pas mal. Et j'en a aussi pas mal de mauvais, à part ça, mais t'as pas envie que je te les raconte, ceux-là (rires). J'ai eu la chance de jouer de la basse pour Henri Dès pendant deux ans et demi, et même si ça m'a pas tout le temps excité musicalement, j'ai appris énormément de trucs.

J'ai appris à être musicien de quelqu'un, d'abord, et non pas comme c'est le cas dans un groupe où si on est quatre, je suis 25% du groupe. A travers cette expérience, j'ai appris à faire ce que veut un musicien, en ayant une toute petite marge de manœuvre. Et l'autre truc super grâce à ça, c'est que j'ai joué 35 ou 40 fois à l'Olympia, et c'est une expérience formidable parce que toutes mes idoles, qu'elles soient anglaises, américaines, françaises, ont toutes joué sur cette scène. Je peux même te dire que mon ego – relativement minable à part ça – il était tout content. Je l'ai nourri un peu en me disant que j'étais en train de jouer sur la même scène que les Beatles, les Stones, les Who, Jimi Hendrix, George Brassens... Tous les meilleurs, quoi !

J'ai des anecdotes sympas de cette époque parce que justement, comme on jouait en matinée et à 16h, je restais là-bas et j'ai croisé les musiciens qui jouaient le soir. Des musiciens et des artistes, dont Raymond Devos, avec qui on a échangé des moments plus que précieux, car c'était une personne magnifique.

Autrement, j'ai joué pendant des années avec Bernie Constantin et avec lui, on a tout fait, et je me souviens spécialement d'un concert devant 30'000 personnes dans un stade de foot en Suisse allemande. C'était dans le cadre d'un festival où tout était parfait : on avait un gros son, tout était impeccable. C'est toujours agréable de jouer sur une scène immense.

Et puis un autre souvenir excellent – même si c'est un contexte un triste – c'est d'avoir participé à l'organisation de la soirée en hommage à Rory Gallagher quand il est décédé. Suite à ça, on est resté en contact avec son frère qui était son manager, et il nous a dit un jour qu'il se souvenait très bien de nous parce qu'on était les premiers au monde à avoir monté un événement à cette en l'honneur de son frère. Je suis allé à Londres ensuite, et il m'a offert la sangle de son frangin, la sangle de Rory Gallagher. On est toujours en contact, d'ailleurs, et à Noël l'an dernier, on est allé lui rendre visite dans le sud de l'Irlande.


› Tu écris aussi. Quel est ton processus de composition ?

Je suis plus à l'aise en écrivant des histoires que des riffs, donc j'écris plutôt des textes. J'ai l'impression qu'à chaque fois que je trouve un riff, tout le monde me dit "Oh là là, c'est 70’s à mort !" Donc les riffs que je trouve, je les garde en général pour moi, ou je les montre une seule fois...

Avec Sideburn, par contre, on compose tous ensemble. On joue des riffs au local, qu'on enregistre, et puis après, dès qu'on en a une trentaine de bons, on les note de 1 à 5 et on en sort une dizaine ou une quinzaine sur lesquels on jamme pour laisser venir les idées. Donc on crée les morceaux en groupe, ce qui est très intéressant.

Sinon, j'ai joué pendant très longtemps avec André Courbat à la guitare et Pof (Christophe Richard) à la batterie dans divers projets, que ce soit avec Motherockers ou bien avec Jacob Salem, un chanteur africain du Burkina Faso, et dans ces cas là, André arrivait avec toute la musique déjà construite, et Pof et moi, on "copiait". On avait très peu de marge de manœuvre pour mettre notre propre personnalité dans ce qu'on faisait, parce qu'André créait tout et que c'était déjà très bien fait. C'était une approche. Maintenant, je suis dans un groupe avec une approche complètement différente, où on est tous dans une pièce et où on crée ensemble un morceau, et ça me plaît beaucoup.


› Quel conseil donnerais-tu à un.e jeune qui débute à la basse ?

Je vais pas paraître très original, mais il faut bosser, et pour ça, il ne faut pas avoir peur de demander de l'aide. J'en sais quelque chose : je fais partie des têtus qui ont fait seuls, et on perd beaucoup de temps comme ça. Pour te donner un exemple concret, j'ai appris à jouer au plectre d'une manière mauvaise, et au bout d'un moment, je me suis retrouvé coincé et j'ai dû tout réapprendre. J'aurais gagné du temps si on m'avait enseigné les bonnes habitudes tout de suite.

Il ne faut pas avoir peur de demander, d'être curieux, ou d'être jugé, parce qu'on ne va pas être jugé, en fait. Les gens ont envie de partager ce qu'ils savent, donc c'est bien de prendre le temps de demander à un vieux comment régler le son de sa basse, de prendre le temps d'apprendre les notes sur le manche, parce qu'une fois qu'on a appris ça, tout devient beaucoup plus clair. Il ne ne faut surtout pas hésiter à faire des essais aussi : jouer aux doigts, au plectre, slapper, faire du tapping... Et puis bosser.



› Bonjour Christophe, tu es un guitariste professionnel et professeur de guitare, et ta carrière est impressionnante. Comment tout cela a-t-il débuté pour toi ?

Mes grands-parents étaient musiciens professionnels, et mon frère faisait du piano, même s'il n'était pas très bon. Le piano était dans ma chambre, donc j'ai dû assister aux engueulades entre ma mère et mon frère, ce qui ne m'a dans un premier temps pas donné envie de m'y mettre (rires). Et puis j'ai ensuite commencé à jouer de la musique vers 16 ans de mon plein gré. A partir de là, je me suis rendu assez vite compte que j'avais des dispositions pour la guitare. Je jouais avec un accordage que j'avais inventé, donc j'arrivais à faire des choses. Un jour, on m'a montré le vrai accordage et là, j'ai dû tout recommencer (rires)… J'ai donc pris des cours à la Migros, mais ça ne m'allait pas du tout. Ensuite, j'ai avancé de manière autodidacte, et j'ai pris quelques cours de guitare électrique avec Gabor Kristof, l'ancien directeur de l'ETM. J'ai fini par arrêter et finalement, j'ai appris par Philippe Dragonetti, avec qui je joue encore actuellement, qu'il y avait un prof super qui s'appelait Angelo Lazzari à l'Académie de musique.

Je le trouvais extraordinaire. Il aimait la musique et il se donnait à fond dedans. J'ai obtenu un certificat de fin d'études en trois ans en partant de pratiquement rien, car je ne savais pas lire la musique à l'époque. Ensuite, je suis allé au Conservatoire supérieur, dans la classe de Mme Sao Marcos. Elle ne voulait pas de moi au départ, mais comme j'étais très bosseur, elle ne voulait plus que moi à la fin (rires). Je suis arrivé avec un niveau de solfège pitoyable, ce qui fait que j'étais très en avance en guitare et très en retard en solfège. Comme on me disait que je ne pourrai jamais avoir un diplôme à cause de ça, j'ai rattrapé le solfège en travaillant comme un forcené, et j'ai eu mon diplôme. J'ai fait les deux années de perfectionnement, puis la "virtuosité" – c'est comme un master aujourd’hui, il me semble. Et là dessus, j'ai eu la chance de pouvoir prendre des cours avec André Segovia, icône mondiale de la guitare classique. J'ai donc fait 15 jours avec lui et d'autres pointures selectionnées, et l'année suivante j'ai gagné un concours international au Portugal. A partir de là, j'ai compris que c’était ma voie et j’ai commencé à enseigner dans les écoles de musique et dans le cadre de cours privés.


› Tu as aussi donné des cours à l'ETM en classe pré-pro pendant pas mal de temps. Comment ça s'est fait ?

Au départ, Gabor n'était pas très chaud, parce que j'étais quand même le guitariste classique qui allait enseigner dans une école de rock, donc il voulait qu'on se voie une fois par semaine pour me superviser. Mais comme j'ai toujours joué de la guitare électrique, ça allait très bien. Je remplaçais Thomas Bouvier, un vrai bassiste soliste, pas vraiment accompagnateur, qui s'était cassé la jambe au ski. Donc je prenais en charge les cours dont il avait la responsabilité : le solfège, le développement de l'écoute et l'improvisation. Quand j'ai annoncé aux élèves que j'allais devoir repartir parce que Thomas revenait, ils m'ont dit "s'il revient, on part." Au brief pro de l'ETM, où on parlait des problèmes, j'ai évoqué la situation en fin de réunion et Gabor m'a dit d'aller voir Thomas, ce que j'ai fait. Quand je lui ai dit que les élèves voulaient continuer avec moi, il m'a tout de suite répondu que ça l'arrangeait, qu'il en avait un peu marre de l'ETM, et j'ai donc repris ses classes, et travaillé … 20 ans à l'ETM.

À côté de ça, je donnais toujours des cours de guitare classique. Ensuite, j'ai été suppléant d'Yves Roth au Conservatoire place Neuve pendant une année. Pendant des années, j'ai postulé au Conservatoire populaire pour un poste de prof, mais je n'étais jamais pris. Et puis à 45 ans, j'avais finalement l'expérience qu'ils recherchaient. Pendant 5 ans, j'ai travaillé à l'ETM en parallèle, mais j'ai arrêté parce que j'étais plus intéressé par l’enseignement de la la guitare classique et qu'avec l'ETM ça faisait trop.


› Tu as aussi une grosse expérience de la scène...

Oui, mais alors au départ, les concerts, c'était dans des groupes de hard-rock avec lesquels on jouait très mal. Mais on jouait, c'était l'essentiel ! On jouait avec des vrais musiciens, très mal, et puis on s'améliorait à force parce qu'on faisait deux ou trois répètes par semaine.

Je faisais de la guitare classique à côté, mais j'ai quand même d'abord commencé par vouloir être Eric Clapton, ou Jeff Beck (rires). Mais il fallait aller aux États Unis, au GIT, et mes parents ne pouvaient pas financer cela. Par contre, je pouvais aller au Conservatoire supérieur, parce que c'était gratuit pour les gens dont les parents étaient fiscalisés à Genève. Donc c'est ce que j'ai fait. J'ai toujours hésité entre les deux voies – guitare classique et électrique – parce que j'étais passionné par les deux. Je me disais donc "j'irai là où le vent me portera". Mais le vent m'a tout le temps porté un peu d'un côté, puis de l'autre. Ça n'a jamais été clairement défini. Ce n'était pas complètement à mon avantage, parce que j'étais toujours un peu "le vilain petit canard" dans un monde comme dans l'autre : le joueur de guitare classique dans le monde du rock, et le rocker dans le monde du classique. Mais d'un autre côté, ça m'a permis de développer un atout génial, qui est la polyvalence ; et pour ce que je ne sais pas faire, je « délègue”. Par exemple, le jazz pointu comme le be-bop. Comme ce n'est pas vraiment mon truc, je laisse faire à d'autres.

Le fait d'être entre classique et rock m'a amené à la variété, et là j'ai eu beaucoup de travail : j'ai fait à peu près 260 concerts avec Alain Morisod entre 1992 et 1995, au Québec et en tournée en Suisse, qui m'a appris aussi à être hyper solide dans mes performances : pas le droit de faire de l'impro, il fallait jouer exactement comme il me disait de le faire, parce qu'il ne rigolait pas avec ça, même s'il avait par ailleurs un côté bon enfant. J'ai aussi travaillé avec un chanteur qui a fait La Nouvelle Star, et sur d'autres projets de ce type, puis j'ai joué des spectacles autour de Jacques Brel avec Claude Delabays pendant une bonne douzaine d'années. On a enregistré des albums, on a fait énormément de concerts autour de ça, et j'utilisais tout ce que je savais faire en guitare classique, mais en arrangeant ça à la sauce folk/blues, un peu dans le style de Francis Cabrel.


› En tant que guitariste classique, tu as aussi joué avec de grands orchestres ?

Mon premier engagement avec l'Orchestre de Suisse Romande est arrivé à travers un guitariste qui s'appelait Danny Ruchat, et qui jouait de l'électrique avec l'OSR pour des répertoires de type Gershwin et autres. Il est venu me voir un jour et m'a dit qu'il y a une partition de Pierre Boulez dont il est incapable de jouer même la première note, et m'a demandé si je voulais la faire. J'ai accepté le défi, j'ai travaillé comme un malade dessus, et tiens-toi bien : le concert a été annulé (rires). Par contre, ça m'a mis le pied à l'étrier et trois semaines après, on m'a rappelé pour une autre œuvre contemporaine, mais abordable cette fois. Il fallait, entre-autre, frotter des cailloux sur le chevalet de sa guitare, puis d'autres choses de cet acabit... C'est comme ça que je suis entré à l'OSR et ça fait donc maintenant 35 ans que je joue avec l'OSR et le Grand Théâtre de Genève. J'ai joué dans tous les opéras depuis, "Le Barbier de Séville", les opéras de Verdi, Kurt Weil, Berlioz, etc. J'en ai fait douze ou quatorze différents, certains plusieurs fois. Et j'ai aussi fait tous les trucs bizarres avec l'Orchestre de Suisse Romande en guitare électrique, guitare basse et guitare classique, parce que je prenais tout. Ça s'est calmé maintenant, parce que j'ai trop de bougies sur mon gâteau d'anniversaire, je pense (rires)./p>

Quand Danny est décédé, plein de jobs qu'il assurait sont arrivés chez moi. Assez rapidement, l'Orchestre de Chambre de Genève m'a demandé de travailler avec eux pour y jouer du banjo et de la guitare, car c'était ce qu'il y faisait. J'ai aussi repris sa place dans le Della Maestra Sextet, qui faisait du jazz-rock de haut niveau, et puis quelques autres projets. Avec l'OCG, je joue entre autres sur des films de Charlie Chaplin où l'orchestre exécute en live la musique du film diffusé. C'est assez génial : le film passe à l'écran, et on joue sans une minute de pause. Le chef suit le film, et on suit le chef qui s'adapte à l'image en temps réel, donc c'est très pointu.


› Tu as eu des groupes ?

Oui, bien sûr. En classique, j'ai fait à peu près tout ce qu'on peut faire en musique de chambre : duo, trio, avec clavecin, guitare, chant, flûte... Toutes les configurations. A côté de ça, j'avais des groupes de blues/rock parce que j'adore ça.


› C'est ton côté Clapton !

Tout à fait (rires). Clapton, Stevie Ray Vaughan, Jeff Beck, c'était des héros pour moi... J'ai joué dans des groupes de blues comme le Buster Brown Blues Band, des choses comme ça. Après, j'eu un groupe de jazz-rock qui s'appelait Améthyste, avec qui on a eu un succès fou à Genève, et dont le nom était même connu jusqu'en Russie. On était à fond dans Larry Carlton, Robben Ford. C'était un groupe qui marchait, mais on ne s'en rendait pas vraiment compte.


› Quelle est ton actualité musicale en ce moment ?

En ce moment j'ai trois casquettes : enseignant, imprésario, et musicien. C'est sympa, mais prenant.

Maintenant que je suis un heureux retraité du Conservatoire, je continue à donner quelques cours privés à des gens très passionnés que je ne sélectionne pas vraiment, parce que s'ils viennent jusqu'à chez moi à la campagne, c'est qu'ils ont vraiment envie.

Je m'implique aussi beaucoup dans mon duo avec Philippe Dragonetti, qui a le même parcours classique et électrique que moi, ce qui fait qu'on s'entend très bien ensemble. Je fais l'imprésario, parce que les concerts ne tombent pas tout seuls à Genève – ni nulle part d'ailleurs. J'ai réussi à nous faire jouer dans un festival de guitare dans le Vaucluse l'année dernière, et j'ai trouvé un festival dans le Cantal pour l'été prochain. J'essaye de sortir un peu de Genève, parce que j'ai toujours eu l'impression que même si c'est génial pour jouer, on y est un peu comme un hamster dans sa roue, on tourne vite et on reste sur place. Quand tu joues à Nyon, c'est déjà un événement (rires).


› Tu as également enseigné au Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre (CPMDT). Peux-tu nous dire quelques mots sur cette institution ?

Le CPMDT, ça a toujours été l'école de l'ouverture par rapport au Conservatoire – qui était beaucoup plus axé sur les études classiques pures, même s'il se diversifie un peu maintenant. C'est la première école qui a eu une classe d'accordéon, et c'est aussi la première qui s'est associée avec l'AMR pour faire les liens entre le jazz et la musique classique. Le CPMDT a aussi des centres d'enseignement partout, dans toutes les communes, et on avait toujours carte blanche : si on avait une idée, on pouvait facilement la réaliser. C'est une institution géniale, parce que c'est une liberté totale. Et puis, au niveau des enseignants, on a petit à petit eu des gens de très haut niveau.

Quant à moi, je suis entré au CPMDT à 45 ans, car ils cherchaient des gens qui avaient déjà des compétences et du métier. Il y avait un directeur extraordinaire, Roland Vuataz, qui était ouvert à tout. Mon double parcours de guitariste électrique et classique l'intéressait beaucoup, et c'est pour ça que j'ai été engagé. J'y ai enseigné la guitare classique aux centres Thônex et à Cologny en plus d’un atelier pour guitaristes électriques au siège, et puis un jour on m'a demandé de devenir responsable de centre. Donc je suis devenu responsable de celui de Cologny, et du coup, on m'a proposé d'être aussi responsable à Thônex, ce qui impliquait d'être responsable en plus à Chêne-Bourg et à Anières. J'avais donc quatre centres sous ma responsabilité pour lesquels je devais organiser les auditions, réunir les profs, recenser le matériel, faire des programmes, etc. J'ai beaucoup aimé faire ça, même si c'était hyper prenant. Les gens étaient à l’écoute : les collègues, la direction, les élèves... J'en ai de vraiment très bons souvenirs.


› Comment t'es-tu mis à la guitare ? Tu te souviens de ta première guitare ?

J'ai commencé par passion, parce que j'avais entendu Jimmy Page, Eric Clapton, et Jeff Beck à la télévision ou sur des disques, et que j'ai eu envie de faire pareil. Un copain avait acheté une guitare à 100 balles chez un ami à lui. C'était une pelle injouable, mais qui ressemblait à la guitare d'Elvis Presley. Mon pote était incapable d'en tirer un son et il me l'a prêtée. Moi, avec mon accordage bizarre qui formait un accord – le premier open-tuning que j'ai trouvé par hasard, en fait – j'ai réussi à la jouer, et il me l'a prêtée pendant six mois. Ensuite, je suis allé chez Saxo Musique, je ne sais pas si tu te souviens de ce magasin (rires)…


› Si, bien sûr...

J'ai acheté une guitare finlandaise avec des cordes en nylon, une Landola, qui ne coûtait pas grand chose non plus. J'ai participé à un camp de jeunesse protestante en Corse où on avait des profs qui nous donnaient des cours, et comme j'étais dans le groupe de ceux qui faisaient du folk, j'ai enlevé les cordes en nylon pour les remplacer par des cordes métalliques, ce qui a bousillé l’instrument. Plus tard, je suis allé chez Servette-Music, où j'ai acheté une Espinoza à 400 ou 500 francs. Puis après, je suis arrivé chez Mme Sao Marcos qui m'a obligé à acheter une Vogt ,une guitare allemande, de très haut niveau.


› Est ce que tu joues d'autres instruments que la guitare ?

J'ai fait quatre ans de piano classique en tant que deuxième instrument durant mes études. Je ne suis pas très bon, mais j'arrive à bien jouer des petits standards de jazz ou à accompagner des chansons, même si c'est de façon très basique. Je joue aussi pas mal de guitare basse et du banjo, mais là je triche parce que c'est un banjo à six cordes. C'est trop tard pour moi pour apprendre le banjo style New Orleans à quatre cordes, et je n'ai pas eu le courage de m'attaquer au banjo cinq cordes style country. J'ai aussi essayé de jouer du luth, mais j'avais déjà assez de boulot comme ça avec la guitare classique et la guitare électrique.


› Qu'est-ce que t'apporte le fait de jouer d'autres instruments ?

Comme je fais aussi de la composition, la basse m'apporte beaucoup. C'est un instrument magnifique si tu arrives à le sortir rapidement de son côté "pain-fromage" des années 60. Construire une ligne de basse, c'est très intéressant : pas juste poser la tonique et la quinte, mais savoir suivre les mouvements harmoniques, le rythme. Comme j'ai fait de la variété, je faisais souvent la partie de basse moi-même. D'où le gag : "Ne prends pas un bassiste ! Il va mettre longtemps à enregistrer, il va boire toutes tes bières, puis filer avec ta copine" (rires). Mais les choses ont bien changé, il y a maintenant beaucoup de bassistes extraordinaires.


› Quels sont tes styles de musique préférées et tes influences majeures en guitare classique ?

J'ai toujours adoré la musique baroque, parce que c'est une musique qui est hyper reposante et qu'elle a un côté majestueux. C'est très difficile à jouer à la guitare, par contre. Et j'aime la musique des XVIIème, XVIIIème et XIXème siècles : MauroGiuliani, Fernando Sor, toutes ces choses très virtuoses. Et bien sûr les compositeurs sud-américains comme Astor Piazzolla ou Pujol. J'aime aussi beaucoup les compositions de Bach et de Vivaldi, que je trouve magnifiquement bien pensées. Je trouve que c'est de la musique vivante, somptueuse et gaie.

Durant ma carrière, j'ai découvert beaucoup d'autres approches : plein de compositeurs de musique actuelles pour guitare classique font des choses magnifiques. Je suis aussi évidemment très fan de tout ce qui est espagnol, comme Albeniz dont on joue Asturias, qui sont des pièces composées au piano mais avec l’idée de la guitare, et qui sonnent donc souvent mieux à la guitare. J'adore aussi l'harmonie de Gershwin et de Leonard Bernstein, et j'essaie de mélanger ces influences.

Par contre, j'écoute rarement des albums de guitare classique, parce que j'en fais déjà tellement... Je préfère écouter des ensembles classiques importants, parce que c'est plus intéressant de voir comment un bon orchestre symphonique ou un quartet joue. Ça m'inspire plus que d'écouter le guitariste classique qui a fait son album solo.


› Quel modèle de guitare joues tu aujourd'hui ?

En ce qui concerne les bonnes guitares, j'ai commencé avec les Vogt. J'en ai acheté une deuxième un jour, mais elle ne sonnait pas bien. Elle avait une table en épicéa et un son dur. Elle était très difficile à jouer. Je l'ai revendue, et Yves Imer de Servette-Music m'a un jour proposé une Corbellari, qui était pour moi la révélation du siècle : une guitare onctueuse qui avait un son extraordinaire, des harmoniques qui fusent de partout, et une finition absolument parfaite. Elle est équipée d'une table en cèdre, avec un dos et des éclisses en palissandre de Rio. J'ai cette guitare depuis 1985, et je la joue toujours. J'ai d'ailleurs enregistré tous mes albums de duo avec Maya Obradovic/Le Roux avec la Corbellari.

Il y a 11 ans, j'ai aussi acheté une guitare australienne de Jim Redgate. Il fallait passer par un Américain, un vendeur de guitare très haut de gamme à Los Angeles, pour les obtenir. Cette guitare était extrêmement chère : 12'000 Francs quand même ! Mais elle avait une force démentielle grâce au barrage Lattice, en croisillon. J'ai trouvé ça extraordinaire au début, puis après je me suis lassé, parce que c'était très fort, très puissant, mais ça n'avait pas la poésie, la douceur, ni les aigus de la Corbellari. Par contre, pour jouer avec un orchestre, accompagner un flûtiste ou un instrument comme le violon qui sonne fort, c'était top. J'avais de la puissance en réserve. J'ai adoré cette guitare, mais je l'ai revendue quand j'ai cessé de jouer en duo avec des flûtistes ou des violonistes.

Avec les technologies d'amplification actuelles, je pense qu'il vaut même mieux avoir une guitare avec un son fabuleux, comme une Corbellari, et qui est quand même assez puissante, et la reprendre par un ampli haute-fidélité, avec un bon micro devant, comme ceux qu'on utilise en studio, un petit Schertler calé sous le siège pour ne pas être envahi par le son, et peut-être un retour si on est dans un orchestre symphonique pour que les autres musiciens puissent entendre, ça fait drôlement bien l'affaire. Et ça sera bien mieux que d'avoir une guitare comme une Jim Redgate qui sonne fort, mais qui a ce côté très claquant qui manque de chaleur.


› Tu as vu nos instruments en magasin, lequel a retenu ton attention et pourquoi ?

Les guitares Hanika sont celles qui me parlent le plus, parce que cette marque a une gamme absolument géniale. Je les recommande à plein d'élèves quand ils sont prêts et qu'ils arrivent à un bon niveau, parce qu'il leur faut un bon instrument, mais sans aller jusqu'à la guitare de concert. J'ai essayé toute la gamme qui était au-dessus et le reste, et elles sont excellentes. Dans les budgets de 1'000 à 3'500 Francs, ils ont des guitares extraordinaires. Et puis il y a les Gropp, dont vous avez des modèles en occasion, qui sont aussi de superbes guitares.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

J'ai connu Otto, le papa de René Hagmann, c'est dire que mon expérience avec Servette-Music remonte à loin ! Le magasin était encore à la rue Racine à l'époque... Je venais souvent, même si le choix en guitares n'était pas très vaste à l'époque. Et mon expérience est très bonne : j'ai acheté quasiment tous mes instruments ici. Quand je viens, je sais que je suis conseillé par des gens compétents qui aiment vraiment la musique. Sergio, à qui j’ai enseigné durant plusieurs années, est un passionné. Il s'y connaît, et il a un amour authentique de la musique et de la guitare. J'ai besoin de parler avec des gens qui connaissent la musique, qui aiment ça profondément. J'ai aussi besoin d'un magasin intimiste, sans le côté supermarché de la musique. Chez Servette-Music, même si vous avez beaucoup d'instruments, vous restez spécialisés dans la qualité.

Servette-Music a bien mérité ma fidélité, d'ailleurs, parce que vous proposez des relations de confiance et un super service après-vente. Yves m'avait prêté une Hopf Portentosa en 1986, qui était à l'époque l'instrument le plus haut de gamme qu'il avait en magasin. Je suis parti avec cette guitare en tournée en Colombie et à Porto Rico, sachant quand même que s'il arrivait quelque chose, j'avais une assurance ménage et que je remboursais tout. Et puis un jour, une mécanique avait lâché la veille d'un concert sur ma Corbellari, et Yves est venu depuis le Grand Saconnex au magasin pour démonter et changer la mécanique, puis me l'a apportée à Lully où j'habitais. C'est une qualité de service exceptionnelle, surtout de nos jours.


› Quel est ton meilleur souvenir musical ?

J'ai l'avantage d'avoir une grande expérience parce que j'ai passé toute ma vie en musique. Je suis professionnel depuis l'âge de 25 ans, j'en ai 67, donc ça commence à faire pas mal d'années. J'ai eu des expériences fabuleuses à beaucoup d'égards : j'ai joué à des enterrements, à des mariages, à des baptêmes et avec des groupes de bal... J'ai joué avec Morisod, j'ai joué avec des groupes de rock, avec des chanteurs anglais, avec l'OSR, l'OCG, l'Orchestre de Chambre de Lausanne, etc.

Mais le truc le plus génial que j'ai fait, à mon avis, c'est de jouer dans un club…naturiste. Ça fait rire tout le monde, mais c'est vrai ! Pendant deux saisons de suite, il y avait un club naturiste au sud de la Corse, à Porto Vecchio, où j'allais avec un flûtiste qui était complètement fan de naturisme. On jouait ensemble en duo, et il organisait des petites tournées. On faisait donc six dates en Valais, six dates en Corse, dont trois dates dans le club naturiste, et on y restait ensuite. On avait chacun un bungalow, qui était payé parce qu'on offrait le concert. Un jour, après être arrivés, je m'installe, je bosse mes morceaux pour le concert le lendemain, et on frappe à ma porte. Mon pote arrive, « à poil », avec son étui à flûte et sa femme, « à poil » elle aussi. Il me demande "tu t'es pas mis à ton aise ?" et je lui réponds "ça va, je suis bien en short". Et lui me réplique "tu sais que dès demain, à partir du moment où tu sors du bungalow, il faudra être nu, tu n'as pas le droit d'être habillé". Donc j'ai passé toute la semaine "à poil" (rires). Mais le concert, évidemment, c'était habillé, et c'était rigolo de voir ces gens très classes le soir, qui passaient leurs journées complètement nus le reste du temps.


› Comment l'enseignement de la guitare classique a-t-il évolué au cours des années ?

Avec Internet, beaucoup de gens lancent des sites ou des combines, et le problème, c'est que pour bien enseigner la guitare classique, il faut avoir un vrai contact physique. Il faut pouvoir prendre en main les doigts des élèves pour les replacer, parce que les explications basées sur des histoires de première case sur la cinquième corde, ça ne marche pas très bien, c'est compliqué. Alors qu'avec un geste, tu peux corriger la position de l'élève, et tu peux aussi lui donner du feedback, le corriger en vrai et lui concocter un vrai programme pédagogique adapté, ce que ne peut évidemment pas faire un mec qui a posté une vidéo sur Youtube. Donc je ne suis pas très enthousiasmé par cet aspect. Tu as maintenant sur Instagram des gens qui donnent des cours de tennis, qui vont te montrer comment tenir une raquette, etc. et tu as l'impression d'avoir tout compris quand tu vois le truc. Ensuite, quand tu vas sur le court, tu te prends 6-0 en dix minutes parce que tu n'as pas l'expérience. La guitare, c'est pareil.

Par contre, Internet a aussi permis de faire connaître des virtuoses du monde entier qu'on ne connaissait pas avant, simplement parce qu'on ne connaissait que les gens autour de chez soi, pour ainsi dire, et ça c'est super. L'enseignement a aussi changé parce que chaque génération a profité de la précédente, donc le niveau de la guitare classique est monté extrêmement haut. Je vois le niveau dans les HEM et celui des jeunes qui en sortent à 20-30 ans, qui gagnent des concours de partout. Si je compare le niveau que j'avais quand je suis rentré au Conservatoire supérieur, qui n'était pourtant pas petit, je dois admettre que la génération d’aujourd’hui est de plus en plus pointue.

Sachant que la première classe de guitare au Conservatoire à Genève est apparue dans les années 70, on a beaucoup évolué : les profs des générations qui ont suivi ont appris des précédentes. Du coup, le niveau est monté progressivement. Après, pour la question de savoir si l'enseignement en lui-même s'est amélioré, ça dépendra des profs. Tu peux être très virtuose mais n'avoir aucun sens de la pédagogie, et à l'inverse, tu peux être un guitariste moyen mais un grand pédagogue. Mais au fond, l'enseignement est toujours basé sur le fait de lire la musique, d'évoluer, de faire sonner son instrument, etc. On est aussi beaucoup plus ouvert au niveau de la composition, parce qu'il y a désormais beaucoup de guitaristes qui composent pour la guitare, et qui savent donc mettre en avant les choses à apprendre sur cet instrument, alors qu'autrefois, on allait vers les compositeurs classiques ou des transcriptions, souvent mal fichues.


› Tu composes pas mal de musique, comment ça se passe pour toi ?

J'ai composé toute ma vie, et j'adore ça. Je compose plutôt au crayon et à la gomme avant d'écrire sur un programme comme Finale ou Cubase, et ça débouche sur des méthodes et des recueils, qui sont édités au Québec et en France , ce qui est top car j'aime faire aboutir les choses pour qu'elles prennent vie plutôt que de les ranger dans un coin. Une quinzaine de mes recueils édités reçoivent d’ailleurs de très bonnes critiques aux États-Unis et un peu partout. On y retrouve des pièces didactiques pour enfants, essentiellement, des pièces thématiques, comme les animaux et les pays en musique, et des pièces de concert pour duos, dont certaines sont sorties dans des magazines.

En arrivant dans le monde de la variété, j'ai aussi reçu pas mal de chanteurs et de chanteuses chez moi pour qui je faisais des compositions, arrangements, et maquettes, sur mon ordinateur avec une guitare et une voix. Ensuite, je les emmenais en studio et j'engageais des musiciens pour jouer une vraie orchestration. J'ai fait beaucoup d'arrangements comme ça pour des chanteurs de variété, dont ma femme Nicole, qui est une très bonne chanteuse amatrice.


› Quels sont les projets qui t'animent pour l'avenir ?

J'ai fait tellement de choses déjà, que je n'attends plus qu'un truc extraordinaire arrive. J'ai fait Constantin, joué son tube Switzerland Reggae en concert, des tournées avec Alain Morisod, des comédies musicales ; j'ai joué dans des groupes de hard-rock, de blues, de jazz-rock, de jazz... J'ai joué dans Swing Crooner, un groupe avec des très bons musiciens où on jouait du Frank Sinatra... J'ai fait de l'animation musicale... Je crois que j'ai fait à peu près tout ce qu'on pouvait faire.

Donc en ce moment, mon plus grand projet, est mon duo avec Philippe Dragonetti. Ça va faire dix ans qu'on joue ensemble et ça prend de plus en plus d'allure. On commence à trouver des contrats en dehors de Genève, le hamster sort de sa cage (rires). L'objectif, c'est donc de développer ce duo au maximum parce que je suis bien dedans. Je suis imprésario, compositeur, et musicien, et même si on est déjà très investis, on prend le temps de peaufiner et de toujours améliorer ce duo. J'aime bien avoir plus de temps pour jouer, sans subir le stress de donner six heures de cours le mercredi, puis de rentrer chez moi pour bosser encore deux heures parce que j'ai un concert le vendredi.


› Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui se mettent à la guitare classique ?

Je conseille trois choses essentielles : aller voir des concerts, trouver un prof vraiment compétent, et jouer avec des gens. Les concerts, ça permet d'avoir l'expérience du but de la musique qu'on joue, qui est de la partager avec les autres. Le prof – un vrai, en chair et en os – te fait vraiment ressentir ce qu'il faut faire, et te le montre en face à face. Et jouer avec les autres, c'est une des meilleures écoles, car c'est le terrain. Le réel, il n'y a que ça de vrai.


› Salut Alex, tu es batteur professionnel et un professeur de batterie très demandé à Music Arts Academy, ainsi qu’a l’APCJM. Quelle est ton actualité musicale en ce moment ?

Je fais pas mal de choses, je vais essayer de ne rien oublier... En ce moment, je joue beaucoup avec un groupe de reprise des années 80 qui s'appelle Back To the Eighties. Nous nous sommes récemment produits à Zürich ainsi qu’au carnaval de Sion. Avec 22 concerts l'année passée, nous espérons pouvoir en faire encore plus cette année : le 1er août, le nouvel an, des événements comme ça...

J'ai aussi un groupe de compositions de rock alternatif plutôt heavy qui s'appelle Sidmantra. Nous finirons un deuxième clip au printemps, et nous avons un EP en préparation.

J'ai aussi un autre projet appelé WavesStreamsHazards dans lequel je compose, et où le principe est d'interagir en concert avec les images produites par une vidéaste. Et puis je joue dans le groupe d'une amie chanteuse qui s'appelle The Wandering Travelers avec qui nous avons sorti un album l'année dernière. Enfin je joue dans un groupe de reprises, 90s cette fois, qui s'appelle Groove Lab, mais on communique plus sur Instagram que sur le site.


› Vous faites des trucs du genre Red Hot Chili Peppers, Nirvana ?

Avec Groove Lab oui, mais pas seulement. On joue du rock, mais aussi du funk, de la dance même, avec même des reprises de Britney Spears intégrée dans un medley.

Et à part ça je donne des cours à Music Arts Academy ainsi qu’à l’APCJM, une école associative à Meyrin, et je joue sur demande avec des groupes de reprises blues jazz, et des chanteurs et des chanteuses pour des concerts et des sessions studio.


› En effet, tu es bien occupé...

Oui, c'est pas mal. En tant que professeur, j'ai 35 élèves par semaine, plus l'animation d'ateliers, que j'aime beaucoup faire, surtout avec les ados, pour les encadrer, les aider à progresser et à mener un projet à terme au sein d'un groupe. C'est très intéressant. Puisque j'essaie de penser à tout, je joue aussi avec Jack Cinch & The Flying Sockets qui est un groupe de reprise décalées.


› Décalées, c'est à dire ?

Et bien par exemple, on reprend "Highway To Hell", mais on en fait une valse bavaroise. Le principe est de sortir les chansons de leur contexte en leur mettant un grain de folie. On a aussi fait "Creep" de Radiohead en cha-cha-cha (rires).


› Nous t'avons entendu jouer et tu as un talent incroyable. Comment s'est passée ta formation ?

J'ai commencé à l'âge de 8 ans avec le tambour aux Cadets de Genève, qui étaient d'ailleurs fournis en instruments par Servette-Music. Et j'ai également débuté la batterie là-bas grâce à Claude Meynent. Après un court passage au Conservatoire, j'ai pris des cours privés avec Thierry Hochstätter. Il m'a préparé au PIT de Los Angeles (Percussion Institute of Technology, équivalent du GIT – Guitar Institute of Technology, mais pour batteurs), où je suis allé entre 93 et 94 et dont j'ai terminé le cursus avec les honneurs – une mention "bien" – avec plus de 95% de réussite aux examens de fin d’année. J’ai eu la chance de côtoyer des professeurs incroyables là-bas, comme Joe Porcaro (NdR. père des frères Porcaro, qui ont fondé Toto).


› Tu t'es tout de suite mis à jouer professionnellement ensuite ?

Très rapidement, oui. Après mon retour de Los Angeles, j'ai accompagné plusieurs artistes de la scène locale. J'ai intégré des groupes comme Les Tontons Flingeurs, Easy, et j'ai joué avec des pianistes de jazz comme Al Blatter. J'ai fait de la musique africaine avec Maciré Sylla, de la drum & bass avec Freebase Corporation, du rock et du metal. Ma bio complète est sur mon site, www.alexbrun.com, mais en gros j’essaie d'être le plus polyvalent possible.


› Qu'est-ce qui t'a poussé à te mettre à la batterie, et – c'est toujours fun de demander – tu te souviens de ta première batterie ?

J'ai commencé par le tambour, mais la batterie est venue tout naturellement. Pour mes 11 ans, j'ai reçu une Tama Swingstar d'occasion, qui était un modèle en bois aggloméré. Quand j'étais ado, je me suis ensuite acheté une autre Tama, une Rockstar. Et de retour de Los Angeles, j'ai eu besoin d'un modèle plus professionnel, donc suite au vol d’une magnifique Sonor prêtée par un ami à Lyon, je me suis dirigé vers une Lauper, une batterie haut de gamme faite par un luthier suisse à Morat, dans un ancien garage à bateaux.


› Tu peux nous en dire plus sur ces instruments ?

J'ai un modèle de 8 plis d'érable américain, qu'il se fait livrer en fûts de 18 mètres, ce qui permet de choisir la taille qu'on veut, et il passe huit couches de verni à la main lui-même. Ce sont des batteries extraordinaires, hyper polyvalentes, avec un son très précis et un accordage parfait. Pour les cymbales, j'utilise les Sabian HHX Evolution Dave Weckl Signature, que j'ai achetées ici, chez Servette-Music.


› Oui il est génial ce kit, Stephan (Montinaro) l'aime beaucoup. Tu joues aussi d'autres instruments ?

Un petit peu de piano, quand je compose. Mais heureusement que les outils actuels me permettent de corriger la précision de mes doigts. Au piano, tu appuies sur une touche, et la note est juste, mais pour la précision rythmique, j'ai besoin d'aide.

J'ai aussi un SPD-30 de Roland qui me permet de commander des nappes sonores ou d'influer sur la vidéo qui est projetée en même temps que je joue avec WavesStreamsHazards. Autrement, j'utilise le pad, que je mets à gauche de mon Charleston pour faire des sons de claps ou de caisse claire électronique façon années 80.


› Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes goûts ont-ils évolués avec le temps ?

Mes premières amours musicales, c'est Led Zeppelin. Je pense que c'est même le groupe qui m'a donné envie de jouer de la musique sérieusement. À l'adolescence, les groupes de rock et de hard-rock – avant qu’on dise metal – comme Metallica, Iron Maiden, mais aussi Van Halen et les virtuoses de la guitare électrique, d’Hendrix à Steve Vai, m'ont beaucoup plu. J'ai eu une petite période New Wave aussi, et ensuite, aux États Unis, j'ai découvert le jazz et le jazz-rock et des batteurs légendaires : Weather Report, tous ces trucs... J'ai aussi beaucoup aimé les quatre grands groupes de grunge originaux : Soundgarden, Pearl Jam, Nirvana, et Alice in Chains.

Après, à l'heure actuelle, je peux écouter dans la même journée du Chopin, du Meshuggah et du Herbie Hancock, parce que finalement, j'aime tout ce qui est fait avec passion et pas juste dans un but commercial, donc il n'y a plus de frontières à mes goûts musicaux en termes de style. C'est plus une attitude. Mais d'une manière générale, mes influences sont quand même plutôt rock, au sens large.


› En ce qui concerne les instruments, tu joues sur différents modèles de batterie ?

Ma batterie préférée c'est la mienne, ma Lauper, mais comme je te l'ai dit, j'utilise aussi un multi-pad Roland SPD-30. J'aime aussi les Sonor haut de gamme et les DW. J'ai d'ailleurs une DW à l'école à Meyrin, achetée ici à Servette-Music. Ce sont de belles batteries, qui sonnent super bien et qui sont très agréables à jouer.


› Qu'est ce qui compte le plus pour toi dans une batterie ?

Ça dépend des styles. Mais l'essentiel pour le groove, c'est la grosse caisse, la caisse claire et le charleston. Je pense qu'on reconnaît un bon batteur à sa solidité rythmique, et ça, c'est la fondation. On peut créer un groove et développer la musicalité d'un rythme à travers un beat très simple. Après, on peut aussi développer des mélodies grâce à des toms bien accordés, ce qui est aussi très important, et je n'oublie pas le rôle crucial du kit de cymbales. La batterie et les cymbales sont évidemment complémentaires, mais encore une fois, le poids de chaque élément dépend du style à mon sens. Il y a une blague qui raconte qu'on doit travailler un instrument dix ans pour être vraiment bon. Mais avec l'expérience, je dirais qu'il faut plutôt dix ans par famille d'instruments : donc dix ans pour les cymbales, dix ans pour les toms, dix ans pour la caisse claire, et dix ans pour la grosse caisse.


› Donc après 40 ans, t'es au top ?

C'est ça (rires). Mais malheureusement, le corps ne suit plus, et c'est à ce moment qu'apparaissent les tendinites.


› Toi qui enseignes beaucoup, que penses-tu des batteries électroniques ?

Ça a beaucoup évolué. Les modèles haut de gamme comme la TD-50 sont vraiment bluffants, ce sont des batteries très impressionnantes. On peut même bloquer le son de la caisse claire en posant la main dessus, étouffer les cymbales, et gérer les rebonds avec les textures de meshhead. C'est vraiment fantastique. Les banques de sons ont aussi été beaucoup améliorées, puisqu'avec Superior Drummer 3, par exemple, on a accès à plus de 150Gb de sons de batterie enregistrés avec une qualité audio indiscernable d'un son live. Les batteries électroniques ne sont plus des modulateurs de fréquence, mais vraiment des purs samples. En plus, pour Superior Drummer 3, ils ont été enregistrés aux Galaxy Studio de Bruxelles par un ingénieur du son incroyable qui s'appelle George Massenburg. Donc c'est du top niveau.

Pour apprendre à jouer, même si une batterie électronique n'offre pas les mêmes sensations, le même toucher, car il y a plus de subtilité sur une batterie acoustique, c'est idéal. Pour un élève dans son appartement, il n'y a de toute façon pas le choix. Et à partir de 1'000-1'500 francs, on a quelque chose de très bien.

Au final, je conseillerais à tout le monde d'avoir les deux à partir de l'adolescence : une acoustique au local, et une électronique à la maison. Mais pour les petits, commencer sur une électronique suffit largement. En plus, une acoustique, il faut savoir l'accorder, et l'accordage d'une batterie, c'est toute une science.

Un autre avantage des batteries électroniques aujourd'hui, c'est qu'on peut les brancher directement en USB dans son ordinateur pour s'enregistrer. Et comme c'est en se réécoutant qu'on sait si on est sur le clic, ou au contraire avant ou après le clic, cette possibilité est un gros plus. Sans compter le playback, qui aide aussi beaucoup.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Longue : elle a commencé dès les Cadets de Genève quand j'étais petit. Je trouve aussi excellent qu'il y ait une section batterie désormais, c'est juste super. Je travaille aussi avec Stephan (Montinaro) à Music Arts Academy, qu'il dirige, donc j'ai la chance d'avoir une relation assez privilégiée. Et puis j'ai joué dans un projet avec Manu Hagmann – le fils de René, qui est un très bon bassiste et contrebassiste – pendant quelques temps. Sans oublier qu’à l’inauguration de la section batterie, j'ai gagné la tombola et je suis reparti avec la Tama Cocktail Jam mise en jeu… Un grand souvenir, et une batterie qui m’est très utile.


› Quels sont les meilleurs souvenirs ta carrière professionnelle ?

On dit toujours qu'on doit se donner autant qu'il y ait 30 ou 30'000 personnes dans la salle, mais j'avoue quand même que mes meilleurs souvenirs sont les très grosses scènes. J'ai eu la chance de faire une tournée asiatique avec un groupe de metal qui s'appelait Djizoes, ce qui est quand même marrant pour un groupe de ce genre. On a fait un immense concert à Taïwan devant plus de 100'000 personnes. J'ai même fait du rock chrétien pendant 12 ans avec le groupe P.U.S.H. qui était très bien dirigé par son leader, Fabrice. Avec ce groupe, on a joué devant plus de 12'000 jeunes chrétiens aux alentours de Paris. On a parcouru 200'000 kilomètres en camionnette mais aussi en train et en avion à travers toute l'Europe, surtout en France mais aussi dans les capitales européennes, Madrid, Bruxelles, jusqu'à Cracovie pour les Journées mondiales de la jeunesse. C'était intéressant et ça me changeait du rock standard ; même si je suis agnostique, personnellement, j'étais assez ouvert pour jouer ce répertoire. Le Montreux Jazz Café avec Freebase était un bon concert aussi.


› Comment ça se passe, la compo chez Alex Brun ?

Je travaille différemment selon les projets. Dans Sidmantra par exemple, c'est le chanteur/guitariste qui est leader du projet, et il s'intéresse beaucoup à la batterie. On travaille donc les batteries ensemble et là, ça peut aller jusqu'au choix des cymbales, c'est à dire qu'on va discuter de mettre la crash de 16" avant la 18". Donc tu t'imagines le niveau de granularité...

Il m'arrive également de composer des parties sur un clavier MIDI branché dans mon Mac avec Logic Pro, mais j’ai rarement composé un morceau entier pour un groupe. Je fais sinon aussi des arrangements pour mes ateliers. Et là, les compos sur lesquels je travaille, c'est plutôt pour mon spectacle avec WavesStreamsHazards. Je me suis mis récemment à composer des chansons pour les proposer à des chanteurs, chanteuses. Je fais ça au clavier, avec des accords. Et puis bien sûr, je joue sur mes batteries pour composer mes parties, ou je les programme dans Supérieur Drummer 3.

En tant que batteur, le piano c'est plus facile pour composer, parce que c'est visuel et c'est un instrument rythmique. En plus, si c’est un piano midi, on peut le brancher directement dans un ordinateur. Une fois que j'ai chopé la groove, écrit les nappes, je peux composer une mélodie très simplement grâce aux outils actuels.


› Quels sont les projets qui t'animent pour l'avenir ? Qu'espères-tu réaliser ?

Là, le grand projet c'est de sortir un album avec Sidmantra et de tourner en Europe, et potentiellement aux États Unis. Je continue aussi à composer, et je dois me mettre à faire des drum cams, des vidéos, parce que on ne peut plus exister en tant que musicien sans bien communiquer sur Internet. Et comme pour avoir de la visibilité, il faut réaliser des vidéos, c'est ma résolution en 2023. On vient d'emménager dans un nouveau local avec Sidmantra dans lequel ce sera plus simple pour moi de le faire. Je remercie Jeff Bucher au passage pour le local.

Mais au fond, mon projet, c'est de continuer à jouer le plus longtemps possible, le mieux possible. Je me suis fait une déchirure du tendon au coude gauche pendant le Covid en forçant le boulot sur la vitesse, et j'ai réalisé que j'étais devenu un peu trop vieux pour le metal extrême.

Je transmets également du mieux que je peux l’amour de la musique à ma fille, qui chante à la classe opéra de Montpellier.


› Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui débutent ?

Je dirais que c'est important de jouer au clic et de s'enregistrer pour se réécouter. C'est ce qui permet d'apprendre correctement le rythme et de progresser le plus rapidement. Ensuite, je recommande d'aller le plus possible à des jam sessions pour se confronter au public et jouer ensemble avec d'autres musiciens. Et finalement, je conseille aussi d'étudier le plus de styles différents possible pour ensuite développer un jeu personnel, un vocabulaire propre.

Mais pour ça, il faut d'abord écouter ce qui a été fait par les maîtres comme Tony Williams, Steve Gadd, et d’autres légendes, comme plus récemment Tony Royster Jr. ou notre compatriote Jojo Maier. Malgré tout ce qui a été fait, il y a de la place pour développer un son propre : les nouvelles musiques sont nées de la fusion de choses qui existaient déjà, et je ne crois pas qu'on soit arrivés au bout des possibilités. On voit aujourd'hui des mecs qui se sont approprié des musiques électroniques tout en les interprétant avec des groupes. Finalement, il y aura toujours de la place pour inventer et continuer à faire avancer le Schmilblick.



› Bonjour Christian, tu es guitariste professionnel et professeur de guitare indépendant, quelle est ton actualité en ce moment ?

Avec la Fanfare du loup (ensemble instrumental multi-styles), nous avons un projet qui parle de l'importance des glaciers, de leurs réserves d’eau douce et des dangers qui résultent de leur disparition, tout cela avec des vidéos et bien sûr de la musique entièrement composée à cette occasion. Nous jouerons ce spectacle les 9 et 10 mars à la salle de l'Alhambra.

Sinon, je participe à un nouveau trio avec Romane Chantre à la batterie et Gregor Vidic au saxophone, deux éminents représentants de la jeune génération de l’AMR. Ici, on se donne le temps d’improviser, de découvrir de nouveaux paysages sonores. On explore quelque chose d'intéressant à jouer sans bassiste, les rôles de chacun.e.s sont différents, et on découvre d’autres manières de jouer. J’ai également commencé un duo avec le pianiste Jonathan Simon, un excellent improvisateur et fin connaisseur des standards de jazz, et là encore pas de pression, c'est que du partage de musique. Tu l’auras compris, je vise en ce moment des projets sans échéances contraignantes. Je me suis récemment rendu compte que je fais de la scène depuis 1975, et que je ne veux plus me retrouver avec un agenda surbooké avec le stress que ça comporte d'avoir plusieurs groupes et répertoires à gérer simultanément !

Actuellement ce qui me plaît, c’est de pouvoir travailler différemment : que ce soit une composition originale ou une reprise, j'essaye de l'aborder par différents angles. J'essaye un truc, et puis un autre, je passe d'une guitare à une autre, car pour moi le son a une influence sur ma façon d’appréhender la musique. Dans une vie de musicien professionnel où tu dois comme tout le monde payer les factures à la fin du mois, tu n'as pas forcément la possibilité de prendre ce temps. Les dates se suivent, les sessions s'enchaînent, les cours n'arrêtent pas. Donc, j'ai gardé cinq élèves par semaine, ce qui me permet de faire des jams, de me consacrer à jouer avec d'autres. Et puis même si je ne suis pas dans tous les projets qu'elle monte, la Fanfare du loup me prend quand même pas mal de temps, car c'est un collectif qui discute tout de façon horizontale, ce qui fait que nous avons beaucoup de débats – super intéressants à chaque fois, d'ailleurs.


› Comment t'es-tu mis à la guitare ?

Pour avoir une guitare, le deal avec mes parents était que je prenne des cours de guitare classique. Je suis allé au Conservatoire populaire où je suis tombé sur un super prof, Angelo Lazzari. Lui, il avait bien senti que j'étais titillé par autre chose au bout d'un moment, et puis, la deuxième année, alors qu'il n'avait pas forcément le droit de le faire, il a commencé à me montrer des trucs de blues et de jazz.


› Tu avais une guitare électrique ?

Non, c'était une guitare classique, mais avec ça au moins, je pouvais débuter et je déchiffrais des riffs de rock et de blues ainsi que du picking. Mais je me suis très vite mis à travailler tout seul, de façon intensive et systématique. Après l’école, je faisais deux ou trois heures de musique par jour, voire quatre !

À cette époque, j’ai compris qu’il fallait que je rencontre des gens qui partageaient la même passion que moi et j’ai repéré assez vite dans quel bistrot, dans quel local, ou dans quelle "maison de quartier " se rencontraient les musiciens. J'ai réussi à rentrer dans plusieurs gangs de musiciens, par exemple au centre de loisirs de Carouge où les musiciens du futur Beau Lac de Bâle répétaient et m’ont énormément aidé à me structurer. Il y avait également un autre gang qui occupait pas mal de d’abris anti-atomiques sous la gare de La Praille, et qui formait un des noyaux importants du rock à Genève. J'y allais tous les jours écouter les groupes, je regardais comment les musiciens – qui étaient déjà connus à l'époque (certains le sont encore) – bougeaient les doigts et faisaient sonner leur instrument. Beaucoup d'entre eux partaient à Londres en été avec des bus VW, et les remplissaient d'amplis Marshall, Vox, Orange, de guitares Fender et Gibson, tout un matos incroyable dont on manquait à Genève. C'était une période extraordinaire.


› Comment as-tu su que tu voulais faire du rock ?

Quand j'avais 11 ou 12 ans et que j'ai entendu les Beatles, j'ai immédiatement su que je voulais faire ça toute ma vie. C'était complètement irrationnel, et ça a mis longtemps à se réaliser... Après, j'ai bien sûr entendu Hendrix, Clapton, Beck, Page, et aussi Blackmore car son utilisation de certaines gammes particulières m’attirait. Comme j'écoutais de tout, et surtout du rock anglais, j'ai aussi suivi la vague expérimentale avec Soft Machine, Caravan ou les premiers Pink Floyd. J'écoutais A Saucerful of Secrets et The Piper at the Gate of Dawn, deux disques très expérimentaux et spontanés. Et puis les Stones ont été importants aussi pour moi. D'ailleurs quand on me demandait – comme ça se faisait à l'époque – si j'étais plutôt Beatles ou Stones, je répondais "les deux".


› Comment s'est passée ta formation, du coup ?

Je suis autodidacte. Mais plein de gens m'ont donné des conseils, indiqué des voies de recherche, des choses à découvrir. On me disait "tu devrais checker ça ; il y a un bouquin qui parle de ces accords ou de ces modes ; tu devrais écouter tel ou tel musicien", etc. Comme j'étais curieux, je suis donc allé écouter Metheny, Scofield, Abercrombie...


› Donc tu as développé ta maîtrise tout seul, en écoutant de la musique ?

Oui du moins pendant un temps. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que ça ne suffisait pas. J’avais besoin d’un socle théorique. Chez Jeff Beck par exemple, il y a des transitions harmoniques dingues dans certains morceaux. J'ai réécouté Blow by Blow il y a peu, et cet album contient des progressions d'accords surprenantes, difficiles à enchaîner et encore plus à improviser. Et puis au fond, la théorie m'intéressait. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours évolué en rock et en blues en même temps que j'avançais dans mon jeu en jazz ou en musiques du monde, car chaque aspect nourrit tous les autres. En plus, dès que tu sors des traditions européennes, non seulement les harmonies, mais la perception même du tempo sont différentes. À ce point vue-là, l’environnement créatif et multiculturel de l’AMR m’a été extrêmement profitable.


›Tu t'es alors mis à la guitare électrique parce que tu voulais faire du rock ?

Exactement. J'écoutais aussi du folk, donc j'avais aussi une guitare acoustique, mais la guitare électrique m'attirait plus. Le son, la sensation enivrante quand on joue fort dans un ampli, de déplacer de l'air, c'est super bon ! Et j'aimais la guitare électrique parce qu'avec elle on pouvait jouer en groupe. Ça ne m'a jamais beaucoup intéressé de jouer seul, même si je le fais parfois sur demande. Mais j'aime jouer avec un batteur, avec un bassiste, avec un clavier, un chanteur, une chanteuse... N'importe qui, mais pour construire quelque chose ensemble, partager.


› Tu te rappelles de ta première guitare électrique ? Et des autres ?

Oui, ma première électrique était une imitation de Telecaster faite par la marque Aria. Ensuite, j'ai pu acheter une Strat Fiesta Red de 64 pour 600 Francs en 1974, parce que personne ne voulait de Strat Custom Color à l'époque. Les gens trouvaient ça moche. Et là, un gros crève-cœur de ma vie, c'est que le "luthier" d'un magasin de musique me l'a foutue en l'air en la refrettant, et comme je ne savais pas qu'on pouvait changer la touche ou le manche je l'ai revendue pour une bouchée de pain… Mais je me suis rattrapé par la suite et je suis ensuite allé à Londres pour acheter une Strat 68 qui sonnait incroyablement bien. Il faut savoir que les Strat et les Les Paul qu'on avait à Genève dans les années 70 n'étaient pas géniales. On se retrouvait avec des grattes mal faites, qui avaient des dégradés ignobles et qui pesaient un poids fou, ou dont le vernis derrière le manche collait, ce qui empêchait les doigts de glisser. Les guitaristes de ma génération se sont donc assez rapidement tournés vers les instruments vintage, même si on n'appelait pas encore ça comme ça à 'époque.


› Est-ce que tu joues d'autres instruments ?

Je joue des instruments reliés à la guitare, essentiellement de la basse, car c'est très important pour moi. Je joue aussi du lap-steel et du banjo 6 cordes, accordé comme une guitare.


› Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes goûts ont-il évolué avec le temps ?

Au tout début, c'était le rock anglais. Et puis très vite, j'ai compris que la plupart des gens que j'admirais avaient été influencés par Howlin' Wolf, Muddy Waters, John Lee Hooker, BB King. Après cette période de découverte du blues, j'ai eu la chance de rencontrer des musiciens de l'AMR et de faire des sessions d'impro avec eux. Dès ce moment, je me suis mis à écouter des musiques... Comment dire ? Des musiques rock qui incluaient un peu de jazz et des musiques jazz qui incluaient un peu de rock. Je n'aime pas le jazz-rock, par contre. J'aime bien le jazz et le rock, mais le jazz-rock, c'était un peu excessif pour moi. Tous ces trucs comme Mahavishnu Orchestra ou Return To Forever. En revanche j'aimais beaucoup Herbie Hancock, surtout son projet Head Hunters. C'était du super funk.

Et puis je me suis ouvert avec les rencontres. J'ai eu la chance d'être à Genève, où se trouvent des musiciens venus du monde entier. Je me suis ouvert aux musiques sud-américaines, à celles des Caraïbes, et aux musiques africaines – beaucoup, j'ai une grande passion pour ça – et puis à celles d'Afrique de l'Ouest.

Avec le temps, je me suis ouvert de plus en plus aux musiques "noise", bruitistes, où l’on utilise sa guitare pour produire des sons non tempérés, soit avec des effets, soit en mettant des bouts de métal, de plastique, des chaînes, des clés – tout ce que tu veux – entre les cordes ou sur les micros. Fred Frith en est un représentant anglais hyper connu, et je l'ai encore vu il n'y a pas longtemps sur scène. C’est un guitariste ultra passionnant avec un parcours classique puis rock, et intéressé par toutes les expériences sonores. Sonic Youth m’a également influencé avec ces masses sonores impressionnantes, tout comme les Japonais de Merzbow.


› Dans tout ça, quelles sont tes influences majeures ?

En rock, il y a Hendrix et Beck. En jazz, c'est résolument Bill Frisell, qui est considéré comme un guitariste atypique dans le milieu, peut-être parce qu'il enregistre des albums à Nashville, ou avec des musiciens africains, ou encore avec John Zorn. Il est à la fois capable de jouer très "dans le jazz" et puis en même temps, de jouer vraiment "à l'extérieur du jazz" avec un son saturé énorme, et des effets incroyables. Il y en a un autre aussi, c'est Marc Ribot. La première fois que je l'ai entendu, c'était sur un album de Tom Waits qui s'appelle Rain Dogs. C'est un guitariste qui a fait du classique, du jazz, de tout ; un de ces New Yorkais qui a ouvert toutes les portes et fait sauter toutes les barrières.


› Quelles sont tes guitares électriques préférées ?

Tu veux dire si je devais partir avec une seule guitare sur une île déserte ? Ah mais ce serait le plus grand malheur ! C'est une sale question ça, en fait (rires). Une, je ne sais pas, mais si tu m'en donnes trois, je prendrais une semi-caisse, genre une ES-335, une Strat et une Tele. Entre la Strat et la Tele c'est très difficile de choisir... Je connais des gens qui sont uniquement Tele, d'autres qui sont uniquement Strat, mais moi je trouve les deux aussi inégalables l'une que l'autre. Si je devais vraiment n'en prendre qu'une qui fait tout absolument tout, par contre, ce serait probablement une Tele.


› Qu'est-ce qui est important pour toi dans une guitare électrique ?

Le plus important pour moi dans une guitare électrique, c'est sa signature sonore. Attention, elle peut aussi bien en avoir une précise si je veux quelque chose de typé, ou au contraire pas trop, ce qui me permet de manipuler le son. Si je veux une guitare qui ne soit typée ni Gibson, ni Fender, je choisis PRS. C'est pour ça que j'ai toujours eu des PRS depuis maintenant plus de trente ans. J'ai beaucoup changé de modèle jusqu'au jour où j'ai trouvé une 594 semi-hollow extraordinaire chez Servette-Music. Elle sonne d'une manière distincte par rapport aux ES-335 avec les humbuckers, et en mode single-coil, le son n'a pas la définition d'une Strat ni d'une Tele. C'est donc parfait, même si ça dépend toujours un peu des projets. J'ai la chance d'avoir d'avoir quelques très bonnes guitares, donc je peux changer suivant les besoins. Parce que finalement c'est toujours un peu la même histoire : le plus important c'est qu'elle s’intègre dans le contexte musical.


› Dans le domaine de l'électrique, les amplis et les effets sont très importants. Quel est ton set-up préféré et comment a-t-il évolué ?

Mon set-up évolue sans arrêt. J'achète, je revends, j'achète, je revends... Et puis, comment dire ? Au grand dam de certains de mes grands amis, j'accorde moins d'importance aux amplis maintenant, pour des raisons principalement liées à mon dos. Je me souviens qu'après avoir découvert le Rockman, un ami a dit "désormais je ne porterai plus rien". Et moi aussi, j'ai été obligé de trouver des amplis pour continuer à être musicien professionnel sans devoir soulever un machin de 25 ou 30 kilos. Ça n'avait plus de sens. Depuis une dizaine d'années, je privilégie des amplis à transistors ou en classe D avec un son neutre, que je colore avec plusieurs overdrives différentes, une touche de reverb, ou encore avec un delay.

C'est sûr, dans l'idéal, je préfère un ampli à lampes comme la plupart des guitaristes, et on sait tous pourquoi. J'en ai eu des tout grands : un Fender Tweed Deluxe TV Panel de 1951 – un des meilleurs amplis jamais produit à mon avis – et également un Vox AC30 de 63 ou 64 absolument fabuleux. À l'intérieur, il y avait marqué "Wings", le groupe de Paul Mc Cartney. Chez Servette-Music, j'ai aussi acheté un Bogner Duende parfait pour moi, avec des lampes 6V6, qui a un son magnifique. Donc en studio, je vais me faire plaisir avec un truc en point-to-point, ou vintage, etc. Et à l'AMR, ils ont d'excellents amplis. Mais pour le live, j'ai fini par utiliser des choses plus simples à transporter, tout simplement.


› Quelle est ton expérience avec Servette Musique ?

Désastreuse, hahaha. Je dépense de l'argent à chaque fois que j'y vais, car il y a trop de belles choses (rires).

Non, écoute, elle est agréable parce que je suis très bien conseillé, et en même temps on me laisse me faire mon opinion. Je suis quelqu'un de plutôt timide hors de la scène, et si je me sens poussé dans un sens ou un autre dans un magasin de musique, ça ne va pas trop pour moi. Il y a des gens qui aiment bien qu'on leur dise "tu verras avec ça, tu seras le king", mais moi, non. Je préfère qu'on me laisse regarder et écouter et qu'on m'aide ensuite, plutôt que d'être assailli par des recommandations, donc j'aime beaucoup la manière dont je suis accueilli chez Servette-Music.

Et puis, je dois dire aussi que depuis quelques années, il y a une ouverture sur des marques et des modèles très intéressants, et des changements géniaux. Avec le sous-sol, avoir un endroit où on peut vraiment envoyer des décibels pour tester un ampli, une pédale ou une guitare, est formidable. J'ai eu quelques élèves qui étaient réticents quand je leur conseillais d'aller à Servette-Music, et je leur ai dit : "retourne les voir, plein de choses ont changé", et ils ont effectivement redécouvert le magasin.


› Tu composes beaucoup, comment se passe le processus ?

Je travaille seul et à partir du moment où j'ai une idée qui accroche, mon premier réflexe est de l'enregistrer avec mon téléphone. C'est marrant, j'ai parlé avec beaucoup de musiciens d'un tas de pays, et tout le monde fait pareil. On a une idée, il ne faut surtout pas qu'elle disparaisse, donc on sort son tel et on y va. Ensuite, pour voir si l'idée est viable, je la mets en boucle sur une loop station BOSS RC10R, super simple d’utilisation et possédant une boîte à rythme, ce qui est utile car j’ajoute très rapidement une ligne de basse. A partir de là, ça prend du temps, parce que je suis hyper lent. Je suis souvent trop nihiliste et négatif sur mes idées, et je ne leur fais pas assez confiance, donc je les vire très souvent. Il faut qu'elle tienne vraiment la route pendant plusieurs jours quand je la travaille pour que je décide de donner suite à une idée.

L'étape d'après, c'est d'aller sur Sibelius, ou un autre programme d'écriture musicale, tout en faisant aussi très attention à ne pas fermer une composition en mettant trop d'accords, trop d'harmonies, surtout qu'avec mon background, je risque de mettre trop de progressions harmoniques, et je n'ai pas envie de me laisser diriger ou dicter la composition par ça. Donc j'imagine plutôt des lignes de basse ou des grooves. À partir de là, je chante ou fredonne des mélodies. J'évite absolument de jouer de la guitare parce que je retombe sinon toujours dans des schémas géométriques ou des schémas de gammes, des choses comme ça. La voix humaine, c'est ce qu'il y a de mieux, et les harmonicistes figurent d'ailleurs parmi mes influences – j'ai oublié de t'en parler. Quand j'écoute Little Walter avec Muddy Waters, j'entends un chanteur. C'est juste qu'il collait un Princeton ou un Deluxe à fond devant son micro d'harmonica, mais il avait un des plus beaux sons saturés qui existait. Voilà, c'est en gros comme ça que je compose.


› Qu'est-ce que tu voudrais réaliser encore dans ta carrière ?

J'ai 65 ans et j'ai commencé à faire des concerts à 18 ans. Ça fait donc 47 ans que je joue sur scène, et j'ai réalisé à peu près tout ce que j'ai envie de faire à ce niveau. C'est sûr que si je te dis "j'aimerais jouer à l'Olympia", ça n'irait pas avec le contexte de ma carrière. J'ai pourtant des copains qui ont joué à l'Olympia, mais ils étaient dans d'autres projets et c'est ceux-là qui étaient à l'affiche.

Mais évidemment, il reste des millions de choses encore. Quand tu joues de la musique peu formatée, c'est-à-dire où t'as un groupe, une ambiance, tu peux avoir un thème musical auquel ajouter une modulation par exemple. Mais si une grande partie du morceau est libre, c'est chaque fois Terra Incognita. Tu découvres le morceau en même temps que tu le joues, quelque part. Et ça, j'ai toujours aimé, donc pour moi ce n'est jamais fini. Sinon, ce que j'aimerais faire plus, c'est du blues, plutôt très électrique et roots. J'aime bien aussi le côté brut des compositions de Tom Waits, qui a toujours eu des guitaristes extraordinaires, et ça me plairait de monter un projet dans ce sens.

Au final, je me rends compte que j'ai toujours fait des choses avec des compagnies de danse, de théâtre, et j'ai bossé pour le cinéma et la vidéo. J'ai donc constamment évolué dans plein de mondes en même temps, peut-être par peur d'être catégorisé, englué dans un seul truc. Mais ça n'a pas servi beaucoup, puisque maintenant les gens pensent que je suis un guitariste de jazz (rires). Au fond c'est un peu bête les styles, les appellations, les prés-carrés. Je suis un guitariste qui aime la musique et les sons. Et puis surtout, j'aime le partage. Quel que soit le style, c'est le plus important. Plutôt que faire un beau solo, je préfère jouer un beau morceau, un truc où on se regarde après et où on peut se dire que là, vraiment, on a tous senti des frissons.


› Quel conseil donnerais-tu à quelqu'un qui débute ?

Mon premier conseil à quelqu'un qui débute, ce serait d'essayer de trouver une personne bienveillante, que ce soit un cousin, un ami ou un prof de guitare, qui puisse accueillir cette envie de faire de la musique. Si la personne veut faire tout par elle-même, YouTube est incroyable. Il faut parfois fouiller un peu, parce que quand un jeune tape "Smells like teen spirit" dans Google, il va trouver 800 leçons… J'ai eu des élèves qui m'ont avoué qu'ils avaient un peu honte de dire qu'ils avaient commencé sur YouTube, mais moi je trouve ça génial et j'y vais souvent. Je peux vérifier ma façon je jouer un plan, capter rapidement la structure d'un riff... Il y a des choses à prendre partout, de toute façon. Mais l'idéal quand tu débutes, c'est une personne qui te coache un peu et te met le pied à l'étrier en te montrant un accord de mi, un accord de la mineur, et qui te donne l'étincelle pour avancer. Un copain qui te montre les trois premiers accords à jouer devant un feu de camp, ça peut faire démarrer une carrière.



› Bonjour Afonso ! Merci d’avoir accepté de nous rencontrer. Peux-tu te présenter rapidement à nos lectrices et à nos lecteurs ?

Je suis musicien professionnel; je joue du basson au sein de l'Orchestre de la Suisse Romande (OSR) et je donne des cours à la Haute Ecole de Musique de Genève (HEM). Je suis né au Brésil, d’une mère brésilienne et d’un père d’origine italienne, et je suis arrivé en Europe quand j'avais vingt ans. J’ai principalement étudié à Vienne en Autriche, Berlin puis à Detmold en Allemagne, et pour finir, à Salzburg où j'ai terminé mes études.


› Comment as-tu commencé la musique, et comment es-tu venu au basson ?

J’ai commencé très jeune par le piano, que je joue toujours. J’ai obtenu un premier diplôme au piano et je jouais des récitals avec des sonates de Beethoven, des pièces de Schubert… Mais à l’époque – je n’avais même pas 15 ans – j’avais déjà compris que si je voulais devenir musicien, la vie de pianiste serait un peu solitaire. Ma maman m’a d’ailleurs rappelé un jour qu'enfant, je disais que "j’irai jouer dans un orchestre professionnel en Europe quand je serai grand".

J’ai aussi joué de la clarinette pendant un an et demi en plus du piano autour de mes douze ans. C’est un peu comme ça que je suis arrivé au basson, car je cherchais à jouer du répertoire baroque, que j’aimais beaucoup. Il y a notamment une partie de basson dans le 1e Concerto Brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach qui m’avait complètement ébloui. Mais j'ai vite compris qu'il n'y avait pas de clarinette baroque comme j'en cherchais à l'époque.

J'étais dans l'orchestre des jeunes de l'école dans ma ville natale, quand la chef d'orchestre est venue me voir un jour et m'a dit : "il nous manque un basson dans l'orchestre, on n'a pas d'élève bassoniste, tu veux bien t'y mettre ?" J'ai répondu "Avec plaisir, ok, mais je n'ai pas d'instrument et pas de professeur." Donc, ils m'ont donné un basson, un vieux bouquin avec des tablatures et des doigtés, une anche qui sortait d'on ne sait pas où, et je me suis mis à faire du bruit.

Donc j'ai commencé le basson comme autodidacte un peu par envie et un peu par hasard, et l'instrument m'a tout de suite passionné. Comme j'avais joué un peu de clarinette – je ne dirais pas que c'était facile – mais j'avais travaillé mon souffle, j'étais habitué aux mouvements des doigts et à la perspective. Peu de temps après, j'ai commencé à jouer des pièces classiques et d'autres dans l'orchestre. Ensuite, j'ai eu mon premier cours de basson, avec un professeur allemand justement, qui venait régulièrement en Amérique du Sud. C'est là que j'ai vraiment appris comment travailler, comment prendre soin de l'instrument... Il m'a donné des anches et du bon matériel pour avancer.


› C'étaient les vrais débuts pour toi ?

J'avais 17 ans, et ma vie de bassoniste a vraiment démarré à partir de ce moment-là, oui. Il fallait me décider, savoir si je voulais faire musicien ou pas. J'ai passé un examen pour entrer à l'université et devenir ingénieur agronome – ce qui n'avait rien à voir avec la musique, je te l'accorde – et puis j'ai passé un concours pour un poste dans un bel orchestre de la région de São Paulo. J'ai eu le poste dans l'orchestre, et j'ai laissé tomber l'idée de faire des études d'agronomie pour m'installer à 2500 kilomètres d'où j'étais né.

J'avais décidé de rejoindre cet orchestre aussi parce qu'il y avait un bon professeur de basson là-bas, qui enseignait le système allemand, justement. Je me suis dit que je pourrais travailler avec lui, relativement bien gagner bien ma vie, et prendre enfin des cours sérieusement. Mais lui, il m'a dit « si tu veux vraiment avancer, tu dois aller en Allemagne ». Avec son aide, j'ai donc postulé pour une bourse d'études et c'est comme ça que je suis arrivé en Europe.

J'ai commencé ma première année à Vienne parce qu'il y avait un professeur que j'aimais bien là-bas. Mais il n'y avait pas de place dans sa classe, et je me suis retrouvé pendant un an dans celle d'un ancien bassoniste de l'orchestre philharmonique de Vienne à la Haute École de Vienne. Je n'avais pas beaucoup d'argent pour vivre, parce que j'avais postulé pour des bourses d'études en Allemagne, et pas en Autriche, donc c'était la galère. Quand j'ai enfin eu une réponse positive pour une bourse d'études en Allemagne, je suis tout de suite allé à l'Académie de l'orchestre philharmonique de Berlin. Ensuite, je me suis rendu dans une ville qui s'appelle Detmold où j'ai obtenu mon premier diplôme de basson en Allemagne, et puis j'y suis resté presque quatre ans. J'ai poursuivi à Salzbourg pour un diplôme de soliste, et en même temps, je travaillais à Francfort dans un orchestre qui bossait par projets, ce qui me permettait de concilier mes études avec ma vie de musicien.


› Comment es-tu arrivé à Genève ?

J'ai rencontré mon épouse qui étudiait le piano aussi à Salzbourg. Après deux ans dans cet orchestre on s'est demandés où s'installer – deux jeunes gens qui finissaient leurs études – j'ai obtenu le poste à l'Orchestre de Suisse Romande vraiment par hasard, et ça fait maintenant 36 ans que je suis dans l'OSR.


› Tu donnes aussi des cours à la HEM depuis longtemps maintenant...

Quand on travaille dans un grand orchestre comme l'OSR, on est invité à des sessions spéciales, à faire des interventions dans les écoles, à donner des masterclasses. Je suis ainsi allé au Canada, au Japon, en Italie, en Amérique du Sud... On rencontre ainsi beaucoup de monde et les portes de l'enseignement commencent à s'ouvrir. C'est comme ça que depuis 22 ans, j'enseigne à la HEM.

A l’époque où j'ai commencé à y donner des cours, elle s’appelait encore Conservatoire de Genève. Suite aux réformes de Bologne, elle a été divisée en deux, et l’entité juridique/administrative, orientée sur les cours professionnels, est devenue la HEM. L’autre partie, qui donne des cours aux enfants et aux jeunes, a continué en tant que conservatoire de musique.


› Comment jongles-tu entre tes activités de concertiste et celles de professeur ?

En tant que musiciens professionnels participant à des projets externes ou des orchestres, les professeurs n’ont pas le droit d’avoir un poste externe à 100%, donc j’enseigne à temps partiel, mais mon emploi du temps reste chargé. Le taux d’occupation de ma classe varie entre huit et dix étudiants par semestre, et chaque étudiant reçoit 80 minutes de cours par semaine. En ajoutant la préparation et les charges administratives, cela me prend effectivement trois demi-journées d’enseignement par semaine, auxquelles s’ajoute mon travail de musicien professionnel en orchestre. Donc je travaille beaucoup; tout le temps, en fait, mais ce n’est pas le même genre d’effort, et je n’éprouve pas de fatigue mentale à travers l’enseignement. Physiquement par contre, c’est parfois éprouvant, mais je le fais avec plaisir car cela m’apporte beaucoup musicalement et humainement.


› Tu as eu un parcours très atypique et c'est assez fou d'être arrivé à ce niveau de maîtrise et de réussite professionnelle en ayant appris à jouer tout seul un peu par hasard...

Savoir jouer du piano m'a beaucoup aidé. Je pense qu'on y gagne beaucoup d’aisance en tant que musicien car on apprend l'harmonie, la manière d'interpréter un morceau, les bases théoriques sur lesquelles sont fondés les genres et leur expression. Jouer de la clarinette m'a aussi aidé un petit peu, physiquement pour approcher l'apprentissage du souffle et des doigtés. Mais c'est vrai que j'ai eu la chance d'avoir de belles opportunités de travail qui m'ont permis de progresser vite et dans les bons milieux.


› Tu te souviens des bassons sur lesquels tu as joué dans ta vie ?

Le premier basson sur lequel j'ai joué, et qui était dans l'école de ma ville un vieux truc très bas-de-gamme fabriqué en Tchécoslovaquie. Mais pour passer le concours pour le poste de l'orchestre du côté de São Paulo, un ami m'avait prêté un instrument "générique" mais correct, jusqu'à ce que je puisse m'en acheter un avec mon salaire. Ce premier basson que je me suis acheté moi-même, c'était un Schreiber – le moins cher que j'ai trouvé.

Beaucoup plus tard, quand je suis venu en Europe, j'ai joué un excellent Püchner, avec lequel j'ai fait mes études et passé le concours pour l'OSR. Et maintenant je joue un Heckel que j'ai commandé aussitôt après avoir eu le poste à Genève, et que j'ai attendu trois ans avant de recevoir ; j'ai attendu ensuite presque dix ans pour recevoir mon deuxième. Et il paraît que les listes d'attente aujourd'hui sont de seize ans... C'est très long !


› Heckel est effectivement un des meilleurs fabricants, qu'est-ce qui te plaît dans cet instrument ?

Heckel est un fabricant de bassons qui est lié à l'origine des instruments actuels, qu'il a développé en contact avec des compositeurs comme Wagner et Strauss, qui ont directement travaillé avec la maison. Pour ce qui est du système allemand, ce n'est peut-être pas le meilleur, mais c’est un instrument entièrement custom qui me permet d'avoir le plus de possibilités en termes d'exécution au niveau des couleurs et de la flexibilité. Dans un orchestre, je pourrais aussi jouer sur les instruments d'autres fabricants, car on s'habitue à tout. Mais comme soliste, on doit faire ressortir sa personnalité, et j'arrive à développer un son bien meilleur avec mon instrument actuel, auquel je me suis habitué, avec les nuances plus fines, avec une attaque plus franche.


› Tu écoutes quoi comme musique chez toi ?

J'écoute principalement du classique et du jazz. J'aime spécialement les symphonies de Mahler et celles de Wagner, mais je m'intéresse à tout, et mes préférences changent en fonction de mon humeur plus que de mes goûts. En jazz, j'aime beaucoup les choses un peu soft, comme John Coltrane plus que Miles Davis par exemple, et les grandes chanteuses comme Ella Fitzgerald ou Derry Blossom.


› Comment décrirais-tu ton expérience avec Servette-Music ?

C'est une longue histoire. J'ai connu le magasin de musique dès mon arrivée à Genève. J'ai rencontré René Hagmann, qui avait déjà bien sûr l'habitude de travailler avec mes collègues de l'OSR. J'ai eu de la chance tout de suite de nouer une excellente relation avec son équipe de professionnels hautement qualifiés pour les travaux dont j'avais besoin. Pour un professionnel de la musique, c'est une grande chance d'avoir accès à des compétences pareilles en plein Genève.

Quand j'ai besoin d'un avis ou d'un conseil, ou bien d'une réparation, de quelque chose de spécifique pour mon instrument, Servette-Music est l'équipe qui saura répondre à mes besoins, et même aller dans mon sens quand j'ai des idées. Par exemple, j'ai eu un souci avec un tampon un jour avant un concert, et vous avez réparé la défaillance en urgence, ce qui m'a sauvé la soirée. J'ai aussi fait une fois une suggestion pour améliorer le système par lequel on tient l'instrument, et vous avez travaillé dessus pour le faire évoluer. Le travail est aussi toujours impeccable.

A part cela, la collaboration étroite entre Servette-Music et la HEM nous permet d'avoir pleinement confiance quand nous envoyons nos élèves chez vous, puisque Matthieu et René nous consultent régulièrement pour savoir comment nous travaillons, ce que nous pensons de telle ou telle technologie ou d'un instrument en particulier. Comme nous les utilisons en contexte professionnel, nous échangeons dessus, c'est un partenariat pour le bien des élèves et de la musique en général !


› Quels sont les meilleurs souvenirs de ta carrière ?

Ma vie professionnelle musicale a été comme une succession d'expériences musicales un peu toutes plus extraordinaires les unes que les autres. A travers ce renouvellement constant, l'aboutissement c'est un concert, et après un nouveau projet s'enchaîne. C'est très excitant dans ce sens parce qu'on a toujours un nouveau défi, un nouveau chef, un nouveau répertoire. Et même quand on joue la même pièce pour la troisième ou quatrième fois, mais avec des chefs différents, avec d'autres collègues, et qu'on est dans une phase différente de sa vie, on a une autre compréhension de la pièce et de la musique. On ne s'ennuie jamais, on est toujours en mouvement, et l'expérience se renouvelle constamment.

Il n'y a donc pas un moment spécifique qui se distingue, car j'essaye de vivre la vie à chaque instant. C'est ça l'événement. En tant que musicien d'un grand orchestre professionnel en Europe (rires), je vis bien sûr des moments privilégiés, car nous jouons sous la direction de chefs fantastiques. Le répertoire, les pièces qu'on joue, sont aussi bien sûr phénoménaux. Je me souviens de Sanderling, par exemple, d’Armin Jordan aussi, et il y a notre chef actuel, Jonathan Nott, qui est incroyable. Avec lui j'ai énormément évolué dans mon jeu.

Et puis les professeurs s'invitent entre eux au sein des différentes écoles, et cela nous permet de rencontrer la crème de la crème des instrumentistes. On côtoie les meilleurs professeurs, les meilleurs étudiants. On peut ainsi découvrir des talents, et évaluer le niveau de notre école, et je dois dire que nous avons la chance à Genève d'avoir un niveau très, très élevé. Je ne pourrais donc pas dire qu'il y a un jour qui se démarque de tous les autres. Je continue à apprendre, à être étonné, et à jouer avec passion.


› Quels sont tes projets actuels ?

Je prends la vie comme elle vient donc je n'ai pas de projets proprement dits, mais j'aimerais élargir encore mon enseignement, ce qui veut dire faire des voyages plus fréquents. Et avoir plus de temps peut-être pour enseigner dans une université ou une autre école un jour en tant que professeur visiteur, une ou deux fois par semestre. J'aime coacher des jeunes musiciens qui sont en formation professionnelle, on peut gagner beaucoup d'expérience en les aidant.


› Quel conseil donnerais-tu à un.e jeune musicien.ne qui débute au basson ?

D'abord, le basson est l'instrument le plus beau qui existe (rires). Je pense qu'on peut tout jouer au basson de par sa tessiture, son caractère. Il a une sonorité très riche grâce à son anche double. Il est présent à travers toutes les époques de la musique, et il permet d'explorer un univers infini de répertoires et de variétés stylistiques.

Pour un jeune musicien qui choisit le basson – j'en connais de tout jeunes – ce qui est important c'est de cultiver l'amour de l'instrument, et aussi surtout le plaisir de jouer de la musique. Je pense qu'on joue de la musique et d'un instrument en particulier parce qu'on aime ça, et qu'il faut toujours s'en souvenir. C'est la passion qui nous guide. Le reste, comme maîtriser les techniques, devenir pro, donner des cours, c'est des effets secondaires. Au cœur de tout, il y a l'amour de la musique ; ça doit être l'élan vital quand on en joue.


›Bonjour Maxence, tu es batteur professionnel et professeur de batterie à l'ETM. Peux-tu nous parler de ton actualité ?

Le projet avec lequel je tourne le plus depuis une dizaine d'années maintenant est le trio d'un pianiste et très bon ami, Gauthier Toux. C’est un trio jazz piano/contrebasse/batterie, avec Simon Tailleu à la contrebasse. Nous avons sorti notre dernier album "The Biggest Steps" en février 2022. Nous allons faire une réédition en vinyle, que nous vernirons au New Morning à Paris le 8 février prochain avec Emile Parisien au saxophone comme invité, sur laquelle il y aura deux nouveaux morceaux, dont “Why Should We care” qui vient de paraître sur toutes les plateformes.

L'autre actualité, c'est un autre projet, un quartet qui s'appelle Kuma, avec qui nous faisons aussi du jazz, mais sous une forme plus électrique. Il y a Matthieu Llodra au Fender Rhodes, Arthur Donnot au saxophone, et Fabien Iannone à la basse. A la base, c'est le trio de Matthieu avec lequel on a été connu surtout aux "Jam sessions" du Cully Jazz Festival depuis dix ans maintenant. Arthur nous a rejoint en 2016, car il venait jammer avec nous et on a tout de suite kiffé son jeu, donc on lui a proposé d'intégrer le projet. Après avoir sorti deux EPs, nous venons de publier notre premier album "Honey and Groat" en octobre dernier sous le label Rocafort Records à Lausanne, et quelques dates vont suivre.

Avec Ivan de Luca, un bassiste que vous connaissez bien – c’est surtout lui qui est l’initiateur du projet, nous avons monté un groupe de reprises des Red Hot Chili Peppers juste avant le Covid, qui s'appelle “Sex Magic” avec Franco Casagrande à la guitare, et Matthias Nussbaumer au chant.

Je collabore aussi régulièrementIl avec Fanny Leeb et Florence Chitacumbi, deux chanteuses pour qui l’actualité reprendra tout bientôt, sans oublier bien évidemment "The Blakats", le groupe avec lequel nous animons les jams du Chat Noir à Carouge les premiers jeudis de chaque mois avec Matthieu Llodra, Ivan de Luca, Arthur Donnot, Shems Bendali, Bouli, Zacharie Ksyk, Evita Kone, Alice Auclair (la petite nouvelle), et Angelo Aseron. Je suis aussi parfois invité sur des projets comme avec la Fanfare du loup dernièrement, ou André Hahne pour un Tribute à Roy Hargrove dans le cadre du Nova Jazz prochainement.

En parallèle, je suis également professeur de batterie à l’ETM et j'ai vraiment hâte de ce qui nous attend à partir de la rentrée prochaine. J'en parlerai d’ailleurs un peu plus tard.


› Pourrais-tu également nous présenter ton parcours ?

J'ai commencé par les percussions classiques au conservatoire d'Annemasse quand j'étais gamin, après avoir fait de l’éveil musical dans ce même conservatoire. Pendant que j'étais au lycée, je faisais des ateliers jazz là-bas également avec Thierry Giraud, un professeur enseignant le piano au conservatoire d’Annecy. Il y avait aussi Cyril Moulas qui est guitariste et bassiste, quand j'étais là bas.

Après mon Bac, je suis rentré à l'ETM et j'y ai fait ma formation pré-pro. J'ai pris des cours avec Marco Jeanrennaud – un batteur de la scène plutôt blues qui a joué avec Bonnie B. entre autres, puis j'ai pris quelques cours avec Stephan Montinaro (Music Arts Academy).

Je suis ensuite parti au conservatoire de Lausanne (HEMU Jazz) où j'ai fait un Bachelor et un Master pour étudier avec un de mes maîtres, Marcel Papaux. J'ai mis six ans à terminer ce cursus parce que j’ai eu un gros accident au bras droit et que je n'ai quasiment pas pu jouer, ni prendre de cours, pendant une année. Quand je suis sorti de là diplômé, à 27-28 ans, je me suis lancé dans la vie de musicien à plein temps.

Quelques années plus tard, Stefano Saccon, directeur de l’ETM et saxophoniste alto, qui m’a aidé à faire mes armes au début de ma carrière musicale et avec qui j’ai toujours plaisir à jouer lorsque l’occasion se présente, m’a appelé pour faire un remplacement de mon ancien prof, puis m'a engagé en tant que professeur de batterie à l'ETM, où j'enseigne depuis 7 ans.


› Comment t'es tu mis à la batterie ?

Quand j'avais six ou sept ans, j'ai vu un batteur à la télé un soir, et je me suis dit "j'ai trop envie de faire ça." Voilà, c'est tout ce qui m'a donné envie. J'avais la chance d'habiter à la campagne, et j'ai donc pu avoir une batterie à la maison le Noël d'après.


› Tu te souviens de ta première batterie ?

Je me souviens très bien : c'était une New Sound noire – je ne sais pas si ça existe encore – en taille standard, 12/13/16, avec une caisse claire de 14 ; les cymbales étaient fournies avec. Mon père ne m'avait pas pris la grosse caisse parce que j'étais encore trop petit et je ne touchais pas encore les pédales. J'étais minuscule derrière ce truc. Donc j'avais un kit tout ce qu'il y a de plus normal, mais avec une potence où j'avais mes deux toms dessus, et c'est comme ça que j'ai commencé. On jouait en duo avec mon père au piano, et on s'est fait des bœufs père/fils pendant des années tous les soirs comme ça. Mais je ne me suis mis à bosser vraiment l'instrument que bien plus tard.


› C'est venu après ?

Je prenais des cours dans un conservatoire plutôt classique, et je n'étais pas un grand bosseur. J'ai passé énormément d'heures derrière ma batterie, mais à jouer sur des disques, piqués à mes parents, même quand j'étais gosse, mais je n'étais pas très assidu sur le travail technique et ces choses là.

Pour te dire la vérité, je pense que j'ai vraiment commencé à bosser ma batterie au moment où j'ai décidé d'en faire mon métier, et où je me suis orienté vers des études musicales. Donc j'ai vraiment mis le pied dedans après le bac, quand je suis rentré à l'ETM. Avant ça, on me donnait des exercices, mais je ne les bossais pas vraiment. Je passais par contre beaucoup de temps à écouter de la musique, ce qui a certainement aidé à développer mes connaissances.

Mon directeur de l'époque au conservatoire d’Annemasse m'avait dit d'ailleurs que je n'étais pas fait pour la musique, et qu'il faudrait que je pense à faire autre chose "peut être du sport, du tennis par exemple". Un jour, bien des années après, il est venu me voir après un concert, pour me dire qu'il était bien content que je ne l'aie pas écouté (rires).


› Est ce que tu joues d'autres instruments ?

Le seul instrument dont je joue un peu – parce que j’y ai été obligé quand j'ai fait le conservatoire à Lausanne puisque nous devions choisir un deuxième instrument – c’est le piano, et je ne le regrette pas du tout. Je n'ai pas du tout la prétention de me dire pianiste, loin de là, mais je connais les accords, je peux déchiffrer une grille de manière très basique. Je joue donc un peu de piano et je m'en sert pour composer un peu de musique quand j'en ai besoin, mais c'est tout.

J'aimerais apprendre d'autres instruments dans ma vie, mais des instruments auxquels peut- être les gens ne s'attendent pas forcément. Je suis fan de musique traditionnelle irlandaise et il y a dans cette musique un instrument que j'adore, qui s'appelle le Uilleann Pipes, qui est une cornemuse irlandaise. Tu as un soufflet, un sac, et puis ça se joue sur les genoux. Ça, j'aimerais beaucoup un jour apprendre à en jouer.


› Quels sont tes styles de musique préférés ?

Je viens du rock, même du rock assez extrême, limite metal. Adolescent, j’écoutais et j’en écoute encore des groupes comme Korn, Deftones, Limp Bizkit, Lamb of God, Suicidal Tendencies, Slipknot, etc. J'ai été également initié très tôt au jazz par mon père avec John Coltrane, Charlie Parker, Herbie Hancock, Keith Jarret, Chet Baker, ainsi qu’à la “bonne” variété française comme Claude Nougaro, Michel Berger, Bernard Lavilliers, Michel Jonasz, Maurane...

Un style qui me touche le plus et que j'ai découvert avec le temps, c'est ce qui touche à la soul, le R&B, et la funk des années 70-80. J'y suis venu plus tard grâce au jazz, parce que je me suis aussi intéressé à ce que faisaient ailleurs les mecs que j'écoutais. J'ai par exemple découvert Man-Child avec Herbie Hancock comme ça, et ça a été une révolution pour moi. Mais je pense que c'est donc difficile de dire que j'ai un style préféré, parce que j'écoute vraiment beaucoup de choses différentes. Il y a du bon à prendre partout.


› Et tu joues de tout ?

Non, je n'ai pas cette prétention, et puis il y a tellement de styles sur cette planète que ce serait impossible de jouer de tout et de tous les faire bien. Mais j’essaye d’être un musicien le plus complet possible.


› Du reggae ?

Alors, c'est une très bonne question et la réponse est non. Pour moi le reggae est un des styles les plus exigeants, en tout cas au niveau de la batterie. Pour bien savoir en jouer, je pense qu'il faut ne faire quasiment que ça. En tout cas, il faut bosser vraiment très, très sérieusement pour le maîtriser.

J'ai joué à l'époque avec un bassiste et collègue à l’ETM qui s'appelle Stan Breynart, qui avait un groupe de reggae sur Genève,Mosquito, avec Cédric Dunner au chant. C'était de la chanson-reggae francophone, un peu dans la vibe de Sinsemilla. J'ai après aussi joué dans Adubtion avec les frères Tiercy, Manu et Thomas. On faisait un mélange de dub et d'électro. Mais je n'ai jamais été un grand batteur de reggae.

Il y a aussi une autre musique que je ne pratique pas beaucoup, parce qu'elle est structurée par des codes bien précis, et qu'il faut avoir la culture je pense pour savoir bien la jouer, c'est tout ce qui relève de la musique dite, au sens large bien sûr, afro-cubaine. J'ai encore beaucoup à apprendre pour dire que j'en joue vraiment. Je peux faire illusion car j’en connais les bases, mais on a la chance maintenant à l'ETM d'avoir Edwin Sanz (professeur de percussions/batterie) qui est là et je me réjouis de faire des sessions avec lui pour mieux connaître cette musique.


› Quelles sont tes influences majeures ?

Il y en a tellement que c’est dur de faire un choix. Tout d’abord je dirais, Manu Katché. J'aime beaucoup la variété française, et j'ai un peu l'impression d'avoir grandi pendant son âge d'or, dans les années 80, où on avait des artistes comme Michel Jonasz, Claude Nougaro, et où il y avait ces musiciens qu'on entendait et qu'on voyait tout le temps parce qu'ils jouaient derrière les grandes vedettes dans les émissions comme Taratata.

Quand j'ai découvert le live "Uni vers l’Uni" de Michel Jonasz avec Manu Katché, Kamil Rustam à la guitare, Dominique Bertram à la basse et Jean Yves d’Angelo au clavier, ça a été une révélation. Je me souviens l'avoir entendu au bureau de mon père quand je faisais un stage un été. J'ai tout de suite accroché. Je le connais par coeur. J'ai aussi beaucoup écouté Loïc Pontieux, qui jouait avec Nougaro à l’époque où je l’ai découvert, sur sa Sonor Designer bleu-pailleté, et puis Christophe Deschamps, Paco Sery avec Sixun, Stewart Copeland, sans oublier Ringo Starr, qui est pour moi "le plus grand batteur pop jusqu’alors" dans sa manière d’accompagner la chanson, et puis le géant Steve Gadd, qui incarne la classe ultime.

Au niveau du jazz, il y a deux batteurs entre lesquels mon cœur balance tout le temps : Tony Williams et Elvin Jones. Mais comme j'ai toujours été quand même un peu plus sensible à la musique de John Coltrane qu'à celle de Miles Davis, même si il a joué avec beaucoup de batteurs, ça penche un peu plus du côté d'Elvin Jones. J'aime aussi Harvey Mason et Mike Clark, bien sûr, que j’ai découvert avec Herbie Hancock dans sa période groove. Et puis je n'oublierai pas Dédé Ceccarelli et Franck Agulhon – ce dernier est devenu un ami et avec qui j’ai beaucoup appris, et que je remercie pour cela.

Pour finir, j'ajouterais Lars Ulrich, car j'étais très fan de Metallica. Même si ça me fait mal de reconnaître que Lars ne joue vraiment plus très bien en concert, Metallica reste l'un des plus grands groupes de heavy-metal du monde et quand j'ai découvert Lars Ulrich et sa batterie Tama blanche gigantesque, j'étais conquis.


› Quels sont les batteurs que tu écoutes un peu plus en ce moment ?

Il s'agit surtout de batteurs que je découvre ou redécouvre avec mes élèves de l’école, en leur faisant bosser des rythmes, des morceaux, des relevés de solo, etc. En ce moment, ce qui tourne c'est Karim Ziad, Carter Beauford – que j’adore avec Dave Matthews, Vinnie Colaiuta, Ilan Rubin. Michael Bland, qui a joué avec Prince et que j'ai re-découvert récemment grâce à un live de France Gall pour sa toute dernière tournée, sur laquelle elle avait engagé les musiciens de Prince, justement.

Pour la petite histoire, il y a deux lives incroyables – un acoustique et un électrique – tournés aux Zénith de Paris et pour une émission sur M6 à l’époque, et pour la rythmique, c'est Sonny Thompson qui tient la basse et Michael Bland à la batterie. Énorme !


› Parlons un peu de matos. Quelles sont tes batteries préférées ?

J'ai une affection particulière pour Tama. D'abord, c’est la première vraie batterie de bonne qualité que j'ai eue après cette fameuse New Sound quand j'étais gamin. C'était une Tama Artstar noire que j'ai toujours d'ailleurs, et que j'utilise parfois pour des sessions en studio.

Les batteries Tama vont aussi bien dans le jazz, que dans le métal, le funk... Je trouve que ça marche partout, et à plein d'égards. Après, je suis quand même très sensible aux batteries vintage. Maintenant, savoir si j'ai une préférence entre une Gretsch, une Slingerland, savoir si je préfère les américaines ou les anglaises, c'est difficile à dire. Ça dépend des époques, ça dépend de plein de trucs. Mais si je devais citer une marque après Tama, je dirais quand même Ludwig. Ludwig, c’est la classe.


› Qu'est ce qui est important pour toi dans une batterie ?

Pour moi, ce qui est important avant tout, c'est qu'elle soit facile à régler. Il y a des batteries qui sont très, très bien, mais il est difficile de trouver un son tout de suite. Et surtout, il y a des batteries qui supportent un certain accordage et qui n'en supportent pas d'autres. C'est à dire que tu as des batteries qui sonnent si elles sont en low tuning, et d'autres qui sonnent mieux dans des tunings aigus. Et moi, ce que j'aime surtout dans une batterie, c'est qu'elle me permette de faire un maximum de choses. Donc ça demande qu'elle soit facile à régler et du coup polyvalente.

Bien sûr, c'est le batteur qui fait le son de l'instrument – on est bien d'accord – et je pense que c'est pareil sur tous les instruments. On le voit bien à la guitare avec John Woolloff, pour prendre en exemple un grand guitariste qu'on connait bien ici : tu lui mets n'importe quelle gratte dans les mains et il a un son énorme parce que c'est lui.


› Et entre les différentes parties (kit, cymbales, facilité de réglage), quelles sont les priorités ?

Par rapport au style de musique que je joue le plus régulièrement, qui est quand même le jazz, je pense que l'importance des éléments est plus marquée pour les cymbales. Parce que c'est difficile de jouer avec des mauvaises. Avec une batterie même pas terrible, tu peux t'en sortir si tu sais un minimum l'accorder, t'adapter aux défauts, ou même les compenser. Avec des cymbales moisies, c'est clairement plus compliqué, même si tu as une bonne batterie.


› Tu prends donc tes cymbales partout ?

J'ai toujours mes cymbales avec moi, oui. J'en ai des différentes pour m'adapter à tous les styles. D'ailleurs c'est un autre argument en faveur de l'importance des cymbales : tu peux jouer du jazz sur une batterie rock et inversement ; mais c'est compliquer de jouer du jazz correctement sur des cymbales hyper heavy, ou du métal avec des cymbales toutes légères.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Mon expérience avec Servette-Music a commencé quand j'étais élève à l'ETM, mais j'associe Servette-Music à Stephan (Montinaro, NdR), qui était à Music Arts en fait à l'époque... Je trouve que Servette-Music est un magasin super, avec des gens compétents et toujours prêts à aider. Servette-Music prête du matériel aux associations, soutient les artistes locaux, est très investi dans et intéressé par la scène musicale de la région. Et puis en tant que musicien, tu as une équipe toujours arrangeante, de bon conseil pour parler, échanger. Et puis il y a du matos, plein de trucs sur place. Donc pour moi, c'est le magasin parfait.


› Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?

J'en ai beaucoup... Je te les raconte tous (rires) ?


› Quelques uns...

Un de mes meilleurs souvenirs en concert pour le côté complètement loufoque, c'est un remplacement de Marc Erbetta que je faisais avec Erik Truffaz aux côtés Christophe Chambet et Benoît Corboz au Koktebell Festival en Crimée. C'était un festival sur une plage et, pendant le soundcheck de l'après-midi, cette plage était nudiste. On a donc fait un soundcheck devant des gens “à poil” … (rires) … ça n’arrive pas tous les jours.

Un autre grand souvenir, au niveau émotionnel, a été une fois de plus avec Erik Truffaz lors de mon premier remplacement avec lui, à São Paulo. Quand l’album Bending New Corners est sorti, avec Naya qui rappait dessus, c'était un truc qu'on n'avait jamais entendu. On écoutait tous ça dans le local à Monnetier, le village où j'ai grandi, et on se retrouvait les week-ends dans un local pour écouter de la musique, en jouer. Quand c'est sorti, on était comme des fous. Et un beau jour, je me retrouve à São Paulo, à jouer la première note de Bending New Corners. Juste complètement fou.

J'ai aussi un souvenir fabuleux de Jazz à Vienne, dans le Théâtre antique, avec le trio de Gauthier Toux. Parce que Jazz à Vienne dans ce Théâtre antique, quand tu fais du jazz, c'est un peu un de ces trucs que tu vois quand t'es ado, et qui te fait rêver ensuite pour toute ta carrière. On ouvrait la soirée, donc on a joué qu'une demi-heure, mais c'était un souvenir magique, vraiment je m’en souviendrais à vie de cette sensation, de monter sur scène dans ce théâtre rempli de passionnés.

J'ai également un excellent souvenir de mes premières tournées, car c’était vraiment la première fois que je prenais la route avec un band, j’étais fier et honoré qu’il m'ait fait confiance et c’était avec Métal Kartoon. J’avais fini l’ETM comme élève, je commençais tout juste l’HEMU à Lausanne et je me suis retrouvé à jouer avec Ivan Rougny et Christophe Godin, mes idoles de l’époque ainsi qu’aux côtés d’un super musicien, complètement fou dans le bon sens du terme, punk dans l’âme, qui est malheureusement décédé il y a un an et demi – Jérôme Ogier. Il était aussi prof de chant à l'ETM à l’époque où j’étais élève, très bon violoniste, un vrai clown à la Charlie Edwards, complètement déluré, ultra talentueux. Qu’est ce qu’on a ri...

Et puis j'en ai tellement avec Matthieu Llodra, mon ami et compère de scène depuis 14 ans maintenant... Il te reste de quoi prendre des notes (rires) ?


› En fait tu as aimé chaque moment de ta carrière...

Oui, même les galères. Ce sont aussi – et surtout – elles qui nous font avancer, je crois...


› Et pour les compos, ça se passe comment chez Maxence Sibille ?

Il y a six ou sept ans, l'AMR m'avait proposé une carte blanche. C'était une période où je jouais beaucoup, et je l'ai tout d’abord refusée parce que je n'avais pas le temps, et je ne me voyais pas la faire, honnêtement. Et puis quelques mois après, ils m'en ont proposé une deuxième. Là, j'ai su que je ne devais pas la laisser passer, parce qu'ils n'allaient pas me faire la proposition une troisième fois.

J'ai donc appelé Mathieu Llodra au Rhodes, Gauthier Toux au piano, Valentin Liechti qui est un super batteur, producteur et ingénieur du son, et un très bon ami également, aux machines, un trompettiste polonais que j'avais rencontré il y a quelques années, Tomas Dabrowski, et un bassiste – un super bassiste qui est sur Paris – qui s'appelle Julien Herné.

C'était une carte blanche, mais je me suis dit qu'il fallait quand même que je compose de la musique, pour ne pas faire que de l'impro. Je me suis mis au piano, j'ai trouvé des idées, très inspirées par l'aspect fortement mélodique de la musique des années 80, et en tâtonnant, des mélodies, des progressions d'accords, par-dessus lesquelles je chantais un peu. Les autres membres du projet m'ont fortement aidé à finaliser ensuite ces compositions, et on les a arrangées tous les six. C'est mon expérience de compositeur, elle m’a beaucoup plu et a donné naissance à ce groupe, Seed, avec lequel nous avons un album dont je suis très fier..


› Seed existe toujours ?

Oui bien sûr, même si comme je ne suis pas un grand champion en termes de booking et que nous avons tous des agendas bien chargés, nous ne jouons pas beaucoup. La formation a un poil changé, puisque nous comptons parmi nous désormais Zacharie Ksyk à la trompette et notre “colonel” à tous, Christophe Chambet, donc il faudra bien qu’on enregistre un prochain album un de ces jours.


› Quels sont les projets qui t'animent pour l'avenir ?

Avec le trio de Gauthier, la pédale est enclenchée donc je ne peux que souhaiter que celà dure le plus longtemps possible. J'aimerais vraiment que ça se développe avec Kuma parce que c'est un projet qui me tient également très à cœur. On est tous fans du Japon dans ce projet – d'ailleurs, Kuma, ça veut dire "ours" en japonais – donc ce serait une vraie consécration un jour de faire une tournée là-bas. Et puis, il y a une chose qui me trotte toujours dans la tête, ça serait de faire un jour une tournée de variété. Une tournée en "tour bus", sur les routes, pour des successions de dates, c'est un truc que j'aimerais bien faire une fois dans ma vie.

Sur le plan de l’enseignement, continuer à m’investir pleinement au sein de l’ETM, d’autant plus que la future école ouvrira ses portes dès septembre prochain dans les anciens locaux de la RTS. Ça va être un pôle musical très important pour la ville de Genève, avec une infrastructure à la pointe de la technologie, deux salles de concerts pouvant accueillir tout autant de la musique classique, comme du metal, de l’électro, du jazz et j’en passe. Il y aura des salles magnifiques, des studios de répétition et d’enregistrement bien équipés... Tout sera réuni pour faire de la musique dans les meilleures conditions, et je me réjouis de ce nouveau chapitre initié par Stefano Saccon, notre directeur.


› Quel conseil donnerais-tu à un.e jeune débutant.e à la batterie ?

Tout d’abord, mon conseil est de prendre du plaisir. La musique, c'est un plaisir avant tout, et il faut jouer tout ce dont on a envie, même si on est juste débutant.

Ensuite, il faut être curieux. Je pense qu'il faut vivre avec notre temps bien sûr, mais qu'il faut aussi s’intéresser à ce qui s'est fait par le passé – les anciens, quoi... Je trouve super d'être dans les tendances de ce que font les artistes actuels, et je le revendique, mais il ne faut pas oublier ceux qui étaient là avant nous, et les chemins qu'ils ont empruntés. Il faut fouiner, il faut aller écouter, sur disque, en live, il faut aller lire, se documenter...

Et puis il faut aussi être patient. On n'est jamais arrivé, on apprend toute notre vie, peu importe notre niveau. C'est pour ça qu'il faut sans-cesse "travailler son clou" ; le reste suivra.



›Bonjour Joshua, merci d'avoir accepté de répondre à quelques unes de nos questions. Pour te présenter à nos lecteurs et lectrices, peux-tu nous parler de ton parcours musical ?

Je suis saxophoniste professionnel, né en Australie, où j’ai grandi dans une communauté de 70 personnes au milieu de nulle part avant de retrouver des villes plus grandes pour mes études. J’ai commencé la musique par le piano, car ma mère est pianiste amateure, donc elle m’a poussé à cela. J'ai ainsi commencé par le piano et la flûte à bec, et puis par le chant à la chorale, la théorie musicale… Et puis quand j'ai commencé ce qu'on appelle l'école secondaire, il m’a fallu choisir un instrument à vent. J'ai choisi le saxophone, sans grande raison, à vrai dire.

Nous avons appris un peu en groupe et puis assez rapidement, j’ai eu un prof particulier. J'ai commencé à jouer avec l'orchestre de jazz de ma ville aux côtés de mon professeur quand j'avais treize ans. Et puis au fur et à mesure de mon cursus scolaire, le département de musique est un peu devenu un refuge pour ceux qui faisaient de la musique. Là où j'ai grandi en Australie, c'était essentiellement le foot australien qui dominait. Et du coup, quand on ne jouait pas au foot, on allait se planquer dans le département de musique. C’est comme ça que j'ai appris le saxophone bien sûr, mais j’ai aussi fait de la flûte, de la clarinette, de la guitare… On formait des groupes de jazz, de classique, tout ce qu'on pouvait en fait, en jouant les uns avec les autres. Ensuite, à quinze ans, j'ai commencé à travailler, et je jouais du piano dans des restaurants, des bars, je jouais le week-end, tous les vendredis et samedis soir. Je jouais aussi dans les mariages, des fêtes, bref, je saisissais toutes les occasions de jouer de la musique avec les autres.

Puis quand j’ai fini l’école est venu le moment de décider ce que j’allais faire pour la suite. J'ai voulu faire de la musique, et au final il n’y avait pas de choix à faire, puisque j’en faisais déjà ! J’ai déménagé et je me suis installé à Melbourne. Il y avait une école dans laquelle je voulais vraiment entrer, une sorte d’équivalent du conservatoire supérieur ici. J’y ai posé ma candidature en piano/jazz, saxophone/jazz, et puis aussi saxophone/classique, parce que mon prof m’avait convaincu que ce serait une bonne idée. J’ai donc préparé les trois concours d’entrée, et je n’ai été pris dans aucune de ces filières. Je me suis alors dit “bon, je vais aller ailleurs faire du jazz”, parce que à cette époque-là, je voulais vraiment être un musicien de jazz.

Mais ensuite j’ai reçu un appel disant que la personne devant moi s'était désistée, et que je pouvais donc entrer pour un cursus de saxophone classique. J'ai accepté avec plaisir, en gardant en tête l’idée de switcher vers le jazz au semestre d’après, ou l’année suivante, puisque c’était dans la même école. Je suivais aussi des cours de jazz en parallèle, mais je me suis finalement beaucoup éclaté en classique, les professeurs étaient incroyable et je me retrouvais à être un des rares saxophonistes.

Je faisais partie d’un groupe de musiciens qui étaient tous très motivés et j'étais très pris dans le truc. Pendant mon bachelor, j’ai pris des cours de jazz, j'avais des groupes de jazz et je jouais autant que possible, gagnant ma vie en jouant du piano. J'accompagnais des chorales, des instrumentistes, et je jouais toujours dans les restaurants…

Un jour, mon professeur à l’époque, Barry Cockroft, que certains connaissent peut-être, m'a dit que ce serait bien pour moi d’aller étudier ailleurs. Je lui ai demandé où, et il m'a dit “moi j'étais à Bordeaux, tu peux aller là-bas”. J’étais d’accord en pensant faire ça l’année suivante, mais il a insisté pour que je parte cette même année. Je crois que c'était une discussion que nous avions eue en février ou mars, et six mois plus tard, je suis arrivé à Bordeaux. C'était une expérience incroyable, j'apprenais énormément avec Marie-Bernadette Charrier, saxophoniste et directrice artistique du l’ensemble de musique contemporaine Proxima Centauri. Elle jouait beaucoup, et enseignait le saxophone et la musique de chambre contemporaine au Conservatoire. Ça a toujours été un modèle pour moi, car elle mène sa carrière, joue professionnellement des choses très intéressantes, et elle transmet ça dans ses cours. Il y a un vrai sens à son enseignement et j'ai appris énormément avec elle.

Mais en France, je n'avais pas le droit de faire plusieurs choses. Moi qui étais saxophoniste et pianiste, qui jouait du jazz et du classique, j'avais compris assez vite que ça n’était pas très bien reçu. Si tu disais “ je fais ça, et ça, et ça” on ne te prenait pas au sérieux. Donc à partir du moment où je l'ai compris, je me suis concentré sur le saxophone classique et contemporain. Je n'ai pas encore aujourd’hui délibéré sur la question de savoir si c'était une bonne chose ou une chose moyenne, mais je suis convaincu que ce n’était pas une mauvaise chose (rires).

J’ai donc étudié deux ans chez Marie-Bernadette au CRR de Bordeaux. J’ai ensuite décidé d’aller à Paris pour étudier avec Vincent David au Conservatoire de Versailles. Mais juste avant, en été 2010, je suis allé pour la première fois au festival de Darmstadt en Allemagne, qui est un événement dans lequel se retrouvent une année sur deux les musiciens de musique contemporaine du monde entier. J’y ai rencontré plein de monde. J'avais déjà fait pas mal de musique contemporaine avec de nombreux musiciens, mais là, j'ai rencontré des gens qui étaient vraiment tous dans le même esprit. J’ai notamment rencontré Paolo Vignaroli, flutiste italien qui vivait à Paris, et nous avons fondé un ensemble de musique contemporaine, soundinitiative, en 2011, dont j’ai été co-directeur artistique pendant dix ans.

J’ai recommencé à faire plusieurs choses en même temps à partir de là, et je ne vais pas tout citer ici, mais pendant que j’étudiais chez Vincent David j’ai gagné le Concours de International de Saxophone "Jean-Marie Londeix", puis je suis rentré au Conservatoire Supérieur de Paris (CNSMDP). Parallèlement à ça, je travaillais beaucoup pour développer soundinitiative, trouver une identité, un répertoire, et gérer l’organisation qui va avec tout ça… Au CNSM j’ai fait un Master d’interprétation en saxophone, en musique de chambre et un diplôme d’improvisation, une fois mon cursus terminé, soundinitiative avait pris de l’envergure et je suis donc resté en France où j’ai enseigné le saxophone en région parisienne. Puis j’ai été appelé par le Conservatoire Royal de Bruxelles, où j’ai été assistant pendant deux ans dans la classe de saxophone d’Alain Crepin, j’ai ensuite enseigné à l’Académie de Musique et des Arts du Spectacle (MDW) de Vienne et à l’Université des Arts (KUG) à Graz en Autriche pendant quelques temps, avant de rejoindre et de diriger la classe de saxophone à la HEM ici en Suisse en 2020.


› Peux-tu nous dire quelques mots sur cette institution qu’est la HEM ?

La Haute école de Musique de Genève est née du conservatoire de Genève, qui est l’une des plus anciennes institutions musicales de Suisse, suite aux réformes de Bologne. Il a fallu mettre en place un système d’études supérieures en Suisse, et sous la direction de Philippe Dinkel, la HEM a été formée.

Nous avons bien sûr un concours d’entrée, qui s’est fait par vidéo depuis le COVID. S’ils sont admissibles, les étudiants ont alors un entretien avec le professeur et des membres de l’équipe pédagogique. Il me semble d’ailleurs que la raison principale pour laquelle les élèves rejoignent une école de musique réside dans la qualité du corps enseignant, et les professeurs de la HEM sont des professionnels très pointus.

En ce qui me concerne, j’enseigne le saxophone et la musique de chambre contemporaine. Nous avons actuellement 9 saxophonistes entre le Bachelor, Master de Concert (interprétation) et le Master de pédagogie. Le côté international de la HEM est très développé, et j’ai actuellement des élèves suisses, français, espagnols, et chinois. Nous sommes ouverts sur le monde à travers des projets d’envergure internationale en orchestre et en musique de chambre. Nos élèves sont supers, et ils ont un niveau souvent très élevé, qui me pousse à continuer d’apprendre et de travailler l’instrument de mon côté !


› Quel était ton premier instrument ? Et ton premier saxophone ?

Mon tout premier instrument a été la flûte à bec, quand j’allais à l’école, qu’un monsieur venait enseigner. Comme je te l’ai raconté, j’ai grandi dans un village minuscule au milieu de nulle part, quelque chose qui n’existe plus du tout en Europe, et nous avions des personnes qui venaient des alentours pour donner les cours. Je me souviens qu’il avait des flûtes de toutes les tailles, et nous formions un ensemble avec des sopranos, des ténors…

Ensuite, quand je suis commencé le saxophone, j’ai joué sur un Buffet Crampon Evette, un modèle d’étude. Quelqu’un l’avait laissé tomber et il avait une bosse sur la culasse. Ensuite, j’ai acheté mon premier saxophone, c’était un Keilwerth EX90, de la gamme intermédiaire.


› Que t’apporte le fait de jouer d’autres instruments ?

Jouer du piano m’apporte beaucoup de choses très importantes : l’harmonie, la visualisation de la musique… Au saxophone, tout est vertical, on n’a pas de vision globale de l’harmonie, de l’endroit où on se situe dans l’accord. Au piano, on a tout devant soi sur un clavier. Personnellement, je me suis toujours senti plus pianiste que saxophoniste, même si je suis moins bon au piano. J’ai passé tellement de temps à en jouer, à improviser, à travailler, à comprendre la musique à travers le piano que finalement, je me sens à la maison devant cet instrument. J’accompagne donc mes élèves durant les cours quand notre pianiste Marie n’est pas là. On ne peut pas vraiment jouer les musiques seul.e au saxophone, puisqu’on ne peut jouer qu’une note à la fois, donc c’est aussi très utile de pouvoir apporter cela aux élèves.


› Quels sont tes styles de musique préférés ?

C’est une question que l’on me pose souvent, et je dois dire que j’ai beaucoup de mal à répondre, car quand on est interprète, la musique que l’on préfère doit être celle que l’on est en train de jouer. Il faut savoir s’engager à fond dans la musique que l’on interprète pour convaincre le public. A titre personnel, j’aime presque tous les styles, spécialement la musique classique romantique, et le jazz, que j’écoute et dont je joue depuis longtemps.

Au fond, je n’aime pas écouter la même chose tout le temps, et j’ai besoin de découvrir de nouvelles choses, ce qui me pousse à m’ouvrir constamment à de nouveaux styles, à des musiques issues de différentes cultures. J’ai eu des périodes au cours desquelles je me suis moins senti inspiré par mon saxophone, et grâce au fait que je voyage beaucoup pour mon métier, j’ai souvent l’occasion d’acheter des instruments spécifiques à la culture des endroits que je visite. J’ai un mur à la maison avec toutes les flûtes que j’ai acquises avec le temps, et de les jouer me permet parfois de prendre un nouveau souffle.


› Quelles sont tes influences majeures ?

J’ai bien sûr été énormément influencé par mes professeurs : Claude Delangle, dont j’ai beaucoup écouté les enregistrements quand j’étais jeune, Vincent David, et Marie-Bernadette Charrier. Pour le saxophone classique et l’approche générale de l’instrument, je pense que ce sont mes trois influences principales. Je suis aussi très influencé par mes collègues musiciens, car on apprend beaucoup quand on joue ensemble avec d'autres. Les compositeurs avec lesquels j’ai eu la chance de travaillé m’ont aussi appris énormément. Mes collaborations avec Mauricio Pauly, Sam Salem, Michelle Lou, Santiago Diez-Fischer en particulier m’ont apporté beaucoup de choses musicalement, notamment dans l’utilisation des nouvelles technologies pour créer une musique vraiment actuelle, aux frontières de la musique électronique, de la musique contemporaine et de l’ambient. C’est d’ailleurs là que se situe mon univers en ce qui concerne la composition, il me semble.

Pour le jazz, j’ai toujours été attiré par des musiciens à la recherche, qui essayaient de nouvelles choses, des gens chez qui on entend à travers leurs œuvres une quête qui les a conduits à évoluer sans cesse. Des musiciens comme Miles Davis, qui s’est toujours réinventé, John Coltrane bien sûr, John Zorn… Cette recherche d’innovation c’est une part essentielle de ma manière d’aborder la musique.


› Quels modèles de saxophone joues-tu aujourd’hui ?

Je suis comme un enfant à Noël en ce moment, car j’ai un nouveau saxophone Selmer Supreme alto brossé. Je n’avais pas eu de nouveau saxophone depuis longtemps, et je suis vraiment ravi avec cet instrument magnifique. A part cela, je joue sur des Selmer Série III, mais je suis passé sur le nouveau modèle d’alto car cela faisait 20 ans que je jouais sur mon instrument, qui a fait le tour du monde plusieurs fois, et j’avais besoin de changer.

Avec le Supreme, qui est le fruit d’une importante recherche de la part de Selmer, je retrouve un instrument qui est très facile à jouer, et qui se révèle encore plus intéressant quand on lui “rentre dedans”. C’est une des grandes qualités des saxophones de Selmer à mon avis : il est toujours possible de trouver le son que l’on recherche avec leurs instruments. Avec le Supreme, je peux jouer du classique, du jazz, de la musique contemporaine, tout en fait, et avec beaucoup d’aisance. J’ai donc hâte de voir le ténor et le soprano Supreme quand ils sortiront.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Les deux grandes choses que j’apprécie particulièrement sont l’accueil et la richesse du stock. J’ai toujours été très bien accueilli, par une équipe compétente, et j’ai toujours trouvé ce dont j’avais besoin. On n’a pas la chance dans toutes les villes d'avoir accès à un magasin aussi bien fourni en instruments et en accessoires, qu’il s’agisse de saxophones, de becs, d'anches…


› Peux-tu nous présenter tes projets musicaux actuels ?

Il y a d’abord la compagnie soundinitiative, que j’ai mentionnée auparavant, et qui fait de la musique contemporaine en mêlant la danse, le théâtre, le mouvement. Nous essayons de vraiment investir l’espace de le mettre en résonance par la musique et le mouvement. Sinon je joue aussi avec un très grand percussionniste à Montréal, Noam Bierstone, au sein d'un duo qui s'appelle scapegoat mais aussi en plus grand effectif. Nous avons sorti un album avec le groupe No Hay Banda il y a deux mois. C'est de la musique expérimentale, contemporaine, qui intègre de l’électronique, avec par exemple des pédales d’effet pour créer des ambiances sonores particulières. Je joue aussi avec un groupe de musique contemporaine en Australie, qui s’appelle Elision, qui fait de la musique très contemporaine, très complexe, et j’ai un groupe de musique électronique improvisée qui s’appelle Replicant avec un guitariste slovène génial, Primoz Sukic. Je joue aussi de la musique classique avec Antoine Alerini, pianiste français. Il m’arrive aussi de jouer avec la Fanfare du Loup ou bien l’ensemble Contrechamps, et enfin, je joue aussi à Musikfabrik à Cologne lorsqu’ils ont besoin de saxophone. Ça m’occupe pas mal (rires).


› Quel est ton meilleur souvenir en tant que musicien ?

J’ai été invité un jour à créer un nouveau concerto avec le Thailand Philharmonic Orchestra en tant que saxophone soliste pour l’anniversaire du roi de Thailande, qui était lui-même saxophoniste. C’était un grand moment.


› Tu es interprète, mais tu crées aussi de la musique toi-même ; dans quel(s) style(s) exprimes-tu ta créativité ?

Je compose des pièces très contemporaines, de la musique atmosphérique, et d’une façon générale, de la musique expérimentale. Je fais aussi quelques arrangements, comme pour l’ensemble de saxophones de la HEM. J’ai composé pour de la danse, des musiques de concerts, ou des musiques plus électro/ambient.


› Pour l’avenir, quels sont les grands projets qui t’animent ?

Avant de venir en Europe, j’étais dans plusieurs mondes différents : piano, sax, jazz, classique. J’ai fait mes études en classique comme il faut, à la parisienne j’ai le tampon “musicien classique” du conservatoire supérieur de Paris, j’ai gagné des concours internationaux, bref : j’ai fait mes preuves. J’essaie maintenant de trouver une façon de réinviter l’autre aspect de mon élan musical, l’improvisation et le jazz. J’ai des projets de création, plutôt jazz, et je compte écrire un album pour trouver ma voix personnelle. Mais bon, comme tu le sais, trouver sa voix, c’est le projet d’une vie.

J’ai aussi ce projet qu’on m’a offert de réaliser à la HEM, qui est celui d’une classe de saxophone qui produira des saxophonistes de qualité à Genève et au-delà. Il ne s’agit pas seulement de former une promo, mais d’insuffler une dynamique et un esprit qui perdureront. Accompagner ces jeunes musiciens dans leur apprentissage et dans leur carrière ensuite, c’est un travail de longue haleine, qui se développe sur trente ans, et ça me passionne.


› Quel conseil donnerais-tu à un.e jeune musicien.ne qui débute au saxophone ?

Être musicien, c’est savoir écouter. Il faut écouter, écouter, et écouter. Et après ça, il faut écouter encore. Cela veut dire aller à des concerts, et nous avons de la chance car ici à Genève, il y a des concerts de grands artistes presque toutes les cinq minutes, entre l’AMR, l’ETM, ou les grandes salles comme le Victoria Hall. Il y en a pour tous les goûts, on peut écouter facilement de la bonne musique ici. Après avoir beaucoup écouté, il faut passer chez Servette-Music, acheter un instrument, trouver un bon professeur, et se mettre à travailler !

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› Bonjour Manuel, tu es professeur de guitare classique à l’école internationale, peux-tu nous présenter ton parcours à nos lecteurs ?

Je pense qu’à la base de mon voyage musical, il y a le fait que ma mère jouait de la guitare et me chantait des chansons. Ma passion pour la musique s’est aussi beaucoup du voyage, car nous avons quitté le Chili quand j’avais deux ans, et j’ai été confronté à des cultures très différentes assez tôt. Au Kenya, j’ai appris à jouer de la guitare avec une vieille guitare et deux albums des Beatles. Il n’y avait pas de profs, j’avais seulement un oncle qui savait jouer, et qui nous rendait visite, et un collègue de ma mère dont j’essayais d’absorber toutes les connaissances.

Arrivé à Genève à quinze ans en 1987, les possibilités se sont ouvertes pour moi. J’ai trouvé des profs, j’ai pu acheter des disques, et j’ai commencé à m’intéresser à l’écriture musicale, à acheter et à écrire des partitions. J’étais en grande partie autodidacte, et peut-être du fait d’avoir été très limité durant ma vie Kenya, j’ai toujours su apprendre beaucoup de choses à partir de peu de ressources. Ma musicalité s’est aussi beaucoup nourrie de la rencontre avec des personnes qui avaient des cultures différentes. Comme j’étais élève à l’école internationale, je rencontrais là-bas des gens très différents. Mes amis venaient de partout, ce qui m’a permis d’être exposé à leur culture, et leur approche de la musique.

J’ai eu un prof privé au départ, et puis j’ai ensuite suivi des cours au Conservatoire populaire, et après au Conservatoire. J’ai passé des concours, et c’est une période au cours de laquelle j’ai beaucoup progressé. De 1997 à la moitié des années 2000, j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de guitaristes pour la plupart bien meilleurs que moi. Nos échanges en travaillant avec eux m’ont beaucoup appris.


› Quels sont tes styles préférés, à jouer ou à écouter ?

En ce moment je suis attiré par tous les styles de musique. Il y a ce que je peux transformer en langage classique à travers mon instrument, mais tous les styles de musique essaient de raconter une histoire, de décrire un scénario ou un feeling. En tant qu’interprète, c’est mon rôle de mettre cela en lumière, de le montrer et de le transmettre au public de la façon la plus intelligible et claire possible. Ça m’intéresse donc toujours d’écouter toutes les musiques, ne serait-ce que pour comprendre ce qu’elles disent. Sinon, personnellement, j’écoute bine sûr beaucoup de classique, de l’opéra, mais aussi la radio, et un éventail très large d’artistes. Parfois, c’est AC/DC qui accompagne le mieux un moment, parfois c’est Chopin…


› Pourquoi et comment t’es-tu mis à la guitare classique ? Quel était ton premier modèle ?

Ma mère jouait de la guitare. Elle s’accompagnait avec, principalement, mais elle jouait aussi quelques morceaux classiques, comme Jeux interdits ou Greensleeves. Comme ça m’attirait, elle m’a appris mes premiers accords, mes premières mélodies, Jeux interdits, aussi. Je crois qu’on avait commencé par ça. Elle trouvait que j’avais pas mal de facilité, donc elle m’a encouragé. Donc ma première guitare était celle de ma mère. Elle n’avait pas de nom, et elle était de très mauvaise qualité. Mais plus tard nous avons eu un modèle Yamaha, qui nous paraissait très bien mais qui n’était pas formidable non plus en fait, car elle avait un timbre assez sourd. Mais ça, ce sont des choses qu’on découvre après…


› Quelles sont tes guitares préférées ? Sur quels modèles joues-tu en ce moment ?

Pour les guitares, c’est comme pour les styles : j’aime un peu tout. Tu sais que les luthiers plaisantent entre eux et disent qu’il n’y a pas de mauvaise guitare, seulement de mauvais guitaristes (rires) ? Mais c’est vrai que certaines guitares se prêtent plus que d’autres à certaines occasions. Tout dépend de ce dont on a besoin. Parfois c’est d’une guitare au timbre intimiste, parfois on a besoin d’un instrument puissant. On peut rechercher une certaine couleur, ou une certaine personnalité plutôt qu’une autre…

En ce moment, je joue sur une Hanika Grand Konzert qui me convient très bien. Elle est très puissante, et elle a un charme, une couleur, une chaleur qui me plaisent beaucoup. Le son est très équilibré entre les aigus, les mediums et les basses. Elle matche, tout simplement. Pour les enregistrement, j’aime énormément les guitares d’un luthier italien. J’aime aussi les guitares de Steven Connor, un luthier du Massachusetts qui utilise des bois vraiment magnifiques et répond à des demandes custom. Mais le problème avec ça, c’est qu’on risque d’attendre trois ans pour une guitare qui ne nous plaira quand même pas une fois qu’on la jouera (rires). J’ai aussi une guitare japonaise qui n’avait pas un son très puissant, mais un timbre et une brillance magnifiques.


› Est-ce que tu joues d’autres instruments ? Si oui, lesquels ?

Je me suis mis au violon, il y a maintenant dix ans. J’ai pris des cours, même si j’ai travaillé un peu tout seul aussi. Je progresse, je joue des études, et j’avance é mon rythme. C’est pour moi surtout un outil de travail en tant que guitariste. Il est possible de ressentir le geste musical d’une manière qui l’enrichit quand on le joue à la guitare comme on le ressent avec le violon : le vibrato, prolonger une note… C’est aussi un excellent exercice pour travailler l’indépendance des mains, parce je mouvement pour produire le son est différent. A la guitare, les mains sont toujours en contact avec les cordes, ce n’est pas le cas au violon. Et puis elles peuvent devenir un peu statiques, alors que sur un violon, on est obligé de bouger beaucoup.

J’aime jouer du violon pour me donner une bouffée d’air frais. Cela me sert à améliorer ma musicalité en général. J’arrive à repérer des concepts, et à appliquer ce que je sais déjà pour avancer, donc ça me donne confiance. Mais je ne serai jamais un grand violoniste.


› Qu’est-ce que tu recherches dans une guitare classique ?

En ce moment je cherche à jouer plus de concerts, donc je préfère une guitare qui a de la projection. Il faut qu’elle sonne loin, qu’elle puisse être entendue au fond de la salle. Après, j’aime retrouver une certaine couleur dans le son, et je veux qu’il soit bien équilibré. La guitare classique se prête énormément au contrepoint, et il faut que le son soit clair et défini. C’est peut-être même plus important que la couleur. Je préfère le cèdre d’ailleurs à cause de ça, même si l’épicéa a un son magnifique, parce qu’il donne quelque chose de plus articulé. La brillance de l’épicéa est superbe, mais le cèdre sera quand même plus structuré, surtout au niveau des mediums.

On m’a aussi récemment prêté une Hanika Torres, une double top hybride avec une partie de la table en cèdre et une autre en épicéa. Le son était extraordinaire, et j’ai été très séduit par cet instrument. Je l’ai comparé à d’autres modèles, comme une Lattice, ou une guitare avec une table en épicéa, mais ça ne lui arrivait pas à la cheville. J’ai eu beaucoup de plaisir à jouer sur cette guitare, surtout dans les cadres intimes, autour dune table avec quelques amis. Mais je n’ai pas encore trouvé une double top convaincante au niveau de la projection du son pour les concerts. C’est toujours un peu comme ça avec les guitares, il faut faire des compromis.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Je me suis souvenu ce matin que ma première guitare sérieuse venait de Servette-Music. On avait la Yamaha dont je t’ai parlé en venant du Kenya. Comme j’ai rapidement joué dans beaucoup de projets et qu’elle trouvait que j’avais du talent, ma mère a investi dans un modèle un peu meilleur, une Espala, qui n’avait pas beaucoup de projection mais une chaleur incroyable, et à cette époque c’est ce qui m’attirait le plus… Elle coutait 1800 Francs, et pour moi c’était un instrument magnifique. Depuis, je suis souvent venu au magasin pour essayer des guitares, voir les nouveautés. Je me souviens avoir été intéressé par les Lowden classiques à un moment, mais ça ne me convenait pas. Je trouvais que les basses était trop présentes par rapport à une Torres traditionnelle. C’était une guitare puissante, avec un caractère distinct, juste pas pour moi.

J’ai continué à venir chez Servette-Music pour acheter des cordes, des choses comme ça. Et un jour je suis tombé sur cette Grand Konzert. Sergio me l’a prêtée dix jours, et je l’ai gardée.


› Peux-tu également nous présenter ton actualité musicale ?

Là je travaille sur le lancement d’une chaîne Youtube, dont les contenus seront partagés sur les réseaux sociaux. Il existe déjà du monde qui enseigne la guitare classique, et qui sont plus ou moins orientés sur la pédagogie ou la résolution de problèmes spécifiques, mais je trouve que c’est toujours un peu la même chose. Je vais proposer des études, par exemple, bien filmées, bien enregistrées, é travers lesquelles je montrerai mes solutions pour aborder un passage technique, et amorcer des échanges en réalité. Cette chaîne n’a pas pour vocation d’être monétisée. Le but est vraiment juste de créer un environnement de partage de la culture de la guitare classique, d’astuces et d’approches techniques.

En termes d’interprétation, je joue avec un pianiste, ce qui est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai besoin d’un instrument qui sonne fort, et j’ai un autre duo de musique de chambre avec un violoniste. Je joue aussi bien sûr également des récitals en solo, principalement en Suisse. L’enseignement me laisse peu de temps pour travailler cet aspect, mais l’été j’arrive à dégager du temps. et je maintiens donc constamment un répertoire pour pouvoir saisir les opportunités qui se présentent.


› Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?

Oh, j’en ai beaucoup. Les meilleurs souvenirs sont souvent ceux des moments autour d’une table avec des amis musiciens, où on se sent absolument libre dans l’expression pour produire un récital exigeant. Sinon, j’ai joué un jour un concert à Neuchâtel devant un public de 600 personnes, et ça m’a beaucoup marqué. Le régisseur m’a montré la salle pleine avant de monter sur scène, et moi qui n’avait jamais joué devant autant de monde, j’ai eu pas mal le trac. Et finalement, une fois sur scène, c’était presque plus facile de jouer devant ce mur de monde que devant seulement dix personnes qui se tiennent là, juste devant moi.


› Comment l’enseignement de la guitare classique a-t-il évolué avec internet selon toi ?

J’ai l’impression qu’avec internet, les élèves sont beaucoup plus sollicités par d’autres choses pour lesquelles ils ont de l’intérêt. Ils sont facilement distraits, et il est plus difficile de les focaliser ou de les motiver à se concentrer sur le fait de jouer de la guitare. C’est peut-être un peu dommage mais en même temps, en tant qu’enseignant, j’aime bien connaître mes élèves et savoir à quoi ils s’intéressent. Je valorise leurs efforts dans d’autres disciplines, comme le foot ou autre chose, et je mobilise cette énergie pour les aider à progresser à la guitare. J’utilise des analogies simples, comme de comparer les doigts de la main aux membres d’une équipe qui communiquent, anticipent les gestes les uns des autres, se passent le ballon, des choses comme ça… Je remarque que ça leur parle vraiment, et que ça les aide à se reconnaître dans leur pratique musicale, qui devient une source d’expression pour eux. Ça semble permettre de faire plus de place à la musique, paradoxalement.


› Quels sont les conseils que tu donnes aux guitaristes débutants ?

Qu’on débute ou qu’on soit professionnel, je pense que l’essentiel est d’avoir du plaisir à jouer. C’est vrai qu’il y a un coté sérieux et que parfois, il faut souffrir un peu pour que ça devienne plus facile après. Mais ce qui est important c’est de partager la musique avec les autres, et d’aimer en jouer.

C’est facile à dire comme ça, mais il faut trouver les outils qui aident à le faire : les gens, les répertoires, et le travail pour maîtriser les techniques qui donnent du plaisir quand on les exécute ou qui permettent de jouer les morceaux qu’on a envie de jouer. Il faut essayer d’être économe dans ses mouvements, de jouer avec l’esprit clair, en conscience, et ça passe par la respiration, et une conception de l’instrument comme un prolongement de soi. Un peu comme un tambour, la résonance de la guitare se nourrit de l’énergie qu’on y met. Mais ça c’est quand on arrive à un niveau plus avancé… Aux débutants je dis : ayez du plaisir à jouer, et partagez ce plaisir avec les autres. La motivation pour progresser viendra de là.Réponse



› Salut Didier, tu es batteur professionnel et professeur de batterie chez Music Arts Academy et chez Emagina-son, peux-tu nous parler de ton actualité ?

En tant que batteur, je joue au sein de plusieurs groupes et artistes : Gaëtan (chansons et spectacles pour enfants) Rollover (Tony Manias), Chess’co (Francesco Saraceno) et aussi quelques remplacements. Gaëtan est l’artiste avec lequel je travaille le plus ces temps, avec une quarantaine de dates par an. Et puis je donne aussi des cours privés et dans deux écoles, Music Arts Academy et Emagina-son.


› Pourrais-tu également nous présenter ton parcours ?

J’ai commencé à jouer à 14 ans, et j’ai appris de manière autodidacte. Un jour, on m’a dit d’aller voir un prof, qui n’était autre que Thierry Hochstätter, bien connu à Genève, et que j’ai beaucoup apprécié. Après un an et demi d’études avec lui, au début 86, il m’a recommandé d’aller suivre une formation au MIT à Los Angeles. Je suis donc parti dans l’année, sans hésiter. J’ai donc connu cette école très réputée, où il avait suivi les cours lui aussi. J’ai connu les anciens locaux, et la transformation de cette école qui est devenue une grosse industrie. Je suis parti avec deux amis Serge Michaud (batteur) et Christian Kleiner bassiste. On a vécu une année ensemble. On partageait un appart’, on jouait et on allait voir des concerts à Los Angeles, sans oublier les plages (rires)… C’était génial. Notre formation terminée, on a pris quelques semaines pour faire le voyage du retour par le Nouveau Mexique, le Texas, la Nouvelle-Orléans, jusqu’à Miami, avant de remonter sur New York et rentrer en Europe.

J’ai eu des profs sympas là-bas, comme Joe Porcaro (le père de Jeff – le batteur de Toto) pour le jazz, Steve Houghton, pour la batterie big band, qui avait une discipline redoutable. Il y avait Casey Scheuerell aussi, un autre très bon batteur rock. Dans cette école, il y avait beaucoup de cours facultatifs, et nous étions encouragés à jouer de la musique les uns avec les autres dans les ateliers. On apprenait un morceau par semaine, et on devait le jouer devant les profs ensuite. On formait aussi des groupes entre élèves. On avait également souvent l’opportunité de jouer avec les profs et c’est là qu’on apprenait le plus.

Je n’ai pas cherché à travailler là-bas aux USA ensuite, c’était une période à laquelle il fallait savoir très bien lire pour décrocher des gigs et je n’étais pas encore au point là-dessus. J’avais plus besoin de prendre du recul et de bosser, donc je suis rentré en Suisse. Par la suite, j’ai fait beaucoup de séances au Prism studio à Lausanne et j’ai joué pour Claude Delabays et rencontré François Kieser au début des années 90. Avec lui, j’ai joué pendant quatre ans dans The Lift.

Après, je suis parti à Lausanne et j’ai joué avec B.Connected, un groupe de jazz fusion pendant une dizaine d’années. Ce n’était pas un style qui m’attirait plus que ça, mais j’aimais le mélange jazz/rock/funk. On a tourné en Chine, en Thaïlande, et en Corée du Sud entre 2000 et 2005. En 1999 on a participé à un festival tous arts confondus. Les gens faisaient de la poterie, de la danse, de la musique… Nous étions engagé au départ pour six dates, et nous avions eu beaucoup de succès, un tourneur nous a réinvités à venir l’année d’après. Cela a permis à Eugène Montenero guitariste l’un des leaders avec Moreno Helmy saxophoniste du groupe, de dénicher des opportunités de concerts en Europe, en Afrique et en Asie par la suite, et nous avons même joué aux Festival de Tabarka en Tunisie et à Constantine en Algérie, c’était génial.

En 2005, j’ai rencontré Ian Loseth, anciennement guitariste et membres fondateurs de Titanic, qui tournait sous son propre nom avec Phil Whilton et Mick Walker. Ils jouaient à Genève et leur batteur s’était cassé le bras, donc je l’ai remplacé, et la sauce a bien pris. Par la suite, Ian a décidé de remonter Titanic. Il a téléphoné à Roy Robinson (autre membres fondateurs), qui a accepté de nous rejoindre. On a fait des tournées en Norvège, en Allemagne, en France, en Angleterre, et en Suisse (en 2005 et 2013).

Suite à notre album Ashes and Diamonds en 2009 Roy a fait un AVC juste après la sortie de celui-ci et ça nous a mis un sacré coup d’arrêt. Depuis Roy est décédé en 2015, Mick en 2017, et Ian nous a quittés en 2019. Il ne reste plus que Phil et moi… Titanic a été un rêve devenu une réalité… grandiose !


› Comment t’es-tu mis à la batterie ?

Mes parents écoutaient beaucoup de musique, ce qui fait que j’ai baigné dedans depuis très petit. Mon père était fan de jazz, et il passait des disques le samedi après-midi. Ma mère, elle, écoutait la radio tout le temps. Moi, ce qui m’intéressait, c’était le foot. Je ne pensais qu’à ça… Mais un jour, ma sœur, qui jouait de la guitare, m’a emmené avec elle à une répète, et le batteur m’a assis derrière son instrument et montré quelques trucs. J’ai apparemment été assez talentueux, puisqu’on m’a poussé à poursuivre. J’ai donc continué, et j’ai choppé le virus. J’ai joué sur les morceaux de ma frangine, et développé mes propres goûts. A cette époque, tout le monde écoutait Led Zeppelin, Pink Floyd etc.., mais moi, j’ai viré vers les productions de la "Motown". J’aimais les rythmes afro-américains, et ça m’a ouvert à d’autres genres musicaux par la suite. Ma première batterie à ce moment là était une Trixton, et je sais que j’ai encore la grosse caisse quelque part… Mais où…


› Est-ce que tu joues d’autres instruments ?

Je joue un peu de basse, que j’ai appris à manier en autodidacte. Je m’en sers pour accompagner mes élèves durant les cours, afin qu’ils aient tout de suite un contact avec un autre instrument lorsqu’ils apprennent à jouer. Mais à part ça, non, je ne joue que de la batterie et ça me suffit (rires) !


› Quelles sont tes influences musicales ? Comment ont-elles évolué avec le temps ?

J’aime beaucoup ce qui est soul, funk, la musique qui sort du gospel. Et puis le blues, bien évidemment. Ce qui s’est passé à la New-Orleans, c’est pour moi le berceau de toute la musique populaire américaine. On peut même facilement argumenter que le jazz est né là-bas. L’histoire américaine n’est pas faite que de bonnes choses, évidemment, mais la musique, en revanche, ressort grandie de tout ça : les influences des caraïbes, de l’Afrique, d’Amérique latine (Mexique) et de l’Europe (Royaume Uni et France) se sont mêlées pour donner quelque chose de génial.

J’ai aussi appris à jouer des rythmes d’Amérique du sud, mais je joue comme un européen, c’est-à-dire en faisant de la copie en autodidacte. C’est pareil pour la musique orientale. J’en ai joué avec Sima Dakkus à un moment dans ma carrière, et c’était génial. Mais j’aborde ça avec une compréhension qui m’est propre. Mon jeu dans ces styles n’est pas issu d’une imprégnation de la culture, mais juste de ma capacité à reproduire des gestes techniques ou des ambiances.

En général, je suis plutôt demandé pour jouer blues, du rock, ou de la pop. Un peu de swing, et j’aime bien quand c’est chanté. Je suis moins fan du bop, par contre, que j’ai bien sûr écouté, mais c’est un trip de musicien qui ne m’a jamais vraiment emporté. J’ai fait un peu de jazz fusion bien sûr, mais je suis très vite “revenu aux sources”.


› Quels sont tes batteries préférées ?

Les Gretsch. En vérité, ce qui m’importe le plus est le bois, et je préfère l’érable qui donne un son très chaud. Les batteries Gretsch de fabrication américaine sont top, mais tant que je retrouve cette chaleur de l’érable, je joue sur ce qui est disponible, surtout quand je joue dans des festivals avec du back-line, par exemple je prends ce qu’il y a, ça m’évite la logistique.

L’évolution du traitement audio sur les grandes scènes est telle qu’aujourd’hui, tu peux avoir un son de grosse caisse énorme à partir d’un truc de base vraiment pas terrible… Mais actuellement, mon plaisir est de jouer sur une batterie acoustique, sans micros, pour le son pur.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une batterie ?

Le plus important dans une batterie, c’est la caisse claire, la grosse caisse, et le charleston, Le reste, c’est du bonus. Si on arrive à jouer avec ces trois instruments, à maîtriser les rythmes, on peut s’attaquer à tous les styles.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Servette-Music a toujours existé pour moi, et maintenant que Stephan Montinaro vous a rejoint il y a cinq ans, vous avez un espace batterie conséquent. Je connais le magasin depuis mon adolescence, il était connu et spécialisé dans les instruments à vents. Je passais devant quand j’allais au cinéma Nord-Sud, où je me souviens avoir vu Le bon, la brute et le truand et Tinita.

Mais par la suite, pour trouver mon bonheur en musique, j’allais un peu plus bas, chez Stephan Montinaro à Music Arts, notamment.


› Quels sont les meilleurs souvenirs de ta carrière ?

Titanic a été génial. On était tous dans le même trip musicalement, le groupe aimait ce qu’il faisait. Il y a aussi les voyages, la possibilité de découvrir le monde que m’a offert ma carrière. Je ne serais jamais allé en Chine si la musique ne m’y avait pas conduit, par exemple. Maintenant je voyage moins, indépendamment des événements ces dernières années. Je joue essentiellement en France, en Suisse.

Le dernier grand voyage était à Haïti en 2013 avec Gaëtan, et ça c’est un souvenir magnifique, malgré la pauvreté du pays, surtout accentuée par le séisme en 2010.


› Quels sont les projets qui t’animent pour l’avenir ?

J’ai des projets avec des copains, et si un gros projet pointe son nez, je suis toujours prêt. J’ai déjà été bien rassasié dans ma carrière. Je continue avec Gaëtan, qui travaille beaucoup pour s’imposer en France. Je suis engagé sur la prochaine tournée et après on verra bien…

Et puis sinon j’enseigne en privé à Music Arts et Emagina-son. La pandémie a amené un grand nombre de personnes à débuter ou à reprendre la musique, ce qui est un bien pour nous.


› Quels sont tes conseils pour une personne qui débute la batterie ?

La première chose, c’est de prendre du plaisir à jouer, être patient et persévérant. Si c’est une passion et que tu veux en faire un métier, il faudra faire des sacrifices et subirent les difficultés pour gagner sa vie. Il faut aussi pouvoir garder confiance en soi et rester résolu, et le travail permettra d’y arriver.

C’est bien aussi d’avoir du soutien de la part de ses parents ou de ses amis, quand on se sent un peu découragé. Personnellement, j’ai la chance d’avoir eu du soutien de la part de mes parents, même si ma mère était parfois inquiète. Mais à la base, il faut aimer ce qu’on fait et j’aime beaucoup ce que je fais.



› Salut Christophe, tu es professeur de guitare à l’ETM et à la HEM, mais aussi un guitariste virtuose qui fait une belle carrière depuis plus de trente ans, peux-tu nous parler de ton actualité ?

Alors dernièrement, j’ai tout simplifié. Il y a un an et demi, je me suis lancé dans un projet, qui s’appelle The Prize, avec Maggy Luyten au chant, Ivan Rougny à la basse, et Aurel Ouzoulias à la batterie, et dont je me suis rendu compte qu’il me permettrait de rassembler toutes les envies que j’avais. Du coup j’ai mis Mörglbl, le trio dans lequel je joue depuis 25 ans, en stand-by, ce qui a été d’autant plus facile que c’est Ivan et Aurel qui assurent le duo basse/batterie dans The Prize, donc ça n’a pas trop impacté nos emplois du temps respectifs.

Ce qui me motive particulièrement c’est que pour la première fois, j’ai la possibilité d’écrire des chansons pour quelqu’un qui chante comme j’aurais rêvé être capable de chanter mes morceaux. Ecrire pour une personne dont je sais qu’elle va mettre vraiment en valeur le truc que j’ai écrit a été suffisant pour que je décide de me jeter corps et âme dans ce projet. J’ai donc mis tout le reste de côté, même si j’ai quand même un duo acoustique avec Maggy, Akoustik Thrill, qui est plus une sorte de récréation, dans lequel on reprend du hard-rock et du heavy metal des années 80 en acoustique. Nous avons beaucoup de concerts prévus cette année avec The Prize, et nous avons déjà commencé le deuxième album. Pour la première fois, nous allons aussi avoir un tourneur européen, ce qui va énormément nous mobiliser, parce que nous allons faire un maximum de festivals, de petites tournées…

Enfin, avec l’ETM d’un côté et la HEM de l’autre, je remplis allègrement mon emploi du temps, parce que ce sont deux écoles super dynamiques. Je participe notamment beaucoup à la vie active de l’ETM avec les soirées Metal on Stage, les masterclasses, tous ces événements… Et puis comme tu le sais, je suis dans une tranche d’âge où on commence à savoir que le luxe c’est d’avoir du temps libre, donc je m’organise pour en dégager afin d’être en forme et dispo pour cela.


› Quel a été ton parcours musical ?

Je dirais que ça a été une vraie formation d’autodidacte, où j’ai rebondi d’opportunité en opportunité. J’ai aussi eu la grande chance de toujours jouer avec des gens d’un certain niveau, ce qui m’a tiré vers le haut.

Quand j’étais petit, j’ai fait du violon de quatre à dix ans. Il y avait en Haute-Savoie un programme de détection des enfants, en fonction de leurs aptitudes, et je me suis retrouvé dans un cursus particulier, lié à la musique. Ma maman étant mandoliniste, comme le violon s’accorde de la même façon, ça m’a paru naturel d’aller vers ça. Avec le temps, je me suis rendu compte que ce n’était vraiment pas pour moi d’être dans un truc aussi rigide que la formation de musicien classique. A l’âge de dix ans, j’ai eu le courage « d’affronter » ma mère, violon en main, et je lui ait dit “je veux plus jamais faire de musique”, et c’était ça.

Et puis ensuite, à treize ans, perché sur les épaules de mon frangin, j’ai découvert Ted Nugent sur scène, au cours d’un concert à Genève. J’ai aussi découvert le premier album de Van Halen, Back in Black d’AC/DC, et d’autres perles du style. Je suis donc allé voir ma mère, pensant que j’allais affronter la musicienne classique, et je lui ai dit “je veux devenir guitariste de heavy metal”. Elle m’a répondu : “pas de souci, je t’achète une guitare si tu as envie de faire de la guitare électrique, et tu travailles ta guitare comme tu le sens. Mais je veux que tu aies une sécurité, alors fais quand même des études.” J’ai donc fait des vraies études, une prépa HEC et un DUT de publicité/marketing, et donc je n’ai pas de formation musicale proprement dite. Par contre, pendant tout cette période, j’ai fait énormément de concerts. J’ai monté mon premier groupe avec six mois de guitare sous la ceinture, et je devais connaître deux accords à ce moment là, mais c’était suffisant pour faire du bruit.

J’ai ensuite un peu eu le parcours typique des gens de ma génération : j’ai commencé à faire des concerts locaux, puis j’ai rayonné sur la région entière, jusqu’à ce qu’un groupe qui s’appelait Temple m’invite à les rejoindre. Pour te la faire courte, j’ai ensuite été remarqué par le guitariste de Nulle Part Ailleurs, et je me suis retrouvé sur le plateau de cette émission à sa grande époque. J’allais à Canal+ environ une fois par mois, et 3 millions de personnes me voyaient à la télé, donc les magazines, les marques ont commencé à s’intéresser à moi. A partir de ce moment là, les choses se sont mises en marche, et j’ai considéré que j’étais musicien professionnel. En parallèle de ça, j’avais construit ma carrière d’enseignant, parce que je suis entré à l’ETM il y plus de trente ans maintenant. C’est une belle opportunité qu’on m’a donnée, parce que ça m’a permis d’assurer un minimum financier pour pouvoir justement libérer du temps et m’investir dans mes projets à côté.


› Qu’est-ce qui t’a donné envie de jouer de la guitare électrique ?

Ma frangine m’a fait découvrir Van Halen, Angus Young, et Allan Holdsworth, qui était le guitariste de Jean-Luc Ponty à cette époque, et ce son là était un truc qui résonnait en moi. Je ne savais même pas que c’était de la guitare électrique, et d’ailleurs je ne savais même pas ce que c’était la guitare électrique, en fait. En France, on n’avait pas une vraie culture rock dans les années 70. Quand j’ai entendu ce son, j’ai su que j’avais envie de ça, de cette énergie, de ce côté brutal et virtuose en même temps. Je venais du violon et je pense que j’avais développé un sens de la virtuosité et de l’esprit de la vitesse sur l’instrument. Donc ces trois mecs là ont été mes modèles. Je dirais que j’ai piqué l’énergie brute d’Angus Young, le côté pyrotechnique de Van Halen, et puis le côté un peu subtil, avec des harmonies plus sophistiquées d’Allan Holdsworth.


› Tu te souviens de ta première guitare ?

Ma première guitare était une Aria Pro II PE 460, qui était une copie de Les Paul, et qui était d’ailleurs aussi lourde qu’une Les Paul. J'étais plutôt un grand tout maigre, et je me souviens que ça me ruinait l’épaule. Mais j’ai gardé cette gratte super longtemps, parce qu’Aria faisait des super copies. Je me souviens qu’est une guitare pour laquelle ma mère avait payé 400 francs à l’époque (NdR : environ 100 CHF), et que j’avais bariolée pour qu’elle ressemble un peu à une guitare de Van Halen. J’avais aussi un petit ampli Gorilla, et pour la disto je me suis bidouillé une pédale à partir d’un transistor, parce que j’avais lu dans un magazine qu’on pouvait faire ça en utilisant la sortie casque comme input. Ça faisait un son abominable (rires). Et puis ma maman m’a offert la DS-1, la fameuse, quand elle a vu que je passais des heures tous les jours sur l’instrument, et c’était un game-changer.


› Il paraît que tu joues pas mal d’autres instruments, lesquels ?

Alors je jouais du violon, mais maintenant beaucoup moins. C’est très contraignant physiquement par rapport à la guitare, parce que ce n’est pas du tout la même posture. Je joue aussi plutôt pas mal de la mandoline, car c’est l’instrument de ma maman. Je joue plutôt correctement de la basse, je fais un peu de batterie, et puis je pianote. Je connais aussi les accords au piano, donc je peux composer au piano… Mais les instruments que je maîtrise vraiment, ce sont la guitare et la basse.


› Quelles sont tes influences musicales, et comment ont-elle évolué avec le temps ?

J’ai toujours un peu marché sur trois pattes. Il y a le côté metal, même presque punk, dont j’aime l’énergie. Il y a le côté jazz rock des années 70-80, qui a un truc un peu sophistiqué qui me plaît aussi. Et puis il y a un truc que j’adore, c’est la pop anglaise, genre Joe Jackson, Elvis Costello… Et finalement j’ai toujours essayé d’utiliser ces deux éléments, du metal d’un côté, et du jazz-rock de l’autre, pour faire de la pop avec. Donc de la pop énervée, et un peu sophistiquée. Et c’est rigolo parce qu’avec The Prize, j’ai vraiment la sensation d’avoir réussi à trouver un mix qui réunit ces trois idées : écrire des chansons, les rendre énergiques, et avec des petits twists harmoniques qui les rendent un peu futées, tu vois ?

Je me rend compte aussi, avec le temps, qu’il n’y a plus vraiment de styles que je ne supporte pas. Quand j’étais gamin, je détestais le reggae et la disco. Mais Ivan, bassiste avec qui je joue depuis plus de trente ans, m’a fait écouter plein de choses, et m’a sensibilisé à des cultures musicales que je ne connaissais pas ; et finalement, c’est souvent par méconnaissance qu’on n’aime pas. Même le rap, qui à un moment a un peu été un truc contre lequel je luttais… Quand j’ai découvert les Beastie Boys dans les années 80, j’ai trouvé que cette énergie du verbe, prononcé presque comme un instrument saturé, très rythmique, était vachement cool.


› Concernant les guitares, tu joues sur Vigier. Est-ce que tu utilises parfois autre chose ?

Ça fait effectivement plus de 25 ans que je travaille avec Vigier, et je dois dire que je trouve mon bonheur avec. D’abord, la gamme est suffisamment grande et comprend tout ce que je peux vouloir. J’ai aussi surtout la chance d’avoir une relation privilégiée avec Patrice Vigier, qui m’a souvent fait des guitares sur mesure, selon mes besoins et mes envies. Depuis environ cinq ans, je travaille avec des GV, et j’en ai quatre qui ont été faites spécialement pour moi, avec des configurations un peu particulières sur la taille du manche, la hauteur des frettes, le choix des micros, etc. Donc je n’ai pas grand chose à chercher ailleurs, mais j’avoue avoir quand même une appétence particulière pour les Telecaster, et j’en ai toujours eu une ou deux à la maison. Je m’en sers comme instruments de loisir, mais aussi parfois sur les albums, notamment sur le dernier, pour faire quelques petites choses avec ce son bien spécifique, ce *twingggg* un peu claquant, agressif et nasillard qu’on ne trouve pas sur les autres guitares.

En acoustique, je joue depuis quelques années avec Cole Clark, et ça a été une révélation. Je ne connaissais pas la marque. Le distributeur français m’a proposé d’essayer, et j’ai été conquis. Je ne suis pas un vrai guitariste acoustique, mais avec ça j’ai trouvé une guitare sur laquelle je me sens aussi à l’aise que sur une électrique.


› Qu’est-ce qui est le plus important pour toi dans une guitare électrique ?

Pour moi, la pièce vraiment “vie” d’une guitare, c’est le manche. Je ne suis pas un guitariste de main droite, mais un guitariste de main gauche. Du fait que j’ai joué du violon, j’ai pris le pli de beaucoup jouer en legato, et ce jeu est le plus traumatique pour la main gauche. J’ai donc toujours d’abord recherché le confort pour ma main gauche avant tout. J’ai toujours principalement joué sur des guitares de type Strat ou Les Paul, des formes assez standard finalement, dont on trouve des déclinaisons chez toutes les marques.

Pour le manche, chaque détail peut faire une différence, et c’est donc plus délicat de trouver exactement ce qui convient. C’est une des choses qui m’a conquis chez Vigier, d’ailleurs : quand j’ai pris en main la première guitare que Patrice a faite pour moi, j’ai eu l’impression que je connaissais déjà le manche, et j’étais immédiatement à l’aise dessus. Après, j’aime bien écouter comment la gratte résonne à vide, sans la brancher. Je ne suis pas un connaisseur de bois, mais je fais confiance à mon oreille quand je teste une guitare. Si elle ne sonne pas à vide, je sais d’expérience qu’elle ne va pas sonner super pour moi une fois branchée, quels que soient les micros qui l’équipent. Donc pour répondre à ta question, ce qui est le plus important pour moi c’est le manche, et ensuite la résonance acoustique.


› Comment décrirais-tu ton expérience avec Servette-Music ?

Je ne connais pas du tout ce magasin. Au revoir ! (rires) En fait, j’ai une relation, là aussi, privilégiée, qui dépasse le cadre purement “professionnel”. On se connait relativement bien avec Sergio, Servette-Music est partenaire de l’ETM, ce qui contribue aussi à resserrer les liens, et nous avons fait pas mal de choses ensemble : des vidéos, travaillé ensemble sur l’exploitation de certaines marques avec lesquelles je bosse… Ce que je trouve génial, je te le disais hors interview, c’est que c’est un magasin qui a su complètement se réinventer, et qui propose quelque chose de beaucoup plus large que ce qui faisait sa réputation autrefois. J’ai l’impression que c’est un magasin qui évolue vraiment avec son temps, comme le montrent les vidéos, justement, et le renouvellement dans les marques représentées. C’est aussi cool de parler avec des gens qui sont des vrais spécialistes de l’instrument. Ça va, je vous ai assez passé de pommade ? (rires) Non mais sérieusement, je trouve super de réunir les deux qualités de proposer quelque chose de très large et professionnel, et en même temps, de rester à taille humaine, et donc de savoir jouer ce rôle de proximité et d’accessibilité.


› Quels sont les meilleurs souvenirs de ta carrière ?

J’ai un paquet de souvenirs, c’est le privilège d’être vieux. Mais l’avantage d’être vieux, c’est aussi de ne pas se rappeler de tout ! Je pense que le plus beau, c’est un souvenir qui date de notre troisième tournée aux Etats-Unis avec Mörglbl. C’était lors d’un festival, le NearFest, qui est un peu la Mecque en termes de festivals de prog aux Etats-Unis. Mörglbl était programmé le dimanche à 11h du matin, parce nous étions un peu “la révélation” du festival. On se disait : “à 11h du matin, un dimanche en plus, on va jouer devant trois personnes”. La veille il y avait une énorme soirée, en plus avec Liquid Tension Experiment, un super-groupe composé de John Petrucci et Mike Portnoy de Dream Theater à la guitare et à la batterie, Tony Levin à la basse, et Jordan Rudess – qui a ensuite rejoint Dream Theater – au clavier. Donc un gros truc, tu vois ? Du coup on n’a pas trop fantasmé, et de toute façon c’était déjà génial d’être là.

Quand on est arrivés sur scène à 11h, dans une belle salle de 1500 places, il y avait 1800 personnes qui nous ont soutenu. On devait jouer 60 minutes, et on a fini par en jouer 75. C’était la première fois dans l’histoire du festival que le groupe “découverte” avait trois rappels. Pour nous ça a été une expérience incroyable. En plus ce jour là on a vendu 400 albums en une fois, et le mec de notre label américain faisait des allers-retours entre le stand et sa camionnette pour reprendre des cartons CDs. Il répétait sans cesse “j’ai jamais vu ça, j’ai jamais vu ça”, et à un moment ils ont demandé au gens d’arrêter de faire la queue et de retourner dans la salle, où jouait le groupe suivant. Il m’arrive de revoir des bouts de ce concert, car il est sur Youtube, et à chaque fois ça me fout des frissons. J’ai d’autres bons souvenirs, mais celui-ci est vraiment particulier, car ça a aussi été le point de départ d’une relation super belle entre le public prog américain et Mörglbl, qui a quand même fait huit tournées là-bas ensuite.


› Comment se passe la compo chez Christophe Godin ?

Chez Mörglbl, on amenait chacun des idées, et comme c’était une musique un peu “foutrac”, on pouvait se permettre de faire cohabiter des trucs qui n’avaient rien à voir ensemble. On pouvait accrocher un riff de reggae à un riff de metal en toute liberté, par exemple. Chez The Prize, c’est un peu différent, parce que cette fois-ci la musique doit porter un texte, ou un texte doit porter la musique. Sur l’album The Prize, ce sont donc Maggy et moi qui avons travaillé à deux. Chacun a apporté des morceaux ou des textes presque terminés, et puis on a mis tout ça dans la marmite, où là, il se passe d’autres choses : Ivan et Aurel réarrangent pour la basse et la batterie, Maggy transforme mes mélodies sur son piano, je transforme les mélodies de Maggy sur ma guitare…

Il y a donc une façon de travailler très différente, où on arrive avec des chansons déjà prêtes, mais avec l’acceptation qu’elles vont être transformées par le reste du groupe. Avec Maggy, on est un peu une sorte de Lennon/McCartney du pauvre, tu vois ? On a trouvé une relation dans laquelle on fait un ping-pong d’idées, qu’on s’envoie à la gueule et dans lequel on se répond. Et au bout du compte, c’est vachement intéressant : je n’ai pas écouté l’album pendant longtemps, pour avoir un peu de distance, et quand je l’écoute maintenant, je trouve qu’il y a une cohésion, et en même temps de la diversité. C’est même à un point où je ne sais plus qui a amené quoi, ou écrit quel texte. Pour moi c’est une réussite, parce que je n’arrive pas à mettre un tampon “Christophe Godin” sur cette musique, et c’est vraiment le groupe, et plus spécifiquement ce duo entre Maggy et moi, qui mène la barque.

Pour répondre de façon encore plus pointue à ta question, j’ai toujours mon téléphone avec moi, et j’enregistre tout. Dès que j’ai une idée qui me passe par la tête, je l’enregistre. Je regardais ça encore la semaine dernière, et j’ai cinq cents idées sur lesquelles je peux travailler pour les albums à venir. Donc j’ai de la marge, tu vois (rires). Et c’est quelque chose qui est mouvant et qui évolue : lors de certaines réécoutes, une idée que je trouvais plutôt moyenne peut devenir intéressante, ou à l’inverse, une idée que je trouvais géniale à un moment a finalement très mal passé l’épreuve du temps, alors j’élague.


› Qu’espère-tu réaliser pour l’avenir ?

Alors ma priorité numéro un, c’est le bien-être de mes enfants. J’espère qu’ils sont heureux, et je mets en tout cas toute mon énergie dans ce projet là, qui est mon plus beau projet en fait. J’ai la chance d’avoir un certain âge et une sécurité professionnelle, d’un côté avec l’enseignement, et de l’autre une renommée qui me permet de trouver assez facilement des endroits où jouer, pour pouvoir, justement comme je te disais au début, dégager du temps et le passer avec eux.

Mon deuxième projet, c’est bien évidemment The Prize, avec qui nous voulons jouer des concerts, tourner, continuer à composer et à enregistrer ensemble. Après, d’un point de vue plus guitaristique, j’ai la chance de bosser avec des marques qui me font encore confiance sur le développement des produits, et je m’investis de plus en plus dedans, parce que je trouve très intéressant de savoir précisément comment fonctionne ce que j’ai dans les mains, et de pouvoir échanger dessus. Et puis enfin, le projet qui chapeaute tout ça, c’est d’être en bonne santé le plus longtemps possible.


› Qu’est-ce que tu conseilles à un guitariste débutant ?

Le conseil que je donne à des débutants, c’est d’essayer rapidement de trouver des gens avec qui jouer, même s’ils ne se sentent pas encore super affûtés. Moi-même, j’étais nul quand j’ai commencé à jouer en groupe, et j’ai gardé des cassettes qui le prouvent ! La dimension de partage, entre musicien.ne.s, et avec un public, c’est crucial dans la musique.

Du fait que j’enseigne depuis une trentaine d’année, j’ai vu le profil des élèves évoluer. Ils ne viennent plus pour les mêmes raisons, et en tout cas plus par les mêmes voies qu’autrefois. Et ce que les jeunes guitaristes me donnent un peu l’impression de perdre de vue, c’est que la musique, ça se joue à plusieurs. Quand on joue de la musique à plusieurs, ça procure un plaisir qui ne peut pas exister devant un écran. Mais là, on a de plus en plus de gamins qui restent chez eux, et qui n’ont finalement plus ces relations avec un autre guitariste, un bassiste, un batteur, ou un chanteur. Mon message c’est donc d’aller vers d’autres musicien.ne.s, avec qui jouer pour partager des sensations, des émotions, échanger des idées, se refiler des trucs. Jouer de la musique ensemble, et partager cette passion, c’est essentiel pour progresser.



› Bonjour Ross Knight, merci d’avoir accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Avant de commencer, peux-tu présenter ton parcours à nos lectrices et lecteurs ?

Je suis tubiste de l’Orchestre de la Suisse Romande, et professeur de tuba et d’euphonium à la Haute Ecole de Musique de Genève. J’ai commencé le tuba à neuf ans, et j’ai débuté dans les brass bands en Ecosse quand j’étais jeune. C’est ce type de formation qui a été fondamental dans mon apprentissage à cette époque. A dix ans, je savais déjà que je voulais faire de la musique mon métier. Je ne savais pas encore de quelle manière, mais ça c’était sûr. Puis autour de 16-17 ans, j’ai de plus en plus joué en orchestre, et ainsi développé un amour profond pour la musique classique.

Je suis donc passé par la Royal Academy of Music in London, où j’ai étudié durant cinq ans et obtenu mon Bachelor et mon Professional Diploma. Puis, je suis en parti en Allemagne où j’ai été Tuba Academist au sein de la Karajan Academy de l’Orchestre philharmonique de Berlin. C’était une expérience magnifique, qui m’a permis de côtoyer certains des meilleurs musiciens que j’ai rencontrés au cours de ma carrière. Et puis en 2016, je me suis rendu ici à Genève pour le concours d’entrée à l’OSR, que j’ai réussi. Depuis, je me suis établi dans la région et j’ai commencé à enseigner. Fabien Wallerand, qui était professeur de tuba à l’HEM et que j’avais rencontré suite mon arrivée, m’a par la suite recommandé pour lui succéder lorsqu’il est parti au CNSM à Paris. J’enseigne donc à la HEM depuis le mois de septembre.


› Qu’est-ce qui t’a poussé à choisir le tuba ?

J’aime beaucoup qu’on me pose cette question, car j’y apporte une réponse assez cocasse : j’ai commencé le tuba parce que c’était le dernier instrument qui restait dans l’armoire de la classe de musique à l’école.

A l’origine, mes parents, qui avaient une grande sensibilité musicale même s’ils n’en avaient jamais fait leur métier – mon père était batteur dans un pipe band de cornemuse, et ma mère avait joué de la clarinette et du piano à l’école – m’ont proposé d’essayer les cuivres, car le violon ne m’intéressait pas. Cette idée me plaisait. Je me voyais bien jouer de la trompette ou du trombone, et puis il y a une grande tradition de brass bands au Royaume-Uni, donc ça m’attirait.

Ils ont ensuite demandé à ce que je puisse intégrer la classe de musique un peu plus tôt que ne le prévoyait le cursus, et j’ai ainsi commencé la musique un an avant les gens de mon âge, mais aussi un mois après que les cours avaient débuté. Je m’imaginais donc jouer du trombone au départ, mais quand la prof est arrivée avec un tuba, parce que c’était l’instrument qui restait, je me suis dit “wouah, c’est trop cool ce truc !”, et voilà : c’est comme ça que j’ai commencé à apprendre à jouer du tuba.


› Quel a été ton premier tuba ?

C’était un tuba d’étude pour les enfants, en mi bémol mais avec au format baby bass. Je ne me souviens plus de la marque, par contre. Je suis passé à un Yamaha YEB-321 au bout de quelques mois et puis après un an, à 11 ans, je jouais déjà sur un tuba professionnel, un Yamaha Maestro.


› Tu joues également d’autres instruments ?

Je joue un peu de piano et de guitare. J’ai aussi joué de la batterie pendant quelques années, mais rien de bien conséquent. Mon instrument c’est vraiment le tuba.


› Quels sont tes styles de musique préférés, et comment ton approche a-t-elle évolué avec le temps ?

J’aime et j’écoute de nombreux styles très différents. Quand j’étais plus jeune, et avant de venir vers la musique classique, j’écoutais surtout de la pop, et ensuite du punk et du metal, comme Blink 182, Green Day, Slipknot. Durant mes études, je remplaçais parfois le bassiste d’un trio banjo/basse/batterie qui reprenait des hits de pop à la sauce country, donc j’ai beaucoup écouté les grands tubes qui plaisent aux foules. Maintenant, j’écoute bien sûr énormément de musique classique, notamment Mahler et Strauss, parce qu’ils ont si bien écrit pour les cuivres. J’ai plutôt un penchant pour les compositeurs autrichiens et allemands, qui ont beaucoup écrit pour le tuba, et qui invitent à explorer les possibilités offertes par cet instrument qui me passionne.


› Quelles sont tes influences les plus fortes ?

Je suis très inspiré par la musique classique, et par celle qui est jouée par les orchestres symphoniques d’Europe, mais aussi des formations aux Etats-Unis, qui ont une approche différente du son. Sinon, les compositions de Strauss en particulier m’inspirent et me donnent des idées sur la manière dont faire résonner mon instrument. Je suis aussi influencé par le jazz. J’aime en effet beaucoup jouer au sein de formations de cuivres en quintet, par exemple, et ce qui est le intéressant pour le public dans ce setting sont les choses jazzy mêlées à des éléments classiques. Dans cette veine, j’écoute pas mal Gordon Goodwin's Big Phat Band, qui m’ouvre à des nouvelles formes de jeu, d’articulation, qui enrichissent ma façon d’aborder la musique. Enfin, une de mes plus grandes influences, ce sont les musiciens avec lesquels je joue. Les discussions autour des idées que nous avons sur la manière d’arranger un morceau, le vocabulaire qui se développe dans nos conversations musicales contribuent de manière fondamentale à mon style de jeu.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

J’avais un problème sur mon tuba en Fa depuis trois ans, pour lequel je ne trouvais pas solution, et quand je suis arrivé et que je suis venu chez Servette-Music, vous avez su le régler sur le champ. Il m’est aussi déjà arrivé d’avoir besoin d’une réparation le jour d’un concert. Avoir accès directement à un facteur de cuivres disponible et compétent est un gros atout pour un tubiste. Et puis je trouve tout le monde hyper gentil. Matthieu, Claudio et René avec qui je parle beaucoup, ont toujours su répondre rapidement à toutes mes demandes. Du coup, je n’ai eu que des bonnes expériences avec Servette-Music…


› Quels sont tes projets musicaux actuels ?

Je joue au sein de l’Orchestre de la Suisse Romande, ce qui m’occupe évidemment beaucoup, et nous jouons actuellement un Opéra de Janáček qui s’intitule Katia Kabanova. Nous allons prochainement débuter une tournée de cet opéra à travers l’Europe, qui se terminera à Brno en République tchèque, où nous jouerons aussi Tableaux d’une exposition de Mussorgsky, ainsi que Also Sprach Zarathustra de Richard Strauss. La saison est très chargée, et nous interprétons donc un répertoire de musiques assez variées, sous la direction en plus de chefs incroyables, comme Danièle Gatti pas plus tard qu’il y a deux semaines !


› Peux-tu nous raconter un des moments les plus marquant pour toi en tant que musicien ?

Lorsque j’étais en Allemagne, j’ai eu l’occasion de jouer avec l’Orchestre philharmonique de Berlin, et ça a été une expérience hors du commun de me trouver parmi des musiciens de ce calibre. J‘ai aussi joué au sein du European Union Youth Orchestra et du Gustav Mahler Youth Orchestra de 2012 à 2016, et cette période était fantastique. Nous faisions des tournées qui duraient des semaines, et c’était une expérience humaine et musicale très forte que de jouer avec des musiciens réunis autour de morceaux magnifiques par pur amour de la musique. J’ai aussi lié des amitiés très fortes avec des personnes à travers toute l’Europe grâce à cela.


› En tant que musicien professionnel au sein d’un orchestre, tu joues les répertories de grands compositeurs ; composes-tu aussi de ton côté ?

Je ne fais pas de composition en soi, parce que je ne me trouve pas très bon, mais je fais du travail d’arrangement, qui est ma manière d’aborder la création musicale. J’ai par exemple dernièrement écrit un arrangement pour cinq tubas de la Fugue en sol mineur de Bach, dont j’ai fait un enregistrement vidéo que j’ai publié sur ma chaîne Youtube, et un arrangement assez fantasque de Czardas de Vittorio Monti, sur lequel je joue plus d’une dizaine de pistes au tuba. J’ai aussi réarrangé Send in the Clowns de Stephen Sondheim pour brass band il y a quelques années. Ma créativité s’exprime sous cette forme là, et ça me permet d’échanger avec les autres.


› Pour l’avenir, quels sont les grands projets qui t’animent ? Qu’aimerais-tu réaliser ?

Pour l’instant, avec la HEM, mon ambition est de monter une classe, pas seulement de très bons tubistes, mais de très bons musiciens. Avec Phillip Casperd, chanteur au Grand théâtre, et Daniel Schädeli, tubiste à Berne, nous aimerions continuer à partager notre passion pour la musique et le tuba à travers des événements. Depuis le premier concours de tuba organisé à Genève il y a trois ans, nous avons rencontré un succès encourageant. Puisque personnellement, j’aime créer des ensembles de tuba, ce serait très cool de pouvoir poursuivre dans cette voie.


› Quels sont tes conseils pour les jeunes musicien.ne.s qui apprennent à jouer du tuba ?

La première chose, c’est de faire des exercices afin d’accroître la maîtrise de son souffle et de sa respiration. C’est nécessaire pour jouer du tuba puisque c’est un instrument à vent. Ça c’est pour le côté technique. Mais au fond, l’essentiel, c’est de chercher à s’éclater autant que possible quand on joue de son instrument. Surtout pour les jeunes, c’est super important de vivre des moments très intenses, et il faut saisir chaque opportunité de jouer avec les autres dans des ensembles ou des bands, car c’est une chance incroyable à chaque fois de plonger au cœur de ce que la musique peut nous offrir de meilleur.



› Adrien, tu es vendeur chez Servette-Music depuis un an maintenant, peux-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai très tôt baigné dans le monde de la musique. J’ai commencé le piano à six ans, sous l’influence de mes parents. Puis vers quinze ans, il y a eu une petite crise, parce que je n’arrivais pas à trouver un moyen d’expression dans le piano, et je me suis retrouvé à envisager d’abandonner complètement la musique. Mon grand frère, qui a six ans de plus que moi et qui était déjà musicien à l’époque, m’a offert une guitare. Il s’était dit que ça me permettrait de prendre un nouveau départ, et en gros il m’a dit “tu comptes arrêter la musique, mais si je t’offre une guitare, est-ce que tu acceptes de continuer encore un bout de chemin pour voir ?”

J’ai accepté, très vivement d’ailleurs, parce que j’aimais le rock et que ça me plaisait de pouvoir en jouer. Il m’a donc offert une guitare pour mes quinze ans, et ça a renouvelé mon intérêt pour la musique. A partir de là, j’ai commencé à axer mes activités musicales sur la guitare : la musique que j’écoutais, mes études, tout mon temps libre y passait, et tout tournait autour de la guitare. Je jouais des heures, je ne la lâchais plus. J’ai donc logiquement débuté des études de musique à travers les parcours de formation offerts par l’ECG et de l’ETM, et je prenais des cours particuliers pour acquérir un niveau décent afin d’ensuite pouvoir intégrer l’HEMU en musiques actuelles, étape présente qui devrait conclure mon parcours scolaire/académique dans les années à venir.

Parallèlement, j’ai découvert un métier de rêve ici à Servette-Music, au secteur guitares, puisque non seulement je passe mes journées au milieu de mes instruments favoris, mais j’ai en plus l’opportunité d’apprendre et d’échanger avec plein de gens très généreux qui connaissent beaucoup de choses intéressantes.


› Quelle a été cette première guitare ?

C’était une Squier Bullet Strat incroyablement difficile à jouer, mal réglée, pas très bien construite et du coup jamais tout à fait juste, mais que j’ai usée “jusqu’à la corde”. Le manche est complètement “Relic” à cause des heures que j’y ai passées à jouer dessus. Je la garde précieusement, même si elle est devenue injouable. D’ailleurs, en accédant à des instruments de qualité, j’ai fait l’expérience de l’aisance et du plaisir que procurent les guitares haut de gamme : c’est tellement plus facile de sonner bien quand on joue avec le haut du panier… Ça parait tout bête, mais un instrument de qualité en termes de manufacture, de son, et de confort permet de jouer longtemps sans se fatiguer, et donc de progresser plus vite. Du coup aujourd’hui je joue sur une Telecaster ’63 qui est un exemplaire d’une série limitée sortie pour les 30 ans du Fender Custom Shop. Je l’ai achetée à Servette-Music en 2018, d’ailleurs. J'ai aussi une Tele '63 Masterbuilt Carlos Lopez, qui est une tuerie.


› Quelles sont tes influences majeures, et quelle est ton approche musicale en termes de composition et de son ?

Ma plus grande influence, c’est Matt Bellamy de Muse. A l’époque où j’investissais tout mon temps à jouer, je n’écoutais que cela, et je ne m’intéressais qu’à ça. Avec le temps, mes horizons se sont élargis, bien sûr, et je suis arrivé aux musiciens qui ont influencé les membres de Muse, parce que c’est une arborescence, et on finit souvent comme ça par aller vers le guitariste préféré de notre guitariste préféré. C’est ainsi que j’en suis venu à m’intéresser à Jeff Buckley, à Radiohead, à Pink Floyd…

J’ai joué dans plusieurs groupes, et j’ai toujours aimé pouvoir exprimer une personnalité “guitaristique” forte, en apportant des compositions, des mélodies, et des arrangements. Pour cela, je vais en général là où mes oreilles m’emmènent. Tout ça m’a conduit à me pencher sur les possibilités offertes aujourd’hui par les appareils audionumériques, surtout les effets. Je ne considère pas la guitare toute seule, mais comme la pièce maîtresse d’un système de création sonore. Mes mains se posent sur la guitare, mais la musique, le son, peuvent être aussi les produits d’une pléthore de composants. Je trouve ça passionnant et ça m’inspire beaucoup quand je joue.


› Tu passes un peu tes journées au Pays de Cocagne pour un guitariste, quelles sont tes préférences dans la gamme d’instruments représentés au magasin ?

J’aime vraiment tout. Je ne suis pas compliqué, et je cherche à appréhender tous les sons, tous les styles, toutes les possibilités pour enrichir mes connaissances et me développer musicalement. Du coup pour moi tout a une pertinence sonore, et j’éprouve de l’intérêt pour tous les types de construction, de matériaux, etc. : pourquoi un système est comme ceci ou comme cela, qui l’a inventé, dans quel but, à partir de quelles contraintes (parce que finalement beaucoup de choses en matière de guitare sont le résultat de contraintes, économiques, physiques, ou autres).

A part les icônes comme Gibson les Paul, Fender Strat et Tele, qui ont posé les jalons de ce qu’est une guitare électrique, je ne pourrais donc pas te nommer un instrument plus spécial qu’un autre. C’est peut-être la passion qui m’aveugle, mais je les aime toutes. J’ai fait l’expérience directe de l’exigence de Servette-Music dans la manière dont les instruments sont sélectionnés, et je dois dire qu’au vu du processus, ce n’est pas étonnant que nous n’ayons que des super grattes dans chaque gamme de prix et pour chaque style. Après, du point de vue personnel, je suis moins sensible aux guitares typées metal, parce que c’est moins mon style, et que je penche donc plus vers des guitares plus traditionnelles ; mais même ça, c’est pas toujours vrai, puisque quand je les teste, ou que j’écoute des clients les essayer, je constate bien que nous avons ici des bêtes de course, et je sais les apprécier pour leurs qualités objectives.


› Qu’est-ce qui t’a convaincu de rejoindre Servette-Music ?

Le service client. Pour moi, le service client, c’est la manière dont le vendeur peut te guider, tout en restant en dehors de la problématique de recherche, donc en te laissant vraiment le choix. A chaque fois que je venais, je ressortais avec ce dont j’avais besoin. Et même si je n’avais pas la chose matérielle, j’avais la connaissance, la compréhension de ce que je recherchais, et de la manière dont l’obtenir.

La qualité d’échange est cruciale afin que l’expérience soit bénéfique pour le client, et la disponibilité des personnes dans le secteur des vents aussi bien que dans le secteur guitares, qui sont celles avec lesquelles je discutais, m’a toujours donné le sentiment d’être le bienvenu. Les conversations, autour de l’instrument comme de la musique en général, montraient très clairement que c’est la passion qui anime le magasin. C’est d’ailleurs quelque chose que je cherche à apporter moi-même au client quand je suis au magasin : un accueil chaleureux, de l’espace pour qu’ils expriment leurs besoins, leurs désirs, et du temps pour qu’ils puissent essayer les instruments et les appareils tranquillement.


› Quel instrument t’a le plus impressionné ces derniers temps ?

Il y en a deux. D’abord, il y a quelques mois, nos avions une Fender Custom Shop Masterbuilt Carlos Lopez, et laisse-moi te dire que c’était une bombe. La selection des bois, le détail du relicage, le feeling tout simplement quand on la prenait en mains étaient surréels. Et une fois branchée, il a suffit d’une note pour me faire comprendre que c’est quelque chose de très spécial. L’autre, elle vient du concurrent direct, c'est une Gibson Custom Shop Les Paul ‘59 Murphy Lab Heavy Aged Kindred Burst. Certes, elle coûte son prix, mais elle le vaut entièrement. Ces deux guitares représentent le sommet du savoir-faire de ces marques, et quand on aime les grattes, elles offrent une expérience de jeu et un son tout bonnement exceptionnels. C’est vraiment mieux que tout le reste. Mais bon, il faut avoir les poches profondes…


› Tu t’intéresses aussi beaucoup à l’audionumérique, notamment les pédales et les processeurs d’effets, quelle est ta dernière découverte dans ce domaine ?

Pas vraiment besoin de réfléchir, le Quad Cortex de Neural DSP remporte la palme d’or. Cet appareil est tout bonnement génial, c’est une révolution dans le monde de la guitare aujourd’hui. D’abord, il rentre dans presque tous les étuis de guitare, c’est plus qu’un détail : que ce soit pour un cours, un concert, une répète, il est facile à emporter. Cela veut dire que ce n’est pas un problème d’en être dépendant dans la création de sa signature sonore, puisqu’on pourra l’avoir avec soi dans toutes les circonstances. C’est aussi un super complément numérique à tout équipement analogique, donc on est dans une logique de “et”, et pas de “ou”. Un musicien peut avoir ses amplis historiques à la maison ou au studio, et ajouter le Neural DSP à son rig pour les concerts, sans créer de redondance.

Parce que franchement, les amplis, c’est super, mais c'est aussi lourd et encombrant, et surtout, c’est la première chose que l’ingé son va demander de baisser pour pouvoir contrôler le volume dans la salle. Du coup – c’est une expérience que malheureusement on a tous faite – les sons préparés, fignolés à l’avance, se retrouvent complètement dénaturés, puisque le volume est un des facteurs qui influence le plus le rendu d’un ampli à lampes. Avec le Neural DSP, on peut balayer toutes ces limitations sans aucune prise de tête : le son préparé à la maison ou en studio sera le même en salle de concert. Il aura la même texture, le même grain et la même dynamique, et on pourra ajuster le volume de manière générale grâce au master volume. Ce niveau de fiabilité et de facilité à la fois logistique et programmatique allié à la capacité de sortir des sons tout bonnement identiques à ceux des amplis est une première. En plus, la capture est super simple, au point que si les clients qui achètent un Neural DSP au magasin nous le demandent, on est heureux de leur en faire une ou deux ici-même avec les amplis de notre assortiment. Ça prend deux secondes ! Enfin, un peu plus, mais c’est super simple, et ça sonne. Au final, la musique est essentiellement un plaisir, et le Neural DSP améliore l’expérience.

Cela étant, j'adore les amplis traditionnels et les effets analogiques, et beaucoup de nos clients jouent sur ce type de matos. Pour ceux qui peuvent se le permettre, l'idéal c'est donc bien sûr d'avoir les deux, analogique et numérique, car ce sont deux dimensions qui s'enrichissent l'une et l'autre.


› Quels conseils donnes-tu aux jeunes et aux débutants qui viennent te consulter au magasin ?

La curiosité ! Je prêche le fait de s’intéresser de manière approfondie à l’univers de la guitare. Il peut paraître dense, surtout quand on débute, et c’est pour cela que nous somme là : partager nos connaissances, échanger nos impressions. Ma recommandation est donc de ne jamais hésiter à poser des questions, et d’être curieux.


› Adrien, il est temps de prendre position dans les guerres de chapelle canoniques du monde de la guitare : Fender ou Gibson, PRS ou Collings, et enfin pour les amplis, Fender ou Marshall ?

Alors, Fender, parce que c’est ce que je joue et ce qui représente aujourd’hui le mieux mes goûts et ce que je recherche pour m’exprimer musicalement. Gibson est tout aussi excellent, et c’est vraiment juste une question de “couleur”. Ensuite, je dirais Collings, mais ici encore, c’est parce que c’est ce qui me parle plus. A vrai dire, les guitares de PRS et de Collings sont toutes irréprochables. Mais l’approche de Collings de créer des instruments au caractère très vintage, avec une touche de modernité en mettant la barre aussi haut que possible, me touche plus. Je comprends bien la position de PRS, qui permet de ne plus avoir à choisir entre une Les Paul ou une Strat, et qui le fait à un niveau de qualité incroyable, mais je suis plus sensible à Collings.

Enfin pour les amplis, entre Fender et Marshall, ma préférence va à Bogner. Parce que dans ce domaine là, je n’ai pas envie de devoir choisir, et que les amplis Bogner, c’est le son cristallin de Fender, et le côté rond et chaleureux de Marshall dans une seule boite. Mais vraiment, toutes ces préférences ne comptent que parce qu’elles correspondent à ce que je cherche à exprimer dans la musique que je joue, et pas comme des vérités absolues.



› Salut Ivan, tu es un bassiste sideman très demandé, peux-tu nous parler de ton actualité ?

Mon actualité, c’est en priorité The Prize, notre nouveau projet avec Christophe Godin et Aurélien Ouzoulias de Mörglbl. Nous travaillons avec Maggy Luyten, anciennement frontwoman de Nightmare, un groupe de rock qui tourne d’ailleurs toujours. Nous parlions depuis longtemps de réaliser un projet différent de Mörglbl – mais quand même tous ensemble. Nous connaissions Maggy depuis longtemps, puisque nous l’avons souvent croisée sur la route, et là on a enregistré un album ensemble qui est sorti l’année dernière. On a commencé à tourner depuis un an, ça va s’intensifier. Parallèlement à ça j’ai la chance d’avoir travaillé sur l’album de John Woolloff, un guitariste bien connu ici qui a tourné avec toute la variété française dans les années 80 et 90. J’avais travaillé avec lui déjà il y a une quinzaine d’années, et je suis très content pour lui surtout que ce soit maintenant du concret.

Je donne aussi des cours de basse depuis 22 ans à l’ETM, où je suis très content de bosser. Pour un musicien actif comme moi, c’est un sérieux confort. D’abord j’aime donner des cours, j’apprends beaucoup en enseignant aux autres. Il y a toujours un môme qui arrive avec un truc qui me fait dire “eh ben je vais aller travailler un petit peu pour pouvoir te montrer”. Il y a aussi la liberté que ça nous apporte avec Christophe pour faire nos propres projets musicaux. Et puis le parcours de cette école, son évolution, le cadre et le contexte sont très chouettes.


› Quel a été ton parcours pour en arriver jusque là en tant que musicien ?

Mes parents écoutaient beaucoup de musique, il y en a toujours eu à la maison, et des choses pas toujours mainstream. J’ai développé comme ça un goût pour la variété française, que ma mère écoutait, et par exemple j’aimais bien France Gall. Derrière, en fait, il y a Jannick Top, bassiste notamment de Magma, qui avait un son de mammouth que j’adorais.

Je suis aussi le dernier d’une fratrie de quatre, dont certains jouaient de la musique. J’avais un frère batteur de jazz et saxophoniste, et une sœur saxophoniste classique – un cursus qu’elle a d’ailleurs poussé très loin, puisqu’elle a reçu le Premier Prix du Conservatoire de Paris, etc. Quand j’ai commencé à neuf ans, mon frère en avait quinze et il jouait déjà dans les groupes. J’avais envie de faire comme lui.

J'ai grandi dans une petite ville à la campagne, donc l’apprentissage de la musique est passé par l’harmonie municipale et l’école. Je ne savais pas trop quel instrument jouer au départ. J’ai un peu hésité vers la batterie, mais mon père a refusé, ayant déjà un batteur à la maison, il en avait assez. On m’a donc mis à la clarinette – probablement parce qu’il y en avait besoin à l’harmonie municipale. Comme ça se passe dans l’enseignement classique, je me suis mangé deux ans de solfège, ce qui a un peu entamé ma motivation. Mais mon intérêt pour l’aspect rythmique de la musique s’est développé, et finalement mon frère m’a fait découvrir la basse : il m’a fait écouter des trucs comme Weather Report, beaucoup de pop comme Level 42, avec Mark King… Et comme je t’ai dit, il y avait toujours de la musique à la maison, et j’étais déjà très attiré par cet instrument.

Mais bon au final c’est beaucoup venu de mon frère : quand j’ai commencé, lui jouait déjà avec des mecs, montait à Paris pour des concerts, et j’avais envie de faire comme lui. C’est comme ça que j’ai su que je voulais devenir musicien. J’étais nul à l’école, il ne fallait pas me parler d’autre chose, ce qui comptait c’était la musique. Je me suis fait virer de l’école à quinze ans, et j’ai fait des petits boulots pour assumer mon apprentissage autodidacte, tout à l’oreille. Les quelques années de solfège que j’ai faites m’ont tout de même bien aidées, car je jouais à vue, j’avais un bon rythme, et je pouvais échanger avec les autres facilement.

Du coup je me suis retrouvé à être le seul bassiste à trente kilomètres à la ronde en 85-86, et j’ai donc trouvé rapidement des gens avec qui jouer. J’ai rejoint à seize ans des groupes qui jouaient dans les bals, avec des mecs qui avaient l’âge que j’ai maintenant, et j’ai pu apprendre plein de choses avec eux. Comme on jouait de la musique de fête (pop, musette, variété, world music, etc.) j’ai pu aborder des styles très différents. J’ai passé des plombes à repiquer des répertoires entiers, en rembobinant les cassettes, “bloup-bloup-bloup” (rires). Il n’y avait pas de supports pédagogiques accessibles comme aujourd’hui…


› Qu’est-ce qui t’a donné envie d’apprendre à jouer de la basse ?

Je n’avais pas vraiment conscience de l’instrument au départ, de son rôle. Quand mon frère m’a fait découvrir ce que c’était, j’ai trouvé ça génial : c’est le mix parfait entre les aspects rythmique et harmonique de la musique. Ça m’a séduit immédiatement, et ce que j’ai aussi beaucoup aimé, c’est le fait que l’accès est facile : tu peux vite jouer des morceaux de pop ou de rock sans avoir besoin d’être Victor Wooten, t’amuser, jouer avec du monde, partager des choses… Ensuite, c’est comme tous les instruments, il y a la dimension du travail, de la technique, qui rentre en jeu. Et je me souviens que ma première basse était une tramer, copie de Precision, super lourde.


› Tu joues d’autres instruments ?

Pas vraiment, non. Je pianote, je pose quelques accords sur la guitare, je suis capable de tenir un rythme à la batterie, mais rien au-delà de ça. L’autre instrument dans lequel je me suis investi plus en profondeur, c’est la contrebasse – mais c’est la même famille que la basse électrique au fond. On me demandait ça pour des sessions de studio, et j’ai accompagné des formations qui le demandaient parfois, en général plus pour l’impact visuel que pour le son lui-même, d’ailleurs. J’en ai joué pendant sept ans, mais un jour lors d’un déménagement, j’ai posé ma contrebasse – un super modèle, cher et tout – contre un mur. Je me suis retourné, elle est tombée sur la face, et elle a explosé. J’ai choisi d’interpréter ça comme un signe, et j’ai lâché. J’y reviendrais peut-être un jour, mais je suis plus un bassiste qui joue de la contrebasse qu’un contrebassiste de toute façon.


› Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes goûts ont-ils évolué ?

En jouant, j’ai compris avec un peu d’expérience que j’étais résolument bassiste : j’aime accompagner. Je peux donc aussi bien jouer du rock que du punk, du funk, du metal, du R&B… Tout ce qui groove. Quand j’avais quinze ans, et que j’ai commencé la basse, j’étais plus attiré par ce qui était fusion, jazz-rock, parce que c’était les genres dans lesquels les bassistes s’exprimaient le plus à cette époque. C’est là qu’il y avait tous les cadors de la basse, qui reste un instrument jeune : ça explose dans les années 70, et on est dans les années 80 à ce moment là ! Mais j’ai eu des périodes.

J’ai été beaucoup influencé par Police, Level 42, dont je trouvais le jeu redoutable, et plus tard, Marcus Miller. Jaco Pastorius, c’est venu plus tard, car je ne comprenais pas quand j’étais gamin. Il y a un type qui m’a spécialement marqué, c’est Michel Alibo, un bassiste français des Antilles qui a joué pendant des années dans un groupe qui s’appelle Sixun, et je suis ultra-fan de ça. C’est probablement le musicien que je suis allé voir en concert le plus de fois dans ma vie, et il me met toujours des frissons quand je l’entends jouer. J’aime beaucoup Gary Willis, Anthony Jackson, et des mecs un peu déjantés, comme Les Claypool de Primus. C'est surtout les bassistes qui savent vraiment accompagner qui m’intéressent, comme Tony Levin, qui sait faire ça incroyablement bien.


› Quels sont tes basses préférées, et qu’est-ce qui est important pour toi quand tu choisis un instrument ?

Actuellement c’est Vigier, car on bosse ensemble depuis des années. Patrice Vigier m’avait donné une basse et dit : “si ça te plaît on travaille ensemble, sinon, tu me la renvoies”. J’avais trouvé ça génial, parce qu’il n’avait pas vraiment besoin de moi, lui, je ne suis pas Victor Wooten…

J’aime le gros son, même si je me rends compte que ça a un peu changé avec le temps, mais d’abord j’aime les instruments simples. J’aime pas les usines à gaz, avec 10’000 boutons. J’en ai eu, hein, des basses avec des rangées de potards, mais ça ne me plaît pas. Nous les bassistes on a tendance à aimer avoir un instrument qu’on peut brancher et qui sonne tout de suite, de manière organique. Après, il y a l’aspect physique de l’instrument : je ne suis pas bien costaud, donc il me faut des instruments pas trop lourds, parce que sinon je suis plié en deux très vite. Et puis il me faut un instrument polyvalent. Je n’ai pas envie d’avoir 15 basses derrière moi pour faire le truc rock, le truc funk, le truc jazz… Je veux une basse qui me permet en tout cas de ratisser le plus large possible, chose que je trouve avec Vigier, car je fais quasiment tout avec.

Sinon avec le temps, il y a un instrument auquel je suis revenu, c’est la Precision. On ne peut pas faire plus simple, déjà, et pour le son, et bien ça a le son de la Precision et c’est parfait. Depuis quelques temps, quand je fais des trucs ponctuels qui sont très groove, funk, je prends celle-là. Et puis tout dernièrement, j’ai acheté une Läkland modèle Darryl Jones chez vous, pour avoir un instrument radicalement différent de celui que j’utilise, c’est-à-dire ma Vigier. Je voulais un truc qui sonne Jazz Bass, mais avec un peu plus de muscle et 5 cordes. Mon ami Ivan de Luca m’a fait essayer un de leurs modèles, qui sont effectivement supers, donc je suis venu vous voir à Servette.

Au final, je ne suis pas un gros consommateur d’instruments. Comme j’ai dit, je ne veux pas avoir une flopée de basses derrière moi, je veux en avoir deux ou trois qui marchent, et avec lesquelles je peux tout faire. Donc chez moi j’ai deux Vigier, frettée/fretless, une Läkland, une Squier Precision roots au possible, et voilà.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Comme je travaille avec des marques, je vais peu dans les magasins de musique. Je n’ai pas besoin d’y aller, puisque tout arrive chez moi. Mais j’entends parler de Servette-Music à travers des musiciens avec qui je travaille, comme John Woolloff. Dernièrement je cherchais un instrument, comme je venais de le dire, et je sais par les gens que je connais qui viennent souvent ici qu’on a affaire à une équipe de connaisseurs, et qu’on peut prendre le temps de tester, de réfléchir, de poser des questions… En venant j’ai été ben conseillé, il y avait un instrument qui me plaisait, et j’ai pu passer le temps qu'il me fallait pour bien le tester. Je dirais donc que mon expérience avec Servette-Music est réduite, mais agréable.


› Ta rencontre avec Christophe Godin a eu un gros impact sur ta carrière, comment vous vous êtes connus ?

Je connaissais Christophe de loin, puisqu’il était déjà le “guitar hero du coin" à la fin des années 80. Quand je suis arrivé sur Annecy au début des années 90, un copain guitariste me l’a présenté, et on est allés le voir en concert plusieurs fois à Rockland (un club qui n’existe plus), où il se produisait régulièrement. Je bossais avec un groupe de reprises à Annecy, et du coup on se croisait souvent aussi. C’est comme ça qu’on s’est rencontrés. On a jammé, rigolé ensemble, et on s'est bien entendus humainement, bien sûr.

Christophe avait à l’époque un groupe de compos très prog qui s’appelait Future Primitive. Le bassiste était Patrice Guers, un pro qui a notamment joué avec Patrick Rondat, et il est parti du groupe à cette époque. C’est là que la première vraie collaboration avec Christophe a démarré. Puis en 96, Christophe a participé à Guitare Attitude, une série de compilations de musique de guitare dirigée par Thibaut Abrial, et a été appelé pour en faire la promo au Bataclan à Paris. Et donc pour ça, on a formé un trio, et c’est de fait le début de Mörglbl. L’ironie, c’est qu’on n’a pas joué ce concert, parce que la régie avait prévu une section rythmique identique pour tous les guitaristes qui se produisaient (rires). Un an plus tard, Mörglbl a sorti son premier album, et on ne s’est plus quittés, sauf une pause entre 2000 et 2002 pour d’autres projets. Il n'y a pas de raison : avec Mörglbl on se marre, on fait ce qu’on veut comme on veut, et on a quand même vendu cette musique aux quatre coins du monde en faisant les cons... C’est une veine de dingue.


› Comment composes-tu ?

La compo pour moi a tourné autour de Mörglbl pendant plus de 20 ans, et de façon assez collégiale : on jamme beaucoup, on enregistre les idées, et on les travaille ensemble. Christophe et moi arrivons aussi parfois avec des trucs entièrement écrits, et là pour moi ça part toujours de la basse, d’un groove. Ensuite, je passe sur Cubase pour triturer des sons, altérer des textures, voir où je peux aller, expérimenter. En 2014 j’ai aussi fait un album solo, et là j’ai tout composé de A à Z, puis appelé les potes pour jouer les parties que j’avais programmées. D’ailleurs cet album c’est un peu les mecs de Mörglbl qui jouent mes compos qu’ils n’avaient pas aimées (rires). Mais au fond j’aime bien le mode de composition à plusieurs où on échange des idées avec les autres, on les assemble et on les transforme ensemble pour en faire quelque chose qui représente le groupe.


› Quels sont les projets qui t’animent en ce moment ?

Musicalement, le projet principal du moment c’est The Prize, dont l’idée est de nous permettre de sortir de ce qu’on a fait avec Mörglbl pour explorer de nouvelles choses. Et sinon j’ai un album solo qui pourrait venir parce que j’ai beaucoup de matière. D’un point de vue personnel, j’espère être en mesure de faire le métier de musicien, que j’aime, pendant longtemps, et surtout de pouvoir profiter de ma famille, donc de savoir gérer l'équilibre entre ces deux piliers dans ma vie.


› Quel serait ton conseil pour un.e jeune bassiste débutant.e ?

La première chose, c’est qu’on dit “jouer de la musique”, et je pense que c’est important de ne pas l’oublier. Il faut s’amuser. Après vient aussi bien sûr le travail, etc. Aux bassistes qui veulent devenir pros, spécialement, je conseillerais d’être le plus polyvalent possible : ça permet de jouer avec plus de monde, de progresser plus vite. Mais s’amuser c’est l’essentiel, pour les amateurs comme pour les pros.



› Salut Sté, tu es une auteure-interprète en vue dans l'univers de la musique francophone en ce moment, et tu rencontres un beau succès pour ton début de carrière. Peux-tu nous en parler ?

Bonjour, ça me fait plaisir de vous retrouver. Et bien l’an dernier j’ai fait la première partie pour Florent Pagny, c’était un moment incroyable. Et puis là, 2022 a déjà été une grosse année pour moi, et elle est loin d’être finie. J’ai chanté aux côtés de Vianney, Cats on Trees, Kyo… Ça fait une belle expérience scénique ! On vient aussi d’enchaîner une vingtaine de dates dans des festivals, avec une formation un peu différente qui comporte un batteur, un pianiste, un guitariste, et moi-même à la guitare et au chant. C’était une super tournée, et là pour la fin de l’année on vise la sortie de mon premier album, qui est en train d’être finalisé.


› En quelques mots, à part beaucoup de travail et de talent, évidemment, comment en est-tu arrivée là ?/h6>

Après avoir obtenu ma maturité à Genève, j’ai décidé de suivre des cours de chant, de guitare et de solfège à l’ETM. Pour la guitare et le chant, il s’agissait surtout pour moi de mieux maîtriser et de comprendre ce que je savais déjà, car étant autodidacte, je ne réalisais pas complètement ce dont j’étais capable. J’ai eu la chance de faire cela durant trois années, au terme desquelles j’ai rencontré mon producteur, par le biais de l’ETM justement. Il m’a proposé un contrat d’artiste sur la base duquel nous avons commencé à travailler ensemble, et voilà.


› QQu’est-ce qui t’a amenée à la guitare ?

J’ai commencé la guitare parce que j’avais entendu la version de Hallelujah par Jeff Buckley. J’avais été tellement touchée par ce son de guitare électrique que très vite après, j’ai demandé à mon père s’il était d’accord pour que je prenne des cours. J’ai donc d’abord commencé par l’électrique – je ne me rappelle plus sur quel modèle par contre. Puis je me suis rapidement rendue compte que j’aimais aussi chanter, donc pour m’accompagner je suis passée de l’électrique à l’acoustique – une Cort, ça je m’en souviens ! J’ai débuté avec des accords assez simples, et des progressions pop, et c’est sur cette base que j’ai ensuite fait évoluer mon jeu.


› Est-ce que tu joues d’autres instruments ?

Je pianote un petit peu, mais je n’ai pour l’instant pas de grand amour pour un autre instrument que la guitare. Après c’est quand même chouette de composer parfois au piano. Ça ouvre les mélodies, les sens, et ça me permet de ne pas rester enfermée dans la structure musicale offerte par la guitare, qui reste l’instrument dont je joue essentiellement.


› Quels sont tes styles préférés ? Comment tes préférences ont-elles évoluée avec le temps ?

J’ai des grands frères et sœurs, et quand j’étais petite j’écoutais ce qu’ils me faisaient découvrir. J’ai donc appris à apprécier un peu tout, du rap au classique. Mais mon style à moi c’est la pop, et d’une manière générale j’aime la pop et le rock. Comme ça va toucher beaucoup de monde – par définition, puisque c'est populaire – ça réunit les gens, donc c’est fait pour me plaire.


› Quelles sont tes influences majeures ?

Je dirais qu’aujourd’hui c’est Vianney, le chanteur français. Son style m’influence beaucoup car c’est un artiste que j’admire aussi bien humainement que musicalement. Ben Mazué, aussi, et dans les trucs un peu plus anciens, Fauve… Dans mes années formatrices, j’écoutais pas mal de pop/rock comme Avril Lavigne, Simple Plan, Miley Cyrus. Et puis je pense aussi que Julien Clerc, que ma mère écoutait énormément, surtout dans la voiture, m'a aussi beaucoup influencée.


› Quels sont tes guitares préférées ? Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare ?

Je n’ai pas vraiment de guitare préférée, parce que je ne m’y connais tout simplement pas assez. J’ai eu l’occasion de travailler avec des guitaristes, qui ont principalement des Taylor, et pour en avoir eu en mains, je trouve que ce sont de très chouettes guitares. Par contre, moi-même j’ai eu un coup de cœur pour le son Martin, et j'ai craqué pour une 00-17. Dès que je l’ai prise j'ai été conquise : elle sonne super bien, elle est petite, elle est jolie (ça compte aussi). En résumé, je dirais que les choses importantes pour moi, ce sont la sonorité et la sensation de jeu. Et le look.


› Tu as vu nos guitares au magasin, et tu viens d’en acheter une nouvelle. Qu’est-ce qui t’a plu sur ce modèle ?

Je fais beaucoup de concerts et beaucoup de route, et j’avais besoin d’une guitare pour ça. La nouvelle Martin de la série 13 répond à mes exigences : elle est robuste, facile à régler, elle est petite et légère, elle sonne bien… J’ai tout de suite aimé le son, acoustique ou branché, ce qui est important parce que je joue souvent avec la guitare branchée pour les concerts. Et quand je l’ai prise en main, j’ai aimé le confort du manche, qui est plus fin, comme celui d’une électrique. L’esthétique originale me plaît, avec le bord bleu, le corps un peu asymétrique. Voilà c’est un peu tout ça.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Mon expérience avec Servette-Music est particulière, car le magasin me soutient depuis que je suis sortie de l’école de musique et que j’ai commencé les concerts. C'est devenu mon point de repère à Genève pour tout ce qui concerne mon matériel, le réglage de ma guitare, etc. Vous avez toujours su répondre à mes questions avec beaucoup d’honnêteté et de gentillesse.


› Quels sont tes projets musicaux actuels?

Mes projets sont d’abord la sortie de mon premier album en fin d’année, avec environ 12 titres. Après, je vais faire ma première tournée en tête d’affiche en France, ce qui est un moment assez spécial dans une carrière. J’espère que nous pourrons aussi ajouter quelques dates en Suisse.


› De tout ce que tu as vécu ces derniers temps, qu’est-ce qui t’a marqué le plus ?

Faire la première partie de Florent Pagny à l’Arena de Genève il y a un an a été une expérience magnifique. Jouer sur cette scène "à la maison" était formidable.


› Comment travailles-tu la guitare et le chant ?

Déjà pour le chant je travaille physiquement, car la voix dépend d’une activité musculaire, et au fond, c’est un peu comme pour les sportifs. Je poursuis donc les cours de chant à Genève, même si c'est moins régulier ces derniers temps. Et pour la guitare, je suis loin d’avoir tout appris. Elle est là pour m’accompagner, mais je veux m’améliorer et apprendre plus de techniques et d’accords, ne serait-ce que pour enrichir mes compositions, donc je travaille essentiellement ça.


› Comment se déroule le processus de composition pour toi ?

Je compose et j'écris les textes de mes chansons moi-même. Il m'est arrivé d'écrire en collaboration avec d'autres personnes aussi, comme Douleur je fuis que j'ai écrite avec un ami. Il m'avait raconté sa douleur, et puis nous l'avons faite ensemble… Comme quoi c'est pas toujours mes histoires qui m'inspirent et me poussent à composer. Pour l'album qui sort bientôt il y a des collaborations sur la composition aussi, comme avec Valentin Marso, et c'est une expérience que j'ai adoré faire.


› Qu’espère-tu réaliser à l’avenir ?

Comme beaucoup, j’aimerais pouvoir vivre confortablement de ma musique. LE rêve c’est une tournée des Zéniths, ou marquer l’histoire musicale avec un titre, voire un album. Mais bon, on va y aller un pas à la fois (rires).


› Quel conseil donnerais-tu à des jeunes guitaristes qui aimeraient s’y mettre ?

J’ai envie de dire de tout simplement y aller et tout donner. Au début, la guitare ça peut faire mal aux doigts, au bras… C’est pas tout de suite gratifiant, non plus. La musique, ça parait très difficile et long à apprendre, mais quand on s’y est mis, on prend finalement tellement de plaisir que ce n’est plus que le chemin qui compte. L’essentiel c’est d’être persévérant, et de rester ouvert pour enrichir son jeu avec des techniques, du chant, les autres, pour partager quelque chose autour duquel se réunir.


› Bonjour Francesco, tu es tromboniste professionnel et professeur de trombone auprès de plusieurs institutions. Quel est ton parcours musical ?

J’ai fait mes études au conservatoire de Monopoli, dans le sud de l’Italie, où j’ai reçu mon prix en 2005. J’ai ensuite poursuivi à l’HEM de Genève. C’était une superbe expérience : je me suis trouvé dans la classe d’Andrea Bandini où j’ai obtenu un diplôme d’orchestre, j’ai fait un stage avec l’OSR.

Pour amener au bout mes études en Italie et avoir mon Secondo Livello (diplôme académique de deuxième niveau), je suis allé au conservatoire d’Aoste où je pu bénéficier d’une excellente formation. Avec un camarade de mon quatuor de trombones, nous nous sommes inscrits au conservatoire de Trossingen, dans la classe d’Abbie Conant, pour faire un master en musiques de chambre, avec notamment une spécialisation en quatuor de trombone.

Tout dernièrement, j'ai fait un master en pédagogie, à la Kalaidos University of Applied Sciences en Suisse. Au travers de toutes ces formations j’ai eu l’opportunité d’étudier avec des musiciens très renommés, tels que Jorgen van Rijen, trombone solo au Royal Concertgebouw Orchestra à Amsterdam, Toby Oft, du Boston Symphony Orchestra, Jay Friedman, du Chicago Symphony Orchestra ou encore le soliste international Christian Lindberg.

Depuis 2016, j'exerce le rôle de trombone solo à L’Orchestre de chambre de Genève. Je collabore également avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne depuis 2011, ainsi qu'avec le Sinfonietta de Lausanne depuis mon arrivée en Suisse en 2006.


› Quels sont tes styles préférés ? Comment ton approche a-t-elle évolué avec le temps ?

La musique de Queen m'attire beaucoup, raison pour laquelle je l'écoute depuis toujours. S'agissant de la musique classique, j’éprouve une fascination sans bornes depuis mon plus jeune âge pour les œuvres de Gustav Mahler, qui accorde une place importante aux cuivres, et notamment au trombone, ou celles de Bruckner, Prokofiev, Tchaikovsky, qui m’attirent beaucoup et que j’aime jouer.

Aujourd’hui, je suis à la recherche d'un autre type de sonorité, car être tromboniste dans un orchestre de chambre m’a complètement fait changer de perspective. Je me suis donc plus intéressé aux œuvres de Mozart, Schubert, Mendelssohn et à celles de Schumann, qui correspondent plus au répertoire que j’aborde.

Pour m’améliorer dans l’interprétation et m’imprégner des différents styles musicaux, je n’écoute pas que de la musique pour ou avec du trombone, mais des œuvres écrites pour des cordes ou des bois, qui me permettent de mieux aborder les pièces que je dois jouer, et même à dépasser certaines contraintes qu’impose mon instrument.


› Quelles sont tes influences ?

Le compositeur qui m’inspire et m’influence le plus est Bach. J’étudie ses œvres pour les cordes au trombone ; la musique de Bach est unique, et peut être jouée avec tous les types d’instruments. J’y trouve des défis musicaux et techniques qui m’aident à dépasser mes limites dans mon travail. Je m’en inspire aussi pour inventer les exercices que je pratique quotidiennement; c’est dire à quel point la musique de Bach m’accompagne vraiment tous les jours.


› Tu joues sur un trombone Vincent Bach équipé d’un cylindre Free Flow Hagmann. Quelles sont les qualités de cet instrument pour toi ? Sur quels autres instruments apprécies-tu de jouer ?

D’abord, le son est majestueux. La projection, la clarté et l’articulation sont superbes, l’ampleur aussi. Ensuite, la polyvalence de cet instrument est exceptionnelle : elle me permet de passer avec lui d’un style à l’autre, d’un groupe à l’autre et de me mélanger avec des formations et des instruments très différents avec une grande facilité. Le barillet Hagmann par-dessus est idéal, car il procure une homogénéité parfaite dans tous les registres : que je l'actionne ou pas, je ne ressens pas de différence dans le jeu.

Je joue également de l’euphonium. Je l'avais choisi comme instrument complémentaire lors de mon cursus à l’HEM de Genève, ainsi que de la sacqueboute, un ancêtre du trombone.


› Comment ton jeu a-t-il évolué avec le temps ?

Mon travail en orchestre de chambre a beaucoup fait évoluer ma conception de jeu, et ma sensibilité musicale. Jeune, j’étais attiré par les musiques « puissantes ». Et puis, suite à une audition, en 2011, j’ai commencé ma collaboration avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne. Cette expérience m’a fait grandir énormément. J’ai notamment beaucoup travaillé ma finesse, ce qui permet de m’adapter à chaque situation de jeu avec plus de précision et subtilité.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans un trombone complet ? Que conseilles-tu à tes élèves quand ils font un achat ?

L’homogénéité d’émission entre le jeu sans actionner le barillet et le jeu en actionnant le barillet, pour moi est essentiel. Avec le barillet, le son doit être centré, fluide, et surtout, beau. Sur certains trombones complets, quand le son traverse le barillet, on sent tout de suite qu’il est fermé, rétréci…

Quel que soit l’âge et quel que soit le niveau, je recommande à mes élèves de considérer avant tout le confort de jeu. Ensuite, il faut bien sûr qu’ils aiment le son, qu’ils vérifient la justesse de l’instrument, l’homogénéité dans les différents registres, en prêtant attention à l’articulation.


› Tu as vu notre sélection chez Servette-Music au magasin, qu’en penses-tu ?

J’ai trouvé la sélection intéressante. D’abord, tous les trombones étaient de bons trombones. Celui qui m’a plu le plus est le Vincent Bach 36A Vibrabell Custom, car je lui ai trouvé une certaine ampleur dans le son qui m’a enthousiasmé. Je suis assez intrigué par le Vincent Bach 42A Vibrabell Custom Detachable Bell avec pavillon dévissable, Je suis en discussion par ailleurs avec Claudio Maragno (NdR : de l’atelier des cuivres Servette-Music) pour installer ce système sur mon trombone principal.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Je suis client depuis mon arrivée à Genève en 2005. Avec le temps, la relation avec Servette-Music est devenue un partenariat qui dure depuis quelques années déjà. J’apprécie le fait que l’équipe soit très professionnelle, et que les produits sont tous de très bonne qualité.


› Pourrais-tu nous présenter tes projets musicaux actuels, tes défis et tes envies pour le futur ?

Actuellement, nous travaillons en duo trombone et harpe avec Carlotta Bulgarelli sur un programme qui s’appelle Sueño el Sur et qui s’inspire de grands compositeurs d’Amérique du Sud. D’ailleurs, nous sommes en concert le jeudi 7 juillet à 12h30 à l’Eglise Luthérienne de Genève. Avec mon ami Humberto Salvagnin, qui joue de l’orgue, nous avons créé notre duo et nous abordons un grand répertoire de compositions originales et transcription de la période baroque à aujourd’hui. Nous jouons le 24 juin à 20h00 au Temple de Prangins. J’ai également le quatuor MOYA Trombones, avec lequel nous faisons des spectacles où nous mélangeons la musique et le théâtre, mais malheureusement, la pandémie nous a mis un coup, et nous devons nous réinventer un peu, nous réorganiser.

Mon nouvel album est sorti au mois d’octobre 2021, Paradise Bone dédié a Sara, mon épouse. Sa réalisation m’a permis de mélanger le trombone avec plein d’ensembles en rassemblant des musiciens de pays très différents. Et parmi les projets futurs, j'envisage l'écriture d'un livre pédagogique strictement lié à la technique instrumentale afin de pouvoir aider à surmonter les difficultés que l'on peut rencontrer au cours de notre apprentissage, destiné aux musicien∙ne∙s amateur∙trice∙s et professionnel∙le∙s.


› Quels sont tes meilleurs souvenirs musicaux ?

Quand j’ai joué en soliste avec L’Orchestre de Chambre de Genève dans le cadre du Geneva Brass Festival 2019. Les tournées en Espagne, Italie, France, en Azerbaïdjan avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne. Il y a également les concerts avec l’Ensemble vocal de Lausanne, dirigé à l’époque par Michel Corboz, qui étaient magiques. Bien sûr les spectacles avec les MOYA Trombones et puis plein d’autres à dire vrai, qui sont beaucoup trop nombreux pour tous les citer ! J’ai la chance d'exercer le métier de musicien. Cela demande beaucoup de travail pour être toujours au top de sa forme et réussir à gérer ses émotions, mais ce travail acharné me permet de créer des moments inoubliables.



› Bonjour Eric, tu es professeur de guitare à l’ETM depuis plus de 20 ans, pourrais-tu nous parler de ton parcours ?

J’ai d’abord été autodidacte, puis intégré différentes écoles, dont l’ETM où j’enseigne maintenant. Ensuite, je suis allé au GIT à Los Angeles pendant un an et, mon diplôme en poche, je suis revenu à Genève pour obtenir un diplôme d’harmonie classique au Conservatoire Populaire à Genève. Depuis j’enseigne à l’ETM.


› Quels sont tes styles préférés ?

J’ai commencé par être attiré par la musique rock, hard-rock. Mais un jour j’ai appris que Van Halen avait joué un solo sur une chanson de Michael Jackson, donc il y fallu que j’aille y jeter une oreille. Et puis du coup, je suis tombé sur Prince, et j’ai débouché sur le funk, le jazz, la world music, et tout le reste…

J’ai beaucoup évolué avec le temps, au point de ne plus pouvoir dire qu’il y a des styles que j’adore ou que je préfère, aussi bien concernant la musique “de guitare” ou celle qu’on joue normalement avec d’autres instruments. Ce n’est pas toujours perçu comme une qualité dans le métier, de ne pas avoir un style à soi, mais puisque j’aime de tout, je ne peux pas vraiment faire autrement pour m’y retrouver.


› Sur quelle.s guitare.s joues-tu en ce moment ?

Je joue sur une Dowina Master Amber Road GACE DST/IR. Elle est absolument parfaite : confort, résonance, timbre, dynamique… Elle a un côté généreux, une sonorité incroyable. Elle me donne envie de jouer, de ne pas la lâcher, et j’ai besoin d’une guitare qui me fait cet effet. Je jouais sur une Takamine avant, une guitare que j’avais achetée à un élève, mais elle s’est voilée, et j’ai dû chercher un remplacement. J’ai découvert ma Dowina ici, à Servette-Music, et c’était le coup de cœur. Elle a une sonorité incroyable, à elle, et elle est d’une qualité impeccable à tous les autres points de vue.

Sinon j’ai bien sûr eu différentes guitares avec le temps. Il y a aussi un facteur sentimental qui joue, et j’ai toujours ma toute première guitare acoustique, une Ibanez entrée de gamme qu’on m’avait offerte ! Elle ne marche plus tellement bien à partir de la 12ème case, par contre…


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare acoustique ? Que conseille-tu à tes élèves de considérer dans leur choix ?

Il faut qu’une guitare me parle, qu’elle me donne quelque chose dans l’échange avec elle quand je la joue. Presque comme une personne, elle doit avoir un charisme, refléter quelque chose qui me donne envie de m’y intéresser. Ensuite, évidemment, la justesse, le confort de jeu, les avantages fonctionnels – donc concrètement si elle a un système de captation pour s’amplifier – sont des facteurs que je recherche et que je recommande. Mais avant tout : le cœur.


› Tu as vu nos instruments en magasin, lesquels t’ont tapé dans l’œil ?

Visuellement, je suis amoureux de toutes les guitares, donc en voyant l’incroyable palette que vous avez, c’était le spectacle. J’adore les Fender qui sont vieillies (NdR. : Fender Custom Shop Relic), les Martin qui ont un look de Western (NdR. : Martin Streetmaster)… Me poser cette question c’est comme demander à un enfant dans un magasin de bonbons lesquels ils préfère : la réponse c’est tous.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

J’ai acheté ma guitare acoustique, mon Helix, et d'autres choses chez Servette-Music. … Pas ma guitare électrique, cependant. Sergio est incroyable, c’est un plaisir de travailler avec lui pour trouver les bonnes solutions. Bien sûr il s’agit pour vous de vendre des guitares, mais l’accueil qu’on reçoit, et le conseil, la proximité, ça a de la valeur. Vous n’êtes pas les seuls à le faire, hein, mais vous le faites, donc je viens chez vous. Et puis vous avez une super sélection, vaste, donc j’envoie mes élèves chez vous en toute confiance.


› En tant que musicien, on passe sa vie à apprendre. Quelles sont les dernières frontières musicales que tu as repoussées ?

J’ai l’impression qu’on repousse des frontières chaque jour. En musique il y a beaucoup de choses qui ne sont pas tangibles, mais qui se concrétisent tout de même sur le long terme. Alors je pourrais te dire que je travaille ma technique, que je me concentre sur les glissés, sur le fait d’être plus fluide dans mon phrasé, les nuances de mon expressivité… Je travaille en fait tellement sur tout un tas de choses, que c’est difficile de mettre le doigt sur un élément en particulier.

Au moins deux fois dans la semaine, je mets la radio, et je joue tout ce qui passe. C’est tellement formateur. Cela entraîne l’oreille, la réactivité, le rythme, bref le langage musical. Je n’apprends rien à personne en disant que d’acquérir et de développer ce langage, c’est essentiel pour évoluer en tant que musicien, et donc finalement, ce développement a constamment lieu au fur et à mesure qu'on échange les uns avec les autres.


› Est-ce que tu joues d’autres instruments ?

Je joue du pipeau et de la viole de gambe (rires). Plus sérieusement, j’ai commencé par jouer de la batterie, parce que je voulais jouer de la guitare, mais mes parents ne voulaient pas. Un copain avait une batterie, et j'ai donc pu m'y mettre comme ça. Je joue aussi un peu de basse, car comme de nombreux guitaristes, je suis capable de m’improviser bassiste, étant donné la configuration de l’instrument. J’ai aussi fait une formation classique au piano, mais je ne dirais pas que je sais en jouer. Au final, c’est surtout la guitare qui me parle. Le reste est pratique durant les cours pour montrer quelque chose aux élèves.


› Quelle est ton approche en matière d’enseignement ?

C’est une approche humaine, fondée sur l’échange, le contact et compréhension de la personne qui se trouve en face de moi. On m’a souvent demandé “Ça ne t’ennuie pas de toujours enseigner le même accord de do ?”. Mais non, car c’est à de nouvelles personnes, et ça change tout. Je ne prends pas un pied particulier sur l’accord de do, et ce n’est pas la peine, heureusement. C’est l’échange avec l’élève, mettre en place les conditions pour que chez lui ça fasse “Ah ouais, c’est comme ça que ça marche !” ou tout simplement qu’il arrive à faire ce qu’il voulait faire, qui compte pour moi. Dans cette dynamique, on reçoit beaucoup en tant qu’enseignant. Pour moi au départ, l’enseignement était un gagne-pain, et je n’avais pas du tout l’idée que j’y prendrais tellement de plaisir. J’y trouve une telle richesse, que j’ai compris ce que c’est d’avoir une vocation. J’ai beaucoup de chance pour ça aussi.

Je travaille aussi beaucoup avec la vidéo dans mes cours. Je fais des vidéos de fin de cours, pour accompagner l’élève durant la semaine. Je regarde moi-même ce que plein d’autres artistes, et enseignants, ou même parfois juste des passionnés, font de l’usage de la vidéo pour transmettre des idées, des techniques, faire passer le message. Ça ne remplace pas le prof, ça ce n’est pas possible, mais ça enrichit et facilite l’apprentissage pour les élèves.


› Pourrais-tu nous présenter tes projets en ce moment ?

D’un point de vue personnel, d’abord, de toujours avancer sur cet instrument qu’est la guitare comme moyen d’expression et de communication. La guitare est au centre de ma vie, c’est normal. D’un point de vue jeu en groupe, j’ai un groupe de reprises, Wave10, avec lequel on vise toujours plus haut. Prochainement nous allons d’ailleurs jouer pour l’arrivée du Tour de France. Sinon j’ai quelques projets qui ont un peu subi des ralentissements dûs à la pandémie, et dont j’espère qu'ils vont gentiment reprendre.


› Quel est ton meilleur souvenir musical ?

Mon souvenir musical le plus impressionnant, c’est le concert Tribute à Miles Davis qui a eu lieu peu après son décès, auquel j’ai assisté à San Francisco, en 1991. Il y avait quelque chose d’électrique dans l’air, j’ai été très touché. Sinon en ce qui me concerne personnellement, j’ai de très bons souvenirs musicaux, mais j’ai aussi pris des baffes monumentales… Au final chaque moment est un peu unique, et c’est sur le coup qu’il a une valeur qui ne se compare pas, puisqu’il s’agit ce qu’on partage avec d’autres.



› Bonjour Ivan, tu es bassiste professionnel et professeur de guitare basse auprès de plusieurs institutions (APCJM à Meyrin, le Bus Magique à Châtelaine, Emagina-Son à Lancy). Peux-tu nous présenter ton parcours ?

J’ai commencé vers 13-14 ans, comme autodidacte, en repiquant des morceaux des Sex Pistols. Le premier était Pretty Vacant, je le jouais avec une pièce de 10 centimes. Je croyais que c’était la basse qui faisait cette intro, alors qu’en fait c’est une guitare. Après j’ai joué avec des copains du quartier. On reprenait des morceaux de blues : Gary Moore, SRV, toutes ces choses là… J’ai aussi pris mes premiers cours de basse avec Denis Favrichon à l’ETM.

Quelques années plus tard j’ai pris des cours avec Christophe Chambet dans les années 90. Il n’a ouvert les yeux sur l’harmonie, et toutes ces choses plus techniques. J’ai aussi suivi des ateliers, des cours à l’AMR, ce qui m’a conduit au jazz. Plus tard, je suis allé au conservatoire à Lausanne, pour suivre des cours à l'HEMU.

Durant tout ce temps j’ai joué avec plein de gens, de tous les genres. En termes de formation musicale, ça a été très enrichissant à chaque fois. Comme tu sais, on retire quelque chose de chaque rencontre. Aujourd’hui je fais partie d’un groupe qui s’appelle B-Connected, avec qui on fait des tournées dans le monde entier : Asie, Moyen-Orient, on va en Turquie cette année. J’ai plein d’autres projets en tant que sideman, et au mois de juillet, je vais enregistrer un album avec Gillian, un projet pour lequel nous auront l’honneur d’avoir Thomas Lang à la batterie.


› Quels sont tes styles préférés ? Comment ton approche a-t-elle évolué avec le temps ?

Je n’ai pas de style préféré. Ce que j’aime, c’est la musique en soi. Ce qui compte pour moi c’est que la musique me plaise et qu’elle me touche, qu’il s’agisse de jazz, de funk, ou de pop, ou de n’importe quoi d’autre, même si je ne sais pas (encore) la jouer. Tant que c’est de la musique qui me parle, je l’aime.


› Quelles sont tes influences ?

Le tout premier bassiste qui m’a influencé était celui qui accompagnait Gary Moore à l’époque, Bob Daisley. Il y avait cette chanson qui s’appelait Empty Rooms, dans laquelle figure un petit solo de basse. Le groupe dans lequel je jouais quand j’avais 14 ans reprenait cette chanson, et pour moi c’était une ligne de tueur. C’était vraiment LE challenge pour moi à cette époque d’apprendre cette ligne de basse. Ce bassiste qui a été le premier que j’ai identifié comme tel : “il y a un bassiste super bon qui s’appelle Bob Daisley dans ce monde”.

Ensuite, une des plus grosses claques que j’ai prises est venue de l’album Blood Sugar Sex Magic des Red Hot Chili Peppers, en 91. Un copain m’avait recommandé d’y jeter une oreille. Du coup je suis allé à City Disc pour l’écouter. Il y a un riff de guitare assez péchu qui démarre l’album, et puis la basse arrive. Ce gros son funk m’a carrément renversé. Cette basse si présente, si rock et funk à la fois m’a emmené dans une autre dimension.

Quand j’ai ensuite commencé à prendre des cours avec Christophe Chambet, j’ai découvert grâce à lui des bassistes comme Marcus Miller, Alain Caron, tous ces bassistes un peu plus pointus, un peu plus jazz et progressifs. A partir de là, ces trois bassistes, Flea, Marcus Miller et Alain Caron ont été mes trois bassistes de chevet, si l’on peut dire. Je me suis inspiré du côté rock/funk puissant de Flea, le coté slap à mort de Marcus Miller, et ce côté très mélodieux d’Alain Caron, ainsi que de sa technique de slap à trois doigts.


› Tu joues sur de nombreuses guitares basses, des 4, des 5 et des 6 cordes. Quelles sont tes préférées en ce moment, et quelles les sont les qualités que tu leur trouves ?

Je touche parfois d’autres instruments avec des copains, ou des élèves, pour m’amuser un peu, mais je gagne ma vie en tant que bassiste, et je joue presque exclusivement de la basse.

Je joue des basses 4 et 5 cordes, mais beaucoup moins de 6 cordes, car ce sont des instruments dont je me sens moins proche. En termes de marques, dans les 5 cordes, celle qui me donne un plaisir énorme, c’est Läkland. Ce que je cherche dans une basse c’est qu’elle me permette de jouer de la pop et du jazz ; pas un instrument de pop, ou de jazz, mais un instrument sur lequel je peux faire chacun des deux aussi bien.

Ensuite, pour les 4 cordes, j’aime les Fender Jazz Bass et Precision. Les vieilles. Pendant des années j’ai dédaigné ces instruments, par rébellion, mais le bon sens a fini par gagner sur moi, et je me suis rendu compte qu’en 4 cordes, les Fender Jazz Bass et Precision sont vraiment top. J’ai aussi joué pendant des années sur MusicMan, en 4 et 5 cordes, et je trouve que ces instruments sont vraiment supers. Mais pour moi, ce sont des instruments qui sont typiquement pop/rock. Si je veux faire des choses plus fines, plus jazzy, la MusicMan sera moins à mon goût.


› Comment ton jeu a-t-il évolué avec le temps ?

Mon jeu a bien sûr beaucoup évolué, et notamment grâce à internet. Avec les vidéos qu’on trouve partout, on peut maintenant non seulement entendre jouer les pros, mais aussi les voir : analyser les doigtés, copier la position. Du coup, le jeu évolue plus vite. Je remarque d’ailleurs que les jeunes jouent de mieux en mieux, beaucoup plus tôt. Pour ma part, j’ai toujours aimé relever de nouveaux défis, essayer de nouvelles techniques, être à la page, donc j’en bénéficie aussi beaucoup, même si je n’arrive pas à tout faire, évidemment. Mais je fais de mon mieux pour jouer avec sincérité dans tous les cas.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare basse ? Que conseilles-tu à tes élèves de considérer quand ils en choisissent une ?

Pour moi, le plus important est qu’elle sonne, que je sois à l’aise dessus, et qu’elle soit polyvalente : comme je l’ai dit, je veux pouvoir jouer de la pop au jazz. Quand je joue une basse, j’aime aussi qu’on entende toutes les notes sur l’instrument. Je veux que le son sorte, pas que la basse soit boomy, mais au contraire, qu’on entende toute l’articulation, la moindre ghost note, les harmoniques…

A mes élèves, je demande en général quel type de son ils veulent entendre. Je leur fais écouter des sons Jazz Bass, des sons Precision, des sons MusicMan, et quand ils me disent “j’aime bien ça”, je les invite à aller dans cette direction pour commencer. Il faut qu’ils aiment le son. Et puis ils faut aussi faire attention au confort, bien sûr, car la basse est un instrument un peu barbare, les cordes sont épaisses, donc il faut qu’elle soit bien réglée.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Je connais le magasin depuis longtemps, et Sergio Barbieri, que je connais depuis mon enfance, et avec qui on a joué dans un groupe ensemble, a commencé à y travailler il y a une vingtaine d’années. Depuis j’achète mon matériel là-bas. J’y ai aussi moi-même travaillé comme magasinier il pendant à une époque, d’ailleurs. Avec tout ça, c’est naturellement qu’on est devenus partenaires, et qu’on développe une relation autour de notre passion commune.


› On a tendance à dire que la section rythmique est fondamentale, et qu’il est important que la basse et la batterie forment un tout quasi fusionnel. Qu’en penses-tu ?

La fusion basse/batterie, c’est un peu un mythe, à propos duquel chacun a sa façon de voir les choses. Selon moi, ce qui fait l’assise d’un groupe, le son d’un groupe, c’est le batteur. Avec un super bassiste et un mauvais batteur, le groupe ne va pas sonner bien. Au contraire, un très bon batteur et un mauvais bassiste pourront faire marcher les choses.

Concernant l’aspect fusionnel, on a tendance à en parler parce que la basse et la batterie vont en quelques sortes “planter les clous”. Les guitares et les claviers vont plutôt jouer des doubles croches, virevolter. Pour qu’ils puissent jouer librement, il est essentiel que l’ensemble basse-batterie soit solide. Mais au fond, dans un groupe, chacun est responsable du rythme. Si le couple basse-batterie est parfaitement synchro, mais que le guitariste joue ses cocottes à côté, ça n’ira pas. Et puis au fond, de toute façon pour le public, la basse n’a pas d’importance — je parle en général. Le public n’entend pas la basse, il la ressent. Ce qui retient l’attention du public, c’est le chant et la batterie, parce que le chant danse sur la batterie, et chante la mélodie. Donc c’est à eux de ne surtout pas se planter.


› Quels sont tes défis et tes envies pour le futur?

J’ai toujours envie de devenir meilleur, et que Jamiroquai vire son bassiste et m’engage (rires). Toujours les mêmes choses, quoi… En bref, continuer à vivre de ma passion, évoluer en tant qu’être humain et en tant que musicien. J’aime faire ce que je fais, donc j’en apprécie chaque moment, et si je devais distinguer une chose, ce serait la chance que j’ai de pouvoir voyager grâce à la musique, et d’être même payé pour le faire. Voir d’autres pays, d’autres gens, d’autres cultures, tout ça en jouant de la musique, et parce que je joue de la musique, c’est pour moi un bonheur.



› Bonjour François, tu es professeur de guitare indépendant depuis plus de 30 ans, peux-tu nous présenter ton parcours ?

J’ai commencé comme pianiste quand j’avais autour de 9 ans, avec une formation classique au conservatoire. A la base, je voulais jouer de la guitare, et ma mère m’avait donné l’alternative : guitare classique ou flamenco, mais ça ne me plaisait pas, et j’ai opté pour le piano, un peu par dépit, pas vraiment par choix.

Je me suis ensuite très vite intéressé à la pop, surtout Supertramp, au blues, notamment Jerry Lee Lewis, et ensuite à l’improvisation. En 9ème du cycle, j’ai joué mon premier concert pour le 10ème anniversaire des grandes communes, devant un public de 1000 personnes. Les professeurs avaient monté un groupe en choisissant parmi les élèves un super batteur, un super bassiste, un super guitariste… J’avais déjà un niveau assez bon, je faisais de la composition, et j’ai été choisi pour en faire partie.

Vers mes 18 ans, j’ai abandonné le classique, et je me suis tourné vers le jazz, que j’ai abordé avec Alain Guyonnet. Et puis un jour, un copain m’a prêté une Telecaster, un modèle de 62, et je suis passé à la guitare en autodidacte. J’ai ensuite pris des cours avec Gabor Kristof, un des fondateurs de l’ETM, chez lui, car l’ETM n’existait pas encore. Au fur et à mesure que je me suis investi dans la guitare, que j’ai voyagé, j’ai laissé tomber le piano.

Après il y a eu un temps durant lequel j’étais technicien chez Reuters, marié, etc. mais ma vie ne me plaisait pas beaucoup. Mon divorce a été l’occasion pour moi de changer certaines choses, et je suis parti en Angleterre pour apprendre l’Anglais, car je me sentais limité, notamment dans mon métier de technicien. Arrivé là-bas, j’ai découvert ce que c’était la guitare, la musique en Angleterre. Ça n’avait rien à voir avec ce que je connaissais, car le niveau était très élevé. C’est là que je me suis décidé à reprendre mes études musicales, mais aux Etats-Unis cette fois.

Pour y parvenir, j’ai bénéficié d’une subvention de l’Etat, grâce à mon parcours au conservatoire, et au fait qu’il n’existait pas de formation équivalente en Suisse. J’ai donc terminé mes études aux Etats-Unis, et je suis sorti diplômé avec les honneurs du GIT à Los Angeles. Je me suis donné à fond, et j’ai pu bosser avec Joe Dorio, Scott Anderson, Jennifer Batten… Ils m’aimaient bien, j’étais un bon élève, passionné, très investi. Et puis après, la vie a pris des chemins qui m’ont conduit à rentrer à Genève, et à m’y établir pour de bon.


› Quels sont tes styles préférés ? Comment as-tu évolué avec le temps ?

Mes styles préférés ont changé avec le temps. Au départ, quand j’étais pianiste, j’étais dans le rock progressif : Pink Floyd, Peter Gabriel, Genesis… Ensuite je suis passé à des trucs plus rock avec un côté “flash-guitare”, les guitar heroes. J’ai eu une grosse phase jazz/fusion, puis je suis revenu à la base, le blues-rock. Ce retour aux sources a été nourri par les rencontres que j’avais faites, bien sûr, comme celle avec Scott Anderson.

Actuellement, je suis donc plutôt dans le blues-rock, avec un côté hard – on n’oublie pas AC/DC ! Pour moi, l’aspect “héros” de la guitare reste important, même si j’en suis quand même venu à me concentrer sur le fait de jouer la bonne note au bon moment.


› Quelles sont tes guitares préférées ?

J’ai débuté sur une Tele, mais mon premier coup de cœur était la Les Paul, sur laquelle j’ai longtemps joué. Puis à la fin des années 90, j’ai commencé à m’intéresser aux Strats. S’en est suivi une phase de recherche un peu effrénée, durant laquelle j’ai essayé de concevoir, avec des luthiers, une guitare qui comporte les qualités que je trouvais à la Les Paul, mais aussi ce qui à mon avis lui manquait. C’est à ce moment que j’ai acheté une Strat un peu pourrie en attendant, mais figure-toi que cette guitare, qui me servait quelque part de tampon, est devenue ma principale, et j’ai envoyé balader toutes les guitares de luthier.

Ensuite, je me suis mis à assembler moi-même mes guitares, des “Partscaster”. Comme j’étais électronicien, c’étais facile pour moi, puis un jour, j’ai quand même acheté une Dealer Select aux US, une superbe Sunburst 65. Pour finir, étant fan de Kenny Wayne Shepherd, j’ai mis la main sur une Olympic White magnifique, Dealer Select aussi, et c’est ma guitare préférée depuis.

Maintenant, j’ai aussi évolué dans le sens où je me suis intéressé aux acoustiques il y a quelques années, et j’aime spécialement les OM 0000 de Martin.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare électrique? Que conseilles-tu à tes élèves de prendre en considération quand ils en achètent une ?

Il y a d’abord bien sûr une considération budgétaire à prendre en compte. Ceci étant dit, la chose la plus importante est le confort de jeu, sachant que le son vient beaucoup des doigts. Quand on a les moyens, on peut bien sûr choisir un instrument de haut niveau en termes de manufacture, de finition, et de marque, sur lequel il sera naturellement plus agréable d’apprendre à jouer, et plus aisé de sortir un joli son. Mais à la base, je recommande de choisir une guitare confortable à jouer.


› Tu as vu nos instruments en magasin, lesquels t’ont tapé dans l’œil ?

J’ai immédiatement été attiré par les guitares qui me correspondent, donc les Stratocasters de Fender, de toutes les années, et les OM de Martin. J’aime bien les Collings et les Bourgeois, qui sont de très bonnes guitares, mais personnellement je préfère les Martin. J’aime bien sûr les Les Paul, mais comme je ne joue plus dessus, et que je ne suis pas collectionneur, j’avoue qu’elles n’attirent plus vraiment mon regard.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

C’est une histoire qui remonte au moment où j’ai commencé à acheter des guitares, et je n’ai jamais été déçu. C’est un vrai magasin, authentique. Je me sens respecté comme client et comme musicien. Le service et la qualité des instruments sont au top, et justifient la légère différence de prix avec un magasin en ligne, qui ne me donne pas satisfaction en termes de soutien et d’accompagnement.


› En tant que musicien, on passe sa vie à apprendre. Quelles sont les dernières frontières que tu as repoussées musicalement ?

C’est vrai qu’on passe sa vie à apprendre en tant que musicien, et on pourrait d’ailleurs même en passer deux. J’ai brûlé des heures comme un mono-maniaque à bosser 6 heures par jour sur les gammes, les modes, le vocabulaire, la vélocité. Maintenant, le challenge qui me booste le plus est de jouer la bonne note au bon moment, du point de vue harmonique et rythmique, et la vélocité est passée au second plan. Donc je travaille sur le fait d’épurer mon jeu pour qu’il soit intéressant pour le public, et pas pour contenter mon ego.


› Je sais que tu as une approche particulière en matière de guitare-coaching, peux-tu nous en parler ?

Il est vrai que j’ai concentré mes efforts sur le coaching dans l’apprentissage de la guitare et de la musique, afin d’aider mes élèves à faire des progrès rapides en fonction de leurs objectifs, et de leur environnement social et professionnel. J’essaye de rendre le travail le plus ludique possible.

J’ai développé des concepts que je personnalise en fonction des élèves, le but étant de maitriser l’instrument à partir de positions, comme sur un clavier, et des gammes, des éléments harmoniques et rythmiques simples, pour leur permettre de s’exprimer de manière satisfaisante. Le rythme est crucial dans cette approche, car il n’y a pas de bon soliste qui ne soit pas aussi un excellent rythmique. Autour de cela, la maitrise de la pentatonique est un élément clé pour la plupart des guitaristes, bien sûr, et je cherche à transmettre la capacité à choisir les notes à y ajouter pour injecter de la musicalité dans une phrase. En une ou deux années, mes élèves sont ainsi capables de prendre du plaisir, et puis on avance ensuite à partir de là.


› Quels sont tes meilleurs souvenirs musicaux ?

Mes meilleurs souvenirs musicaux sont tous liés à une relation humaine, au partage du moment, de la musique avec des gens que j’apprécie en tant que personne, pas seulement comme musiciens. J'ai vécu une première aventure musicale importante avec un chanteur anglo-suisse et un contrat comprenant vidéoclip, CD, et production de haut-vol. J’en ai ensuite vécu une autre formidable avec un chanteur américain à San Francisco. Nous avons joué ensemble, enregistré en studio, signé un contrat, etc. C’était très difficile, mais c’était la vraie aventure. On ne peut pas toujours avoir des amis dans la musique, mais quand cela arrive, c’est magnifique

Actuellement, je travaille avec un chanteur américain basé à Genève, avec lequel est née une amitié, et nous faisons de la composition en duo, dans un cadre très authentique. Nous partageons des moments et des idées autour d’un feu de camp, d’une grillade, et en deux heures, nous abattons un travail énorme. Finalement, mes meilleurs souvenirs musicaux sont illustrés par les moments où une équipe s’entend parfaitement, sans embrouille d’ego, sans histoires, sans fâcheries… Le compréhension, l’échange, et le respect de chacun sont essentiels pour moi.




› Bonjour Marie, tu es clarinettiste professionnelle et professeure de clarinette au Conservatoire populaire, peux-tu présenter ton parcours musical ?

Mon parcours a essentiellement été un parcours de musicienne classique, à travers divers conservatoires, avec des clarinettistes tels que Bruno Martinez, Romain Guyot, et Florent Héau. J’ai ensuite terminé mes études à la HEM de Genève, un cursus au cours duquel j’ai tout de même fait une pause entre le Bachelor et le Master. Ça m’a permis d’aborder d’autres types de musique et d’autres milieux. Le tournant a été radical pour moi, car je me préparais alors au concours d’orchestre mais j’ai finalement tiré un trait sur ça. J’ai réalisé que j’avais envie de faire d’autres choses, notamment du spectacle, des groupes de chansons… J’ai donc conservé cette ouverture, et je ne suis plus jamais revenue en arrière.

Mes premiers groupes ont été Matka, un ensemble de musique contemporaine, et lorsqu’on s’est séparés, j’ai intégré Vidya. J’ai fait l’expérience de la gestion d’une petite institution : monter des dossiers de subventions, des programmes… J’ai aussi régulièrement travaillé avec Contrechamps, et également fait partie d’un trio de musique de chambre (clarinette/violoncelle/piano) qui s’appelait Prisme.

Aujourd’hui, je fais partie de la fanfare du Loup, je joue dans un trio qui s’appelle Meigmata, avec lequel on fait des compositions sous la contrainte de les composer à partir d’une métrique asymétrique ou impaire. Je joue aussi dans un groupe d’impro libre, qui s’appelle Parasite / sans S, un quatuor de bal folk, un répertoire auquel on se réfère comme néo-trad, qui s’appelle Frères de Sac 4tet, et bien sûr Id-Pop, avec Sergio, qui est un groupe de pop francophone. Enfin, je donne des cours au conservatoire, sur lequel je concentre mes disponibilités pour ce qui concerne l’enseignement.


› Quels sont tes styles préférés ? Comment ton approche a-t-elle évolué avec le temps ?

En tant que musicienne, et pour ce qui est du répertoire de la clarinette, mes styles préférés englobent tout ce qui est moderne et contemporain. Il y a bien sûr aussi de très belles pièces romantiques, et j’affectionne particulièrement la musique des Balkans et le jazz. Après, je ne joue pas typiquement de jazz, mais c’est un territoire que je développe avec la fanfare du Loup.

En tant que mélomane, j’écoute beaucoup de choses très variées : de la musique baroque, un peu de rock… J’aime bien les musiques complexes, les grosses pièces d’orchestre comme le Sacre du printemps de Stravinsky, ou le Concerto pour orchestre de Bartok. Et puis d’une manière générale, j’aime beaucoup toute les musiques traditionnelles au sens large. Toutes ces musiques que j’ai découvertes, de tous les pays, et particulièrement de France : la musique bretonne, auvergnate, savoyarde… Cela se distingue du folklore, car c’est moins lié à des fêtes de village, et plus intégré dans le quotidien des peuples. D’ailleurs je joue un peu de Duduk, un instrument traditionnel qui me permet d’aller chercher de nouvelles idées.


› Quelles sont tes influences principales ?

Mes influences viennent d’abord de chaque concert auquel j’ai assisté. Je ne jouais plus de la même façon après avoir écouté Portal et Galliano, par exemple. Evidemment, tous les styles qui m’intéressent m’influencent : la manière de jouer, les types de sons. Je suis très perméable, et bien sûr les rencontres que j’ai faites, les musiciens que je côtoie me marquent beaucoup. Les gens très créatifs, ou qui sont très spontanés, les improvisations et les solos très expressifs, laissent en général un empreinte assez forte sur mon propre jeu et mon approche. En collectif, le ping-pong d’idées enrichit évidemment ma manière de jouer. J’aime cette création dans laquelle on développe un thème ou une mélodie au point de ne plus savoir d’où ils viennent.


› Tu joues sur Buffet Crampon, quelles sont les qualités de ces instruments pour toi ?

J’ai une RC Prestige en Sib avec un corps en Greenline, un baril et un pavillon en bois. J’ai choisi cet instrument avec Bruno Martinez, mon professeur de l’époque, qui est un connaisseur, en allant directement à l’usine Buffet Crampon. J’aime particulièrement la facilité de jeu, et la possibilité qu’elle offre de changer de timbre aisément, en modifiant ma façon de jouer, le bec, ou les anches. C’est un instrument avec lequel je me sens très bien. J’ai aussi une RC en La customisée au niveau de l’intonation. C’est une clarinette que j’ai rachetée à mon professeur Romain Guyot, dont j’aime beaucoup la sonorité chaude et ronde. Il pourrait manquer un peu de brillance et de facilité de jeu, mais cela me permet de m’investir dans l’instrument à travers le travail que je fais avec. Enfin, j’ai une clarinette basse Tosca, qui est ma dernière acquisition. Je lui trouve une sonorité très douce, très pure, avec une grande facilité de jeu dans les aigus. Elle a aussi une belle projection, et comme elle est un peu plus courte, elle a beaucoup de punch, ce qui convient notamment avec la fanfare du Loup, car elle perce bien dans l’ensemble sonore, tout en gardant une grande chaleur. J’ai aussi de nombreuses fois joué de la clarinette contrebasse, et j’apprécie cet instrument qui grogne, très organique, même s’il est assez “high maintenance”. Les slaps sont énormes, il y a des multi-phoniques très riches.


› Je crois savoir que ton jeu a évolué avec le temps, peux-tu nous en parler ?

Mon esthétique de son idéale au début était vraiment le son classique très pur. Je détestais d’ailleurs le vibrato, que je trouvais de très mauvais goût. Et puis un professeur a su me faire entendre un léger vibrato en fin de note, ce qui a radicalement changé ma manière de voir les choses. En quittant la musique classique, et en m’intéressant aux musiques traditionnelles, j’ai ensuite découvert d’autres type de sonorités, et j’ai été surprise par la palette expressive qu’il est possible de couvrir. Du coup je me suis penchée sur les diverses variétés de sons, de la clarinette New Orleans qui piaille dans les aigus, aux instruments plus venteux, hyper expressifs dans leurs soi-disant défauts. Je joue encore avec un son très pur, coloré par du vibrato, du slap, du growl, etc., mais j'ai envie d'aller plus loin dans l'aspect granuleux du son. J’ai encore un peu de mal avec certains vibratos, comme le vibrato à la Sidney Bechet, car c’est parfois trop pour moi. D’une manière générale, mon écoute a énormément évolué, notamment à travers l’improvisation, où si je garde mon jeu classique, ça devient vraiment ennuyeux. Le nuances de jeu, les palettes de son, les ghost notes, toutes ces choses se sont ajoutées à mon approche et contribuent à enrichir mon jeu.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une clarinette ? Que conseilles-tu à tes élèves de considérer dans leur choix ?

Pour moi la première chose reste le son. La facilité de jeu est super importante aussi, car on peut aimer le son d’une clarinette, mais si on doit se battre contre elle ça n’ira pas non plus. L’homogénéité de l’instrument permettra de pouvoir se balader sur tous les registres, et je recommande aussi de tester toutes les nuances pour ne pas se sentir limité en jouant fort, et ne pas avoir trop de mal en jouant doucement. Enfin, je recommande aussi toujours d’avoir quelqu’un qui puisse donner un feedback sur le son, donc une oreille extérieure, parce qu’entre l’impression qu’on a en jouant et celle du public, il y aura toujours un décalage.


› Tu as vu notre sélection chez Servette-Music au magasin, qu’en penses-tu ? Y a-t-il un instrument qui t’a tapé dans l’œil ?

Concernant la clarinettes en Sib, j’ai eu un faible pour la Légende, que j’ai trouvée très facile de jeu, très pure, vraiment maniable à tous points de vue, la sensation ergonomique et la facilité de jeu, en ayant un tres joli timbre. La Tosca était aussi très agréable à jouer, un peu plus ronde. En La, la Divine emporte mon approbation. C’est une clarinette très douce et raffinée, à tel point que je n’avais plus envie de la lâcher. Et dans les clarinettes basses, la Tosca sans extension est souple et pure, et offre une palette sonore tres large. Vous aviez aussi une Selmer Privilège qui m’a surprise, car elle était plus facile à jouer que je ne le pensais. Elle a une autre esthétique sonore que les Buffet Crampon, très intéressante.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

C’est un lien de fidélité. Vous êtes toujours disponibles, avec un accueil chaleureux, et on finit par connaitre tout le monde chez vous, ce qui est agréable. Servette-Music est un endroit où je peux en toute confiance demander des conseils et essayer des choses. Il y a énormément d’instruments et de matériel. Je viens essayer tous les becs qui m’intéressent pour mes élèves, et je peux prendre le temps de m’installer et de choisir du matériel, ce qui est très précieux. Des gens de Servette-Music m’ont aussi donné des idées, fait essayer du matériel qui m’a amené à transformer mon jeu. Typiquement, Sergio m’a proposé d’essayer un micro interne, ou les effets sur un pedalboard, que j’ai intégrés à mon setup. Et puis tout ça a fini par créer des liens d’amitié, ce qui n’est pas un détail.


› En tant que musicien, on passe sa vie à apprendre. Quelles sont les dernières frontières que tu as repoussées musicalement ?

On continue bien sûr toujours à apprendre. Les dernières frontières que j’ai repoussées ont été l’improvisation, la composition collective en groupe, et la composition écrite seule, c’est-à-dire concrètement moi toute seule à ma table, devant une page blanche, et devant écrire pour 12 musiciens de la fanfare du Loup. J’ai par ailleurs démarré une formation autour de la respiration, qui reste fondamentale pour notre instrument. Pour ça je suis allé voir une spécialiste, Blandine Calais-Germain, et je pense qu’il était bien temps de m’occuper de cet aspect du jeu. Je suis aussi une formation d’harmonie jazz en ligne, qui fait partie des choses que je voulais approfondir.


› Quels sont tes projets actuels, tes défis, et tes envies pour le futur ?

Avec Meigmata, un trio batterie/piano/clarinette au sein duquel nous composons ensemble avec pour règle du jeu de composer avec des métriques impaires asymétriques. Nous sommes influencés par la musique des Balkans, qui emploie beaucoup ce genre de métriques, et nourri de jazz à travers nos différentes approches. Nous faisons donc aussi un peu d’improvisation.

Avec Parasite / sans S, un groupe d’impro libre totale, c’est le grand lancer dans le vide à chaque fois. Nous jouons sur-mesure en fonction des lieux et des contextes dans lesquels nous nous trouvons. Nous avons fait des ciné-concerts, avec de la danse, pour la remise du prix de BD Topfer. Ce sont ces contextes qui influencent notre musique, de nouveau dans une formation batterie/piano/clarinette. C’est pour moi le terrain de jeu de la clarinette sonorisée, avec utilisation de pédales d’effets.

Je joue également avec Frères de Sac 4tet, un quatuor de musique néotrad associée au bal folk, donc nous pouvons jouer pour du bal folk et en concert. Nous faisons ou bien des arrangements autour de musiques traditionnelles, des musiques collectées, retranscrites et arrangées à notre manière, ou bien des compositions de notre accordéoniste arrangées en groupe. Dans ce groupe, on retrouve des instruments un peu plus exotiques, tels que le nyckelharpa, la cornemuse, des flûtes à bec, de l’accordéon diatonique… Nous sommes deux à y jouer de la clarinette basse, ce qui fait son petit effet sur scène.

Je joue aussi dans Id-Pop avec Sergio Barbieri, un groupe pop-rock qui comprend voix/guitare/clarinette/boite à rythme. C’est de la musique que je n’aurais jamais abordée sans la rencontre avec Sergio, mais mes préjugés sur la pop ont été complètement désamorcés à partir du moment où j’ai commencé à travailler dessus. Avec Id-Pop nous avons plutôt fait du studio, et très peu de concerts jusqu’à présent, mais c’est l’étape à venir. C’est intéressant pour moi de travailler la différence entre des musiques qu’on enregistre en studio, avec autant de voix qu’on souhaite, et leur versions en concert à trois, où se pose la question de savoir ce qu’on garde de l’identité d’un morceau pour le faire vivre en live.

Je joue aussi dans la fanfare du Loup depuis un an et demi, un collectif avec des thématiques de concert hyper variées, allant de la cumbia, au hip-hop, au spectacle de marionnettes, à la poésie… C’est très hybride comme musique, et chacun y est appelé à arranger ou à composer, ce qui donne une jolie palette à l’orchestre, et des concerts assez surprenants.

En termes de défis, en ce moment pour moi c’est l’improvisation, davantage dans le style jazz, en trouvant mon chemin en gardant une certaine identité sans faire de copier/coller. Avec la fanfare du Loup, le challenge est de continuer à mener des projets jusqu’au bout, ce qui n’est pas si facile car cela prend du temps. Enfin, mon envie en ce moment est de revenir à la scène du spectacle, qui exige un investissement de temps assez colossal pour la création et la mise en place.


› Quel est ton meilleur souvenir musical ?

Mon premier choc musical était l’écoute du Sacre du printemps de Stravinsky en fouillant dans la discothèque de mes parents. Mon dernier souvenir dans les études était le Concerto pour orchestre de Bartok dirigé par Gabor Takács, qui est capable de faire lever tout un pupitre de violons pour qu’il soit plus mobile et que les musiciens s’éclatent en jouant. Et puis il y a un concert de Steve Reich avec Contrechamps auquel j’ai participé lors d’une fête de la musique dans la cour du Musée d’art et d’histoire. Voir les gens debout, avoir le sentiment d’embarquer tout un public était une expérience formidable.



› Bonjour Marek, tu es professeur de guitare classique au Conseratoire Populaire depuis 2005, quel est ton parcours musical ?

Mon parcours est un peu atypique. J’ai commencé sérieusement la guitare tardivement à l’âge de seize ans en arrivant de Pologne. Après mon Bac International je suis entré à l’Université de Genève en musicologie. Pour poursuivre ma formation, j’ai cherché un professeur de classique qui pouvait aussi m’initier au flamenco, un style qui m’avait toujours attiré. Je l’ai trouvé en la personne de Pedro Ibañez qui enseignait dans la région parisienne. En même temps, l’Université permettait de suivre les cours théoriques du diplôme du Conservatoire au sein d’un cursus spécial, et j’ai pu compléter ainsi ma formation.

Quand j’ai atteint la demi-licence, je suis parti pour la Manhattan School of Music à New York. J’y ai fait des rencontres formidables qui m’ont permis de beaucoup évoluer. Cette année a été très riche du point de vue musical. J’ai étudié avec le grand guitariste Manuel Barrueco, j’ai rencontré le compositeur Arthur Kampela qui est devenu mon ami. Nous allions dans les petits clubs de jazz où l’on pouvait encore voir les grands musiciens de l’époque tels que John Scofield, Joe Lovano ou Egberto Gismonti.

De retour à Genève, j’ai terminé l’université, et je suis rentré en virtuosité à Lausanne dans la classe de Dagoberto Linhares, où j’ai obtenu la Licence de Concert en 1996. Voilà pour le côté académique. Parallèlement, j’ai rencontré un immense pianiste classique, et un pédagogue hors-normes, György Sebők, à Bloomington. Je suis d’abord allé le voir comme auditeur dans ses masterclasses à Ernen, puis je suis devenu un des rares guitaristes qu’il a acceptés comme participant. Son approche humaniste de la musique m’inspire tous les jours.

Depuis toujours j’ai beaucoup enseigné dans le privé, puis en 2005, j’ai obtenu un poste au Conservatoire Populaire, où je me sens très à l’aise au sein d’une formidable équipe. A côté de l’enseignement, je me suis aussi lié d’amitié avec des musiciens d’un groupe celtique, Celtofools, avec lesquels j’ai joué beaucoup de concerts sur les scènes romandes. J’ai aussi accompagné Oscar Mancino, un baryton italien, spécialiste de Bel Canto Napoletano, dans le répertoire de chanson napolitaine.


› Quels sont tes styles préférés ? Comment as-tu évolué avec le temps ?

La musique de Bach m’a toujours fasciné. Depuis une dizaine d’années, je poursuis un projet novateur avec un ami de trente ans, Ricardo Lopes Garcia, un de mes premiers profs. L’idée est de repenser les transcriptions pour guitare avec comme base un accord inédit, et tout revoir : les doigtés, l’articulation, et l’harmonisation. Nous essayons d’imaginer ce que Bach aurait fait sur cet instrument qui n’existait pas à son époque. Il y a deux disques à la clé, enregistrés par le mythique preneur de son Jean-Claude Gaberel, et nous continuons à travailler animés par la même passion.

Mon autre style de prédilection est le flamenco, que j’ai découvert avec Paco de Lucìa. La première fois que j'ai assisté à un de ses concerts, j’ai entendu des passages qu’auparavant j’avais pensé être exécutés par plusieurs guitares. Mais non, c'était juste lui. Il faut le regarder jouer pour se rendre compte de la profondeur de son talent, car il n’a pas laissé d’élèves derrière lui, auxquels il aurait enseigné ses techniques. Il n’y a pas une école ou une méthode Paco de Lucia. Je regarde donc des vidéos, et c’est toujours impressionnant d’observer la modernité de son approche, ses doigtés, ses harmonies et son éblouissante technique. C’est une manière d’entrer dans son monde à lui. L’objet n’est pas de copier, mais de passer par là, pour s’inspirer de son style de composition.

Je me suis aussi récemment intéressé aux guitaristes folk qui emploient des techniques de picking comme Chet Atkins, ou Tommy Emmanuel, et dont le jeu n’a rien à envier aux performances des musiciens classiques. Sylvain Luc, aussi. La liberté avec laquelle il évolue dans ses improvisations est bluffante.


› Quels sont tes guitares préférées ?

Voici ma guitare, c’est ma préférée : une Lowden classique, que j’ai achetée ici, et une Bellido flamenca, que j’ai achetée à Grenade. Parti en Espagne pour acheter une guitare, mon état d’esprit était d’en prendre une si j’avais un coup de cœur. A Séville et à Grenade, j’ai essayé beaucoup de choses, très chères, des attrapes-nigauds. Et puis je suis allé chez un luthier, qui avait trois guitares identiques, faites du même morceau de bois. Pour deux d’entre-elles, je ne les aurais jamais achetées. Mais la troisième, la mienne, c’était le coup de foudre. Parfois je regrette de ne pas essayer plus de guitares. D’un autre côté, rester fidèle à ses instruments permet de très bien les connaitre. Aucun choix n’est mauvais, mais du coup, je n’ai pas vraiment une vision de ce qui se fait.


› Tu as vu nos instruments en magasin, lequel a retenu ton attention ?

Je ne regarde pas les instruments, car je ne suis pas à la recherche d’une guitare. Quand un ami me montre une guitare, je m’y intéresse, bien sûr, mais je n’ai pas d’élan particulier qui me rendrait attentif aux instruments que je vois autour de moi.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

J’ai acheté ma première belle guitare en 1981, une Hopf, modèle Madrid, jouée actuellement par mon neveu. Je l’ai gardée pendant très longtemps, elle m’a bien servi. Plus récemment, j’ai acheté la Lowden classique, avec table en épicéa. Elle m’a plu tout de suite, avec ce son équilibré, et le confort du manche. George était venu lui-même la présenter pour un concours ici à Genève, et je me souviens avoir réorganisé mes priorités financières pour l’obtenir, au nez et à la barbe d’une guitariste américaine très intéressée, elle aussi. Maintenant, j’envoie tous mes élèves chez vous, et Sergio est comme un ami. Je n’ai pas encore rencontré votre nouveau luthier, car je n’ai pas eu de problèmes de lutherie depuis un moment (rires).


› Quels sont tes projets musicaux actuellement ?

Continuer mes transcriptions de Bach. Nous n’en sommes pas au bout, et je pense que ma retraite va encore être consacrée à essayer de terminer ce vaste projet. J’ai la possibilité d’éditer mes partitions par les éditions Bergmann, et je vais m’y atteler ces prochaines années. J’anime aussi un module flamenco pour les guitaristes classiques au Conservatoire. Comme je suis moi-même à la frontière entre le flamenco et le classique, c’est certainement une des voies qui me convient le plus. A part cela, faire vivre le répertoire avant-gardiste de mon ami Arthur Kampela, dont la musique est, apparemment, très loin du classique ou du flamenco, mais qui porte en elle une réflexion profonde et unique sur le monde contemporain, est un challenge passionnant.


› Comment l’enseignement de la guitare classique a-t-il évolué au cours des années dans ton expérience ?

Au conservatoire, on essaie de donner des bases solides. La façon d’enseigner évolue, bien sûr, mais certains morceaux fondamentaux restent au cœur de l’apprentissage. Après, aujourd’hui on répond bien sûr aux élèves quand ils nous demandent de leur apprendre une sonnerie de téléphone, ou une musique de jeu vidéo. Ils ont les yeux qui brillent tellement, c’est impossible de résister.

D'une manière générale, internet a pas mal changé la donne, notamment en termes de découverte : on peut partager plus de musique très facilement, échanger des idées, à travers cette vaste bibliothèque/discothèque. J’ai aussi l’impression que les jeux vidéos ont posé une certaine empreinte sur l’approche de certains jeunes, qui ont parfois l’air de se dire “j’ai fait une fausse note, mais c’est pas grave, j’ai encore sept vies, je peux continuer” (rires).


› Merci Marek, et bonne continuation...

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Ecoutez Marek Wegrzyk :

Interprétations de Bach et d'A. Kampela

Interprétations de Bach



› Bonjour John, après plus de 50 ans comme sideman, tu sors ton premier album. Avant d’en parler, peux-tu raconter brièvement ton parcours ?

J’ai décidé que ma vie serait de jouer de la guitare en voyant Hank Marvin jouer Apache à la télévision. Mon père travaillait à la BBC, et nous avions une des premières télés couleur : je suis tombé amoureux de la Strat rouge. Mes parents m’ont soutenu, et du coup je n’ai plus cessé de jouer. Je suis entièrement autodidacte, j’ai appris en reproduisant ce que j’entendais sur les disques. J’adorais le son, et le vibrato. J’ai eu mes premiers gigs à 13 ans en Angleterre, et je suis partit sur la route très tôt.

Je suis arrivé à 17 ans à Genève, et j’ai joué du rock et du blues avec plein de monde, d’ici et de passage. J’ai eu un contrat pour faire les sessions pour les albums de Daniel Balavoine, et une de mes cartes de visite est que je suis le guitariste qui a joué sur Laziza. J’ai ensuite notamment joué et tourné avec Patrick Bruel et Catherine Lara, et sur plus de 300 albums, en fait, donc ce n’est plus trop la peine de compter…


› Comment s’est concrétisé le projet de faire ton album ?

Quand il y a eu le Covid, tout s’est brusquement arrêté. Il n’y avait plus de concerts, plus de sessions, et comme beaucoup de gens, j’étais coincé à la maison. Je me suis donc mis à écrire de nouveau, et à chanter dans mon home studio. J’ai enregistré une dizaine de titres pour une maquette avec le batteur, Jean-Louis Bianchina, qui était notamment batteur dans le groupe de Nulle Part Ailleurs, mais que je connais car on a joué ensemble avec les artistes de variété de l’époque, et je les ai mis de coté. Puis quand par la suite nous sommes retombés sur ces enregistrements, et Jean-Louis m’a convaincu d'en faire un vrai disque.

Dans tout ce processus, j’ai repris goût à écrire et à chanter. J’ai aussi pris du plaisir bien sûr à jouer de la guitare, mais surtout à travailler avec Jean-Louis sur la production. En termes de logistique, nous avons enregistré cet album entre les studios de Jean-Louis pour la batterie, chez moi pour mes parties, et chez Ivan Rougny pour la basse. Nous l’avons mixé chez Jean-Louis, puis fait le mastering à Paris. Et c’est mon beau-frère qui a fait l’artwork !


› C’est un album très personnel. Peux-tu en dire plus pour nos lecteurs ?

C’est en effet un album très personnel, qui s’appelle Life. J’avais envie d’écrire sur la vie et sur ma vie, pour raconter ce que j’ai fait, pourquoi je l’ai fait… Je voulais rester proche de ce que je ressentais, et je pense que ça transparaît. Il y a donc par exemple un morceau qui raconte mon arrivée à Genève quand j’étais jeune, dans lequel je raconte ma vie sur la route. Il y a des morceaux sur ma femme, sur chacune de mes filles, mes petits enfants… Gölaz, avec qui je joue depuis 20 ans, m’a appelé après avoir écouté le disque, pour me dire qu’il avait eu l’impression que j’étais à côté de lui en train de lui raconter ces histoires...


› Quel son utilises-tu sur cet album ?

Pour mon son quand je joue, je mets beaucoup moins de saturation ces derniers temps. J’aime de plus en plus le son clean donc j’ai beaucoup choisis ça. Je joue aussi beaucoup en fingerpicking. J’essaie d’imiter mon idole, Jeff Beck, mais il me manque son génie. Ma musique de base c’est quand même le blues-rock et la pop. J’aime aussi le rap et le hip-hop, et j’ai un petit penchant pour les sons modernes, que j’ai pas mal utilisés dans mon album.


› Quelle suite vas-tu donner à cette aventure ?

Probablement Life 2, puis Life 3… En fait j’ai 28 morceaux déjà prêts. Pour ce qui est du groupe, il y a donc Jean-Louis Bianchina à la batterie, Ivan Rougny de Mörglbl à la basse, et moi à la guitare et au chant. Comme je ne peux pas faire tout seul sur scène tout ce que je fais sur l’album, nous avons quelques talents qui nous accompagnent : Yves Staubitz, un des meilleurs guitaristes que je connais, joue la guitare rythmique ; j’ai pris Meghan et Hannah des Woodgies comme choristes, car elles sont excellentes, et Christophe Duc, un professeur et producteur formidable à Genève nous a rejoint pour les claviers.


› Qu’est-ce que ça te fait de passer de sideman à frontman ?

A la base j’adore jouer pour les autres, et j’ai eu une grande chance dans ma carrière. Au beau milieu des années 80, où en général, les artistes faisaient un album avec des musiciens, et ensuite une tournée avec d’autres, j’ai joué sur les disques des artistes que j’accompagnais. Donc je jouais mes parties, c’était facile. Là c’est pareil, je joue mes parties. Avec l’âge, ça me va d’être le leader. Je m’estimais meilleur derrière plutôt que devant, mais tout s’apprend.


› Quels sont tes guitares préférées ? Avec quoi joues-tu aujourd’hui ?

Mes guitares préférées, ce sont les Strats. Avec une Strat, je peux tout faire, et surtout jouer avec le vibrato, que j’utilise beaucoup. Quand il est bien réglé, la guitare sonne juste, et je monte mes guitares avec un tirant léger, du 9-46, donc je n’ai pas de problèmes. J’ai trois Strats, dont une fretless. J’ai aussi une Les Paul dont j’ai fait vider le corps à l’arrière pour qu’elle soit plus légère, et placé les potards selon un layout un peu comme celui d’une Telecaster. J’aime aussi la Telecaster, d’ailleurs, dont j’ai un exemplaire que j’ai assemblé à partir de pièces trouvées sur le net sur laquelle j’ai fait monter des micros Lollar. J’ai aussi une Grestsch, et une Rickenbaker, et il y a évidemment quelque chose de spécial dans chaque type de guitare, mais ce trio est légendaire : Strat, Les Paul, Tele. En acoustique je suis passé par tout : les Martin, les Gibson, etc. En ce moment, j’ai une Collings qui est monstre bien. C’est très cher, mais c’est très beau : ça sonne comme un Steinway.



› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare ?

Le manche et le réglage. La guitare doit sonner juste. Je me souviens que quand j’étais gosse, on jouait sur des guitares très mauvaises. Il n’y avait pas des Squier super à 200 Francs comme aujourd’hui. On avait les premières Hofner, les Rosetti Lucky Seven… Des guitares pas terribles, on peut dire. J’aime jouer avec une action très basse, un peu trop pour mes amis guitaristes, d’ailleurs, donc le réglage est super important.


› Tu as vu notre sélection chez Servette-Music au magasin, qu’en penses-tu ?

Je viens depuis 30-40 ans, avec René Hagmann et Yves Imer on se connaît depuis longtemps maintenant, et pour moi la qualité des instruments sélectionnés a toujours été bonne. Là en ce moment, si je pouvais sortir avec une dizaine de guitares ce ne serait pas difficile d’en trouver des fantastiques, mais il n’est plus vraiment question de ça pour moi. Il y a beaucoup d’acoustiques superbes, je trouve : les Martin, les Lowden, les Collings, les Bourgeois… Niveau guitares électriques, les Fender Custom Shop sont toutes d’enfer. Ce n’est plus la peine de s’embêter avec le vintage, je peux te le garantir. Le son, le look, tout est top sur ces guitares.


› Comme ça fait longtemps que tu viens chez Servette-Music, pourrais-tu nous dire quelle est ton expérience ?

Excellente. J’ai acheté et vendu plein de guitares, fait faire des réparations, et j’ai toujours été bien servi. C’est sympa de venir boire un café et discuter de guitares. Pour la lutherie, le travail est impeccable, le nouveau luthier est super. Le seul problème, chez Servette-Music au fond, c’est que vous vendez aussi des batteries… (rires).


› Quel est le changement le plus marquant pour toi depuis que tu as commencé à jouer dans les années 60 ?

Internet. Avant, on enregistrait les albums ensemble au studio. On prenait un mois en groupe, pour enregistrer les parties, on répétait les morceaux ensemble. Désormais plein de projets se font à travers le monde, où chacun est dans son propre studio et les gens s’échangent les fichiers. On peut avoir l’Orchestre symphonique de Prague ou Manu Katche pour jouer sur son album sans payer une blinde parce qu’il n’y a plus besoin de les faire venir. Alors le son est super, mais l’ambiance, pas du tout. C’est sûr que c’est bien de pouvoir rectifier une note un peu fausse ou un temps mal marqué en post-production, et de ne pas être coincé avec des "pains" sur le master. Mais pour moi rien ne remplace le fait de jouer avec les gens, donc ça manque.



John Woolloff dans les années 80.

› Après toutes ces années et cette magnifique carrière musicale, quel est ton meilleur souvenir musical ?

Pour l’enregistrement de Laziza on était en studio en Ecosse au moment du Live Aid. On avait fait quelques dégustations de whiskey, et en rentrant on a allumé la télé et il y avait Status Quo, qui jouait Rockin' All Over The World. Je me suis levé et j’ai dit “on va enregistrer Laziza”, et j’ai rejoué quelque chose dans le genre, entassant même à côté d’une note. Le lendemain, Daniel (Balavoine, NdR) est arrivé et a voulu enregistrer le solo de Laziza. J’ai fait quelques prises, et ce n’était pas terrible. Daniel a demandé d’écouter ce que j’avais enregistré la veille, et on a essayé de lui dire que ce n’était pas la peine, mais quand il l’a entendu, il a dit “c’est ça que je veux”. Ce n’est pas du tout mon meilleur solo, loin de là… Mais ces trente secondes, avec un verre dans le nez, m’ont donné la carrière que je voulais. Et aussi probablement la seule pour moi (rires).



› Salut Pascal, tu es le fondateur et directeur d’Emagina-son depuis sa création il y a 10 ans. Avant d’en parler peux-tu nous présenter ton parcours ?

Mon parcours musical a commencé quand j’étais dans le ventre de ma mère. C’était une authentique chanteuse de flamenco de l’époque, formée dans les champs d’Andalousie de son enfance. Naturellement, j’écoute de la musique depuis toujours. Je pense que ça m’a apporté de la sensibilité mélodique et que ça a fait naître et grandir en moi l’amour de la musique d’une manière générale.

A 15 ans j'ai complétement trippé pour la basse, la guitare et la création musicale. En bossant sur les chantiers, j'ai pu me payer ma première vraie basse, sur laquelle j’ai appris de manière autodidacte et en prenant quelques cours. Puis j’ai voulu aller au cœur du sujet et je suis parti étudier au MIT à Los Angeles aux Etats-Unis pour suivre une formation pointue.

Après ça, j’ai vécu entre la Suisse, le Canada et les Etats-Unis, où j'ai participé à d’innombrables projets. Insatiable d'expériences musicales, j'ai rencontré autant de monde que possible, j’ai joué partout où je pouvais jouer, j’ai saisi toutes les opportunités. Puis au milieu des années 90, j’ai éprouvé le besoin de stabiliser ma vie et je me suis établi à Genève, où j’ai joué dans des groupes et commencé à enseigner.

En 2005, j’ai créé Emagina-son, qui était à la base un site de vente de trames sonores. C’était une manière de composer à la pelle des créations mêlant l'audio, le visuel et l'imaginaire. J’ai aussi créé Anima-Zic, qui proposait de l’animation musicale tout en continuant à donner des cours. En 2012, j’ai recentré mon activité sur l’enseignement en gardant le nom Emagina-son, qui correspond à mon concept d’intégration du visuel avec le son dans l’expression créative, et j'ai ouvert mon école de musique à Grand-Lancy en 2012.


› Quels sont tes styles préférés ?

Mes goûts ont évolué avec le temps. A mes débuts et jusque tard dans ma carrière, je jouais tous les styles : blues, rock, flamenco, musiques latines, disco… Toute opportunité était bonne à prendre et m'offrait un prétexte pour approfondir mes connaissances et affûter mon sens du rythme. Maintenant avec les années qui passent, je consacre mon temps à ce que j’aime le plus.

Actuellement je joue de la fusion, imprégnée de rock, de groove, de funk… On a eu la chance en Suisse d’avoir été à la croisée d’influences très diverses et cela ressort à travers une culture musicale qui a su mêler harmonieusement des styles avec de forts caractères. Et j’aime évidemment beaucoup le jazz, qui offre des possibilités d’expression très vastes.


› Sur quoi joues-tu en ce moment ?

Actuellement, je joue sur Fender Jazz Bass et j’utilise aussi une Music Man selon les projets. Ces instruments se complètent. Je n’ai pas encore trouvé la basse ultime, mais existe-t-elle ? (rires) Si je suis bien avec un instrument, mais qu’un nouveau projet en exige un autre, je m’adapterai et je changerai afin de trouver le son parfait pour l’occasion.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une basse ? Quel conseil donnes-tu à tes élèves ?

Ce qui est important c’est de se sentir à l’aise de jouer avec un instrument. Il faut avoir le bon feeling. Après il y a le son, le manche, les notes, mais tout ça c’est plus abstrait. Le feeling, celui qu’on a quand on pose ses mains sur l’instrument, il doit être agréable. Ça c’est crucial.


› Tu as vu nos guitares au magasin, laquelle t’a tapé dans l’œil et pourquoi ?

C’est salaud de me demander ça après m’avoir fait faire le tour, je n'arrive pas à choisir (rires). Toutes. Je peux dire toutes ? Sinon, les Läkland m’ont tapé dans l’œil. Les raisons sont toujours les mêmes : la sensation et le son.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

A une époque où je cherchais une guitare acoustique, j’ai acheté ma Martin OM-21 chez vous. Je trouve super appréciable de pouvoir choisir dans différents budgets qui représentent bien les catégories d’instruments vraiment intéressantes. Ensuite, c’est juste génial de pouvoir tester un instrument tranquillement, c’est-à-dire d’avoir à la fois le choix, et le temps de choisir, pas juste en quelques minutes. Donc plutôt positive..


› Quels sont tes projets musicaux actuellement ?

J’ai deux projets principaux : d’un côté il y a Metro, qui est un groupe de compositions rock avec des accents funk et blues. On écrit les compos tous ensemble à l’ancienne, en faisant des jams et la musique qui en ressort est très festive et punchy. Ça me calme en particulier cette faim de jouer des trucs qui arrachent un peu.

Et puis d’un autre côté il y a PH4, qui est un groupe de jazz beaucoup plus délicat dans son expression. C’est un jazz poétique, très imagé, qui offre un autre terrain d’expression. Avec PH4 par exemple, je joue fretless. On a un vibraphoniste avec nous qui apporte des atmosphères acoustiques avec beaucoup de richesse harmonique et des couleurs très chaudes.

Je participe et je contribue à des spectacles ponctuels. J'organise des concerts mensuels cartes blanches des profs à la Cave Marignac, j’ai des projets de création personnel en attente… Et puis surtout je dirige Emagina-son.

Comme je l’ai mentionné au début, Emagina-son est une école au Grand-Lancy qui propose des ateliers, des cours et des stages de musiques actuelles. L’approche spéciale dans l’enseignement d’Emagina-son est d’insister sur le développement de la créativité des élèves qui agit comme un exhausteur, un booster de créativité. Nous allons puiser dans l’imagination, l’image et le son, pour construire un langage et partager des émotions.


› La pandémie a obligé à beaucoup adapter les méthodes d’enseignement de la musique. Quelles sont tes observations au sujet des cours à distance et des tutoriels ?

Pendant la pandémie on a pu sauver les meubles avec les cours à distance. Pour les ensembles ou les groupes c’était ingérable, mais en 1-1 c’était passable durant un temps. Par contre on s’est rendus compte au sein de l’école et dans nos échanges que la dimension humaine finissait par manquer. On est humains et finalement, les profs comme élèves préfèrent les cours en live. Jouer de la musique c’est une expérience infiniment plus riche à partager ensemble que chacun chez soi dans son salon… En plus de cet aspect humain, il y a le niveau d’efficacité pédagogique qui est diminué dans les cours à distance. En présentiel on peut mieux observer l’élève et on a ainsi accès à plus d’information pour donner du feedback.

Avec les tutos c’est un peu similaire : ça répond à une demande et ça aide à certains moments pour remplir un besoin. Mais plus que de pures leçons de guitare avec plein de contenu, les élèves ont surtout besoin d’un coach, c’est-à-dire de quelqu’un qui peut détecter ce qui bloque et les aider à le débloquer, que ce soit au niveau technique ou au niveau créatif.


› Quels sont tes projets pour l’avenir ?

Depuis quelques années, nous proposons des stages de production et création musicale centrés sur l’exploitation des possibilités infinies qu’offrent les nouvelles technologies digitales. Les palettes sonores qui naissent de cela sont incroyables et il y a constamment des choses nouvelles à découvrir et à créer dans ce domaine.

En termes plus concrets, nous voulons continuer à développer des partenariats intéressants avec des acteurs locaux, associations ou entreprises, dans le cadre d’un projet à échelle humaine, qui ait une dimension presque familiale pour partager l’esprit d’Emagina-son.



› Bonjour Frédéric, tu es producteur musical, guitariste professionnel, et professeur de guitare à Genève. Quel a été ton parcours ?

Je suis guitariste, compositeur et producteur, et je travaille actuellement dans le domaine musical à Genève. J’ai commencé à prendre des cours de guitare pendant mon adolescence. Les expériences “jam” puis les concerts m’ont amené à suivre une formation en 1997 au Berklee College of Music à Boston. En 2002, je suis reparti à l’étranger pour compléter ma formation musicale en étudiant les bases de la production à la SAE à Bangkok. De retour à Genève depuis 2004, je participe à divers projets commerciaux et artistiques. En 2011, j'ai fondé Line-Up, société de production au sein de laquelle je suis concepteur et réalisateur musical. Parallèlement, j’enseigne la guitare en privé chez guitar-coaching.com.


› Quels sont tes styles préférés ?

Je suis de nature assez ouverte, j’aime la diversité. J’écoute un peu de tout : classique, pop, rock, jazz... En tant que concepteur musical et guitariste, je travaille également pour des projets commerciaux et artistiques dans des genres très divers. Ça me permet de faire varier les plaisirs et d’évoluer musicalement. En production, je peux passer du jingle radiophonique à une composition pop, d’une musique à l’image pour une pub, à un arrangement rock pour un titre. Avec mon groupe Sonicshift on est plutôt dans un mood funky, groovy, jazz, donc au final c’est tout un programme…


› Quels sont tes guitares électriques préférées ?

En 1997, j’ai acheté une Gibson E-335 que je n’ai plus lâchée depuis. J’aime son côté polyvalent. D’un côté elle a un son chaud, approprié pour le jazz par exemple, et de l’autre, elle a un son brillant et percutant, proche d’une solid body, pour une approche plus rock. C’est un super compromis entre une Les Paul et une ES-175. En plus certains modèles ont l’avantage d’être plus légers, ce qui les rend plus agréables à jouer en live. Donc voilà : Gibson ES-335, j’adore !


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare électrique ? Que conseilles-tu à tes élèves ?

Je pense qu’il n’y a pas de règles, et que le coup de cœur est parfois de bon conseil. Ceci dit, il y a différents paramètres à prendre en compte dans le choix d’une guitare. Le style acoustique folk ou classique ? Ou plutôt le son rock, pop, jazz ? Ça permet déjà de faire un tri. Ensuite, le budget compte aussi. Personnellement, je ne recommande jamais du bas de gamme pour les débutants et les élèves intermédiaires. Autant prendre une location si on n'est pas sûr de poursuivre avec l’instrument. Je conseille donc à mes élèves de prendre une guitare avec laquelle ils peuvent se projeter quelques années selon leurs styles préférés, leurs goûts et leur niveau.


› Tu as vu notre sélection chez Servette-Music au magasin, qu’en penses-tu ?

Je trouve la sélection chez Servette diversifiée, il y a en a pour tout les goûts avec des gammes de prix variées. Pour ma part, j’aime l’espace Custom Shop, il y a un choix qui fait rêver.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Je suis un client de Servette-Music depuis longtemps, et je recommande systématiquement à mes élèves de passer au magasin pour le choix des guitares et pour les super conseils de Sergio. L'atelier lutherie et le service après-vente sont également d’excellente qualité !


› Je sais que tu as une approche particulière en matière de guitare-coaching, peux-tu nous en parler ?

Chez Guitare Coaching la méthode d’enseignement est adaptée selon le niveau et les objectifs des élèves, la source de toute progression étant le plaisir et l’envie de se réaliser. Guitare Coaching propose trois types d’approches aux élèves selon leurs acquis, leurs aptitudes et leur motivation. La première approche est dédiée aux élèves qui veulent juste jouer de la guitare pour se divertir. Elle englobe un apprentissage musical simple à l’aide d’un répertoire de chansons et de morceaux contemporains selon le choix des élèves.

La deuxième approche s’adresse aux élèves ayant une certaine pratique de la guitare. Un programme est établi avec des objectifs clairs en tenant compte des aptitudes et des acquis de chacun. La troisième approche est proposée à celles et ceux qui veulent avoir des conseils sur la base de leurs propres improvisations, accompagnements ou interprétations. C’est une approche “coaching” concrète qui permet aux élèves de prendre du recul sur leur niveau de jeu, d’améliorer leurs technique et leur musicalité. Mon site guitare-coaching.com explique en détail ces trois approches.


› Tu as touché un peu à tout au cours de ta carrière, y compris à la production musicale, peux-tu nous en parler ?

La production musicale est un domaine super passionnant. Ça me permet de passer dans des univers musicaux divers avec la casquette du compositeur, de l’arrangeur et du mixeur. Mes projets sont divers : parfois commerciaux (jingles, habillages, musiques à l’image), parfois artistiques dans les styles plutôt pop, rock ou jazz. Une partie de mes réalisations est disponible à l’écoute sur line-up.agency.


› Quels sont tes projets musicaux actuels ?

Actuellement, je bosse sur des mix de nouveaux titres de mon groupe Sonicshift, et très prochainement sur un projet de compos pour de jeunes artistes suisses.


› Quel est ton meilleur souvenir musical ?

J’ai beaucoup de bons souvenirs de concerts, mais ce qui me vient en tête ici est celui de l’été dernier, où j’ai joué en duo guitare-voix avec ma fille de 13 ans, qui a aussi participé à l’édition The Voice Kids Paris en 2022.



›Bonjour Edwin, tu es professeur de batterie et percussion à l’ETM et tu fais une belle carrière en tant que percussionniste et batteur. Peux-tu présenter ton parcours musical ?

Je viens d’un quartier populaire de Caracas au Venezuela, d’où sortent tous les grands musiciens de la région. J’ai commencé avec la danse, quand j’avais 6 ans, sur fond de musiques afro-caribéennes, car on apprenait à jouer tous les styles latins. Cela m’a introduit dans le monde des percussions et a ancré en moi la connaissance de toutes les musiques d’Amérique du Sud, de la rumba à la salsa. A part la danse, j’ai eu la chance de faire aussi un peu de cinéma, mais j’ai vraiment eu le déclic avec les percussions. J’ai su que je voulais devenir musicien, et je me suis mis à travailler beaucoup dans ce sens.

A 18 ans je suis venu à Paris, où j’ai fait des rencontres formidables, qui m’ont ouvert des portes. J’ai ainsi notamment joué la percussion sur la bande son du film Incontrôlable, et joué avec Cheik Amadou Tidiane Seck, un claviériste malien bourré de talent. J’adorais cette scène parisienne, sur laquelle je pouvais aborder tous les styles avec mes instruments, sans être cantonné à un genre.

Depuis, j’ai fait une carrière en tant que percussionniste de Steve Winwood, et j’ai travaillé avec Rodrigo y Gabriela, et Mercado Negro, un orchestre fameux de musique latine, avec qui on a accompagné tous les artistes les plus connus de la scène salsa, etc. J’ai aussi mon projet, qui s’appelle tout simplement Edwin Sanz. J’ai réalisé deux albums, et on vient de sortir un single pendant la pandémie.

Et puis en ce moment je travaille avec un pianiste très renommé en France qui s’appelle Thomas Enhco, avec son frère trompettiste David, et un chanteur lyrique Emiliano Gonsalez, et une chanteuse de flamenco, Paloma Pradal, un contrebassiste Jérémie Bruyère. Ensemble, nous reprenons toutes les chansons de Violeta Parra dans un projet qui s'appelle Violeta meets Jazz. Enfin, j’enseigne au conservatoire depuis 4-5 ans, et j’ai rejoint l’ETM, où j'enseigne les percussions latines, il y un peu plus d’un an.


› Quels sont tes styles préférés ? Comment ton approche a évolué avec le temps ?

Pour moi il y a quelque chose de beau à trouver dans tous les styles. Si on parle de zone de confort, c’est bien sûr la musique latine. Mais j’ai eu la chance, comme quand j’ai joué avec Rodrigo y Gabriela, d’aborder des approches différentes. Ils viennent du rock, et j’ai donc écouté et analysé la manière dont frappent les batteurs de rock pour m’inspirer. Avec Steve Winwood, j’ai dû m’appliquer à apprendre ce qu’avaient fait mes prédécesseurs. Le percussionniste de Traffic par exemple était africain, et il avait une façon de jouer les congas en remplissant plus d’espace. Pour reproduire ces impressions, j’ai donc enrichi ma manière de jouer.

Là j’apprends à jouer du jazz, c’est un super challenge. Repiquer les solos, analyser la manière dont les batteurs attaquent ou retiennent leurs coups sur la caisse claire, les nuances de jeu, les sonorités… Ça n’a rien à voir avec ce que fait un batteur de rock ou de musique latine. En tant que percussionniste je dois savoir à la fois accompagner l’ensemble et tenir la baraque, mais le contexte change selon les projets, et je dois dire que j’aime évoluer plus que jouer un style en particulier. Je me considère toujours comme un étudiant, qui doit apprendre tous les styles.


› Quels sont tes instruments préférés ? Sur quoi joues-tu aujourd’hui ?

Actuellement j’ai un contrat avec Gon Bops, une des marques les plus anciennes aux US, et je joue sur leurs instruments avec beaucoup de plaisir. La qualité et les finitions sont exceptionnelles, et le son est naturellement fantastique. Je joue avec des timbales Luisito Quintero, des congas Robert Quintero, et tout le reste de leur gamme, en fait. J’utilisais des cymbales Sabian et des baguettes Ovation jusqu’à il n’y a pas si longtemps, mais je viens de changer pour des Istanbul Agope et des baguettes Vater, car je cherchais à produire un son plus chaud.

Pour la batterie, j’aime beaucoup les Gretsch. J’adore leur son. Là j’en ai une des années 80 pour le jazz, il me semble que c’est une Brooklynn. Elle a un son soft, chaleureux, et ça me plaît. J’apprécie aussi le son des Sonor, et celui des Yamaha.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans un instrument de percussion ? Quels conseils donnes-tu à tes élèves qui souhaitent en acheter un ?

Je conseille toujours à mes élèves de se laisser guider par le son et leur ressenti au toucher, aussi bien pour les percussions que pour les batteries. Quand on frappe, la résonance doit être l’élément principal qui motive le choix. Je leur dis aussi que ça reste subjectif, car on n’est pas tous sensibles aux mêmes choses, et que c’est donc important de suivre leur instinct, et leurs goûts personnels.


› Tu as vu notre sélection chez Servette-Music au magasin, qu’en penses-tu ?

Il y a des marques fiables et une grande diversité. Quel que soit le style qu’on joue, on peut trouver dans votre sélection un instrument qui conviendra parfaitement, et ce sera un bon instrument. Je parlais d’ailleurs avec mon prof de batterie de jazz, et quand il a cherché un magasin pour acheter une batterie, après quelques recherches, son choix s’est finalement porté sur Servette-Music.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

C’est à Stephan Montinaro que j’ai acheté ma première batterie, il y a une quinzaine d’années. J’en ai un excellent souvenir. Le fait d’être accueilli par un musicien et un spécialiste, pas un commercial, est un gros plus. Les conseils sont bons et c’est agréable et sécurisant, en tant que client et musicien, mais aussi en tant que professeur quand j’envoie mes élèves, car je sais qu’ils seront bien accompagnés.


› Pourrais-tu nous présenter tes projets en ce moment ?

A cause de la pandémie, la tournée prévue avec Steve Winwood a été annulée. Actuellement, je prépare plusieurs albums en mon nom : un nouvel album de musique latine, un autre plus fusion, dans lequel j’aimerais démontrer mon jeu à la batterie, et enfin un autre plus jazz/fusion sud-américaine.

En tant que sideman, je viens d’enregistrer les percussions pour l’album d’un contrebassiste sud-américain qui s’appelle David Blido, et nous avons des concerts prévus ensemble. Il y a ce projet jazz autour des chansons de Violeta Parra dont je t’ai parlé au début, et Mercado Negro, avec qui nous avons des dates aux Pays-Bas prochainement… Au milieu de tout ça, j’essaie quand même de passer du temps avec ma famille, car c’est important pour moi.



›Bonjour Christian, tu es professeur de guitare et tu as joué avec presque tous les musiciens de la région. Peux-tu nous parler de ton parcours musical ?

Mon parcours ressemble beaucoup à celui des musiciens qui ont démarré au début des années 70 : premier coup de foudre absolu avec les Beatles, et puis comme des dominos, les amours se sont enchaînés. Hendrix, Led Zeppelin, les Rolling Stones, Black Sabbath… Ces gens incroyables, qui ont inventé des genres, comme le hard rock et le metal, ont eu une influence majeure à mes débuts.

Comme on parle des années 70, l’info circulait exclusivement par le bouche à oreille. A cette époque, il n'y avait qu'un seul magasin de disques très pointu à Genève qui distribuait des imports US. J’avais un copain à l’école qui fréquentait beaucoup ce magasin, et qui m’a fait écouter des trucs auxquels je n’aurais jamais eu accès sans cela : bluegrass, folk pur et dur, mais aussi proto-punk, rock progressif, et même jazz, un style pour lequel je n’avais pourtant aucune affinité particulière, mais en écoutant Miles Davis, les choses ont changé, et ce fut une révélation.

Assez naturellement, j’ai donc eu envie de prendre une guitare quand j’avais 14 ans. J’ai pris des cours de guitare classique au conservatoire populaire avec Angelo Lazzari, un prof extraordinaire, qui a bien vu au bout d’un moment que j’étais intéressé par le blues, et qui m’a encouragé. J’ai eu une chance incroyable, parce qu’à cette époque, l’enseignement de la musique était encore assez… rigide, disons.

Je me suis ensuite très vite fait happer par la guitare électrique, et j’ai eu la chance de jouer avec Le Beau Lac de Bâle. A travers cette expérience, le bassiste Pierre Losio m’a fait découvrir l’AMR, et je me suis lancé à fond dans les musiques improvisées. J’ai joué dans des dizaines de groupes là-bas, souvent aux frontières du jazz et du rock, et participé à des ateliers. Les rencontres que j’y ai fait m’ont ensuite conduit à faire de la musique pour et avec des compagnies de théâtre et de danse, comme notamment le Théâtre du Loup.

Jusqu’à 50 ans j’ai ainsi travaillé comme indépendant, aussi bien en tant que prof qu’en tant qu'interprète/compositeur. Et puis un jour toute cette expérience m’a valu d’être recruté comme prof pour la classe pré-pro de la section jazz du conservatoire populaire. Mais je réserve toujours au moins la moitié de mon temps pour les gigs.


› Comment ton approche a-t-elle évolué avec le temps ?

Je suis ouvert à plein de styles, du blues archaïque, bien antérieur à celui de Robert Johnson popularisé par Keith Richards et Eric Clapton, au jazz, en passant par toutes les nuances de rock, de musiques sud-américaines et de toutes les musiques improvisées. Au final, mes préférences vont quand même vers le blues électrique et le jazz, mais j’écoute de tout, du classique au métal. En termes d’approche, je suis tombé un jour sur un disque appelé La guitare à Dadi. Marcel Dadi était ce virtuose français génial qui a notamment popularisé la tablature grâce au livre qui était vendu avec le disque. Il y démontrait le travis picking, et j’ai commencé à travailler les basses alternées comme ça. J’ai aussi beaucoup été inspiré par l’approche flat picking Clarence White des Byrds ou de Neil Young, qui utilisent la main droite comme instrument de percussion, comme dans Cowgirl in the Sand ou encore Heart of Gold.

A part mes débuts au conservatoire populaire, j’ai continué en autodidacte, donc en développant une approche très intuitive de la musique. Comme je joue avec beaucoup de monde, je suis très attentif au jeu d'ensemble, à l’interaction musicale dans l’instant.


› Quels sont tes guitares folk préférées ? Sur quoi joues-tu aujourd’hui ?

Ma première guitare folk était une Yamaha, que j’avais achetée chez Caspar Wicky. Elle sonnait bien pour moi, et c’est une marque qui fait encore des instruments supers aujourd’hui. Puis autour de mes 19 ans, un ami m’a apporté une Martin D18 de Londres. C’était ma première guitare haut de gamme. Une D18 c’est quelque chose de fantastique, mais je ne suis pas arrêté là. J'ai même eu une Ovation ! J’étais curieux, j’observais ce sur quoi jouaient les musiciens que j’admirais, et ça m’a conduit à essayer beaucoup de choses.

J’étais quand même assez peu satisfait par les modes, et puis un jour j'ai posé mes doigts sur une Martin D28. Ce n’est pas un classique pour rien, on peut tout faire dessus car elle sonne bien dans tous les registres, et toutes les situations. J’ai aussi joué sur Lowden pendant quelques temps, puis je suis revenu sur des triple 000. Ces guitares ont un son spécial, avec des fréquences très particulières. Le diapason court apporte aussi un grand confort de jeu. Pour le son, je les préfère avec du palissandre que de l’acajou ; en ce moment je joue sur une Collings CJ. Mais j’ai aussi une Gibson J-45 de 1964, qui sonne formidablement bien, ainsi qu’un magnifique banjo 6 cordes Goldtone, une classique Do Santos/David Hilger et une archtop acoustique Gibson L4C.


› Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare folk ?

La jouabilité est mon premier critère. J’aime le diapason court, de type Gibson, et un profil de manche assez rond avec un certain galbe. En termes de balance du son, si je devais n’avoir qu’une guitare, je choisirais un instrument avec un dos et des éclisses en palissandre, où toutes les fréquences sont à mon avis bien représentées. Avec une guitare en acajou, c’est parfois un peu plus difficile, au niveau de la brillance.


› Maintenant que tu l’as bien pris en main, quelle est ta fonctionnalité/configuration favorite ?

L'interface graphique, qui est aussi intuitive et robuste que celle d'un iPhone, est une bonne candidate, mais je dirais quand même que les possibilités physiques de cette machine pour répliquer l'expérience d'un ampli sont mes vraies favorites. Le système des entrées et sorties pour des configs 2 ou 4 câbles, le repiquage ou le re-amping, est facile à utiliser et très complet, c'est assez formidable.


› Quels sont tes conseils aux élèves qui choisissent une guitare ?

Je dis toujours à mes élèves que l’essentiel c’est de se sentir immédiatement à l’aise sur le manche. Quand on est plus expérimenté, on peut s’habituer à un manche qui oblige à faire des compromis, parce qu’on aime le son de la guitare. Tant qu’ils sont en phase découverte, je recommande à mes élèves de ne pas mettre une somme folle, parce qu’ils vont évoluer, découvrir leurs préférences, et qu’il vaut donc mieux “en garder sous le pied”. Pour cela, j’aime recommander les Sigma, qui sont excellentes. J’ai aussi un élève qui a acheté une Dowina, marque j’ai découverte à travers lui, qui est magnifique, pour un prix tout à fait modeste.


› Tu as vu notre sélection au magasin, qu’en penses-tu ?

J’aime beaucoup les Bourgeois et les Collings, car ces luthiers ont énormément analysé le passé. Je suis très sensible à la façon dont ces ateliers savent recréer des guitares qui illustrent l’âge d’or des flat top. Comme vous en avez beaucoup chez Servette-Music, ça me plait bien. J’avoue être moins attiré par les Lowden, pour des questions de son liées à ma propre démarche musicale, car le confort de jeu qu’elles offrent reste évidemment exceptionnel. Et je suis féru de la complexité harmonique des Gibson et des Martin des années 30, donc ça reste un de mes fantasmes. J’ai été spécialement impressionné par une Bourgeois Slope D, dont nous avons fait une démo ensemble, et les OM de Collings.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

C’est une relation solide qui se construit depuis de nombreuses années. Je papillonne beaucoup, en tant que professionnel, mais je reviens toujours vers Servette-Music. Il y a une ouverture d’esprit au sein de l’équipe que je trouve très agréable. On n’est pas obligé d’être toujours d’accord, mais c’est sympa en tant que client de pouvoir discuter sans être confronté à un mur de certitudes. C’est aussi rassurant pour moi de savoir que quand j’envoie mes élèves chez vous, ils seront bien conseillés et orientés.


› En tant que prof, comment as-tu adapté tes méthodes d’enseignement durant la pandémie ?

Au début, le plus difficile a été de circonvenir le problème posé par la latence des leçons par Zoom ou Skype, qui rend impossible de jouer en même temps que l’élève. Ça a été très compliqué avec les débutants, notamment, et il a fallu faire contre mauvaise fortune bon cœur sur ce volet. Pour la technique pure, j’ai beaucoup préparé des vidéos pour mes élèves, avec des gros plans sur les accords, les mouvements détaillés des doigts et des mains, etc. Avec les plus avancés, c’était un peu plus facile, car je leur disais de préparer tel morceau, de me le jouer, et puis je ensuite je leur faisais mes commentaires sur les aspects à retravailler ou à peaufiner. Mais franchement, je suis content d’être revenu à de l’enseignement en présentiel.


› Quels sont tes projets actuels ?

La Fanfare du Loup est mon terrain de jeu créatif principal. Nous avons tellement de projets et de créations dans de nombreux styles différents que c’est très intéressant. Je forme aussi un duo avec le saxophoniste ténor Nicolas Masson, qui s’appelle Lost in a Dream, avec qui nous jouons de la musique de Paul Mossian, un grand batteur et compositeur de la seconde moitié du 20è siècle. Cette formation me donne l’opportunité d’utiliser des loopers, plein d’effets, et d’être sur le devant sur la scène, contrairement à la fanfare, où il y a des rangées de souffleurs entre moi et le public. J’aime beaucoup cette relation un peu plus intime.


Merci Christian, et bonne continuation.


›Sergio, tu as récemment adopté le Quad Cortex de Neural DSP pour tes enregistrements et tes concerts, qu’est-ce qui t’a convaincu de le faire ?

L'élément principal qui m'a convaincu pour la scène c'est qu'en étant confronté à des situations de line-check, avec plusieurs groupes, où les changements de plateau sont rapides, il est évident que les solutions numériques comme le Quad Cortex de Neural DSP allègent beaucoup le travail des ingénieurs. On a ainsi plus de temps pour se concentrer sur le son de la batterie et le mix général en bénéficie énormément. Ensuite, à l'utilisation, le Quad Cortex est le système supérieur à tout point de vue pour un guitariste en termes de confort et de pratique par rapport aux autres, car il n'est jamais nécessaire de passer par des menus pour accéder aux fonctions. Tout est disponible immédiatement à travers l'interface visuelle comme si on se trouvait devant les objets physiques, ce qui permet de répondre à n'importe quelle demande de la part des ingénieurs en quelques secondes. Et enfin, il sonne comme mes amplis déjà réglés. Cet appareil numérique est le premier à ne m'obliger à faire aucun compromis, ni sur la facilité de contrôle, ni sur le son.


› Est-ce la fin des amplis traditionnels cette fois-ci ?

Je ne pense pas, parce que le numérique et l'analogique se complètent, et forment un écosystème plus riche ensemble, pas une alternative inconciliable. D'un côté, le numérique aura toujours besoin des références sonores qui marquent les époques, et qui continuent à être développées par les constructeurs d'amplis et d'effets. L'impression de "vivant" que procure un ampli analogique reste quand même au cœur du plaisir de jouer de la guitare électrique, et c'est le modèle des appareils de modélisation, justement. D'un autre côté, le numérique étend les possibilités des plateformes analogiques, et facilite énormément le travail sur scène et en studio avec elles. En studio, le re-amping est par exemple très facile avec le Quad Cortex. En live, il y a bien sûr le côté multi-effets, mais aussi la capture d'amplis et la possibilité de créer des patchs complets effets + ampli, qui libèrent l'esprit et les pieds quand on veut jouer avec des changements de sons complexes. Au final, le Quad Cortex de Neural DSP permet d'emporter les sons d'amplis vintages ou boutiques sans contraintes, mais il a besoin d'eux pour exister.


› Les appareils de modélisation offrent tellement de possibilités qu’ils en deviennent parfois complexes à configurer. Comment se positionne le Quad Cortex à cet égard ?

Le jour où j'ai emporté un Quad Cortex pour le tester avec mon groupe Spit Reckless, j'ai eu besoin de seulement 20 minutes entre l'unboxing et le début de la répète pour charger une capture chopée sur le cloud et être opérationnel. Et les avis des membres du groupe ont été unanimes : on avait un son absolument parfait. J'ai mis beaucoup plus de temps pour des résultats à peine équivalents avec les autres appareils comme le Helix de Line6, les Axe FX I & II de Fractal Audio, ou le Profiler de Kemper. Dans l'univers des appareils numériques, le point d'excellence du Quad Cortex de Neural DSP par rapport à d'autres est d'être juste dans le mix en termes de dynamique, et pas uniquement dans la comparaison à l'ampli original "en laboratoire", à la maison ou au studio. Les ingénieurs de Quad Cortex ont tenu leur promesse de produire un son "algorythmiquement parfait" : le rendu du Neural DSP au sein d'un groupe est le même que celui de l'ampli correspondant dans toutes les situations, que ce soit en trio, en quintet, ou avec un batteur très présent… Cet aspect n'ayant pas besoin d'être géré, ça enlève toute une couche de mises au point et de prises de tête.


› Tu joues sur plusieurs instruments très différents, et ton travail au magasin te permet d’essayer presque tout ce qui existe. Est-ce que tu as remarqué des différences dans la reproduction entre par exemple une Strat, une PRS ou une Les Paul avec le Quad Cortex de Neural DSP par rapport à d'autres appareils ?

C'est justement un autre gros avantage du Quad Cortex de Neural DSP : pas besoin de faire des configs distinctes ou de prendre des captures spécifiques pour chaque réglage, ou avec tous les types de grattes ou de micros. Il réagit comme un vrai ampli, et je peux donc le traiter de la même manière, en plaçant tout simplement un clean boost derrière mes single-coils pour être au niveau de mes humbuckers. Je passe de ma Telecaster à ma PRS ou à ma Jazzmaster en gardant la même dynamique et la même présence. J'entends les différences de texture entre mes guitares comme je les connais dans mes amplis.


› Maintenant que tu l’as bien pris en main, quelle est ta fonctionnalité/configuration favorite ?

L'interface graphique, qui est aussi intuitive et robuste que celle d'un iPhone, est une bonne candidate, mais je dirais quand même que les possibilités physiques de cette machine pour répliquer l'expérience d'un ampli sont mes vraies favorites. Le système des entrées et sorties pour des configs 2 ou 4 câbles, le repiquage ou le re-amping, est facile à utiliser et très complet, c'est assez formidable.


› Sergio, tu es actif au sein de plusieurs projets (Spit Reckless et Idpop), comment traversez-vous la pandémie? Quels sont vos projets pour l’avenir ?

En ce qui concerne Spit Reckless, la pandémie nous a permis de prendre le temps de composer et d'enregistrer notre deuxième album, dont nous allons entamer le mixage prochainement. On vise une sortie en fin d'année, ou tout début 2023, avec probablement un ou deux singles entre-temps. Avec Idpop, qui est un trio avec Marie Mercier à la clarinette basse, et mon ami d'enfance Robi au chant, nous avons travaillé sur la post production de notre premier album qui va sortir cette année pour développer à fond notre identité sonore. Ça m'a donné l'opportunité de forger mes compétences dans les domaines de la prise de son, du mix et du mastering, et je pense pouvoir maintenant mener un projet comme celui-là jusqu'au bout, avec de bons résultats.


› Merci Sergio, souhaites-tu ajouter quelque chose pour conclure ?

Comme toujours : faites-vous plaisir en jouant de la musique, composez, expérimentez, échangez vos idées entre vous, avec nous au magasin. La musique c'est une passion, et y en a plus quand on la partage.


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› Julien, quel est ton parcours musical ?

Bourguignon d’origine, j’ai débuté la musique à l’âge de 7 ans dans l’école de musique de mon village par le trombone. Au fur à mesure de années, mon parcours m’a amené au conservatoire de Saint-Maur-des-Fossés avant d’intégrer la HEM de Genève au département de musique ancienne à la sacqueboute. J’y ai suivis le cursus complet avec l’obtention d’un Bachelor, un master d’interprétation et un master de pédagogie. En parallèle des études, je me suis formé en enseignant et en jouant dans différentes formations (musique de chambre et orchestres). Je suis musicien freelance, professeur de trombone, directeur artistique et directeur pédagogique.


› Comment es-tu venu à la sacqueboute ?

Dès ma première année de jeune tromboniste, mon professeur en avait une et jouait le répertoire d’époque. Ainsi, j’ai découvert l’instrument, sa sonorité et son jeu. Plus tard, auprès de Stefan Legée, j’ai débuté mon apprentissage de l’instrument et de l’interprétation des répertoires historiques avant de me former professionnellement à la HEM et auprès d’ensembles spécialisés.


› Quelle complémentarité trouves-tu entre la sacqueboute et le trombone moderne.

Le trombone est une sacqueboute ou l’inverse. L’instrument s’est adapté aux usages à travers le temps mais sa conception reste la même depuis la Renaissance. La pratique de la sacqueboute et la compréhension de ses répertoires apportent de nouveaux éléments interprétatifs à la palette de l’instrument moderne. Dans mon métier d’enseignant, mon expérience d’interprète historiquement informé ajoute une vision plus large et permet d’apporter une aide supplémentaire aux élèves.


› Tu joues un trombone moderne équipé du Freeflow Hagmann. Qu’est-ce qui t’a amené à ce choix ?

L’instrument avec lequel je suis à l’aise doit être utilisable avec les répertoires que j’enseigne et que je pratique. Le choix d’un trombone équipé du Freeflow s’est imposé naturellement. La facilité et la rondeur de son de l’instrument sur la totalité de l’ambitus m’ont décidé à franchir le cap. Il était important que je puisse changer d’instruments facilement, parfois même dans un même concert. L’instrument moderne doit s’intégrer dans la continuité des instruments historiques que je joue. C’est grâce à l’équipe de Servette Music que l’instrument est adapté à ma pratique et mes besoins.


› Quels sont tes projets à venir ?

Les projets sont divers. Je prépare une série d’enregistrements audio et vidéo autour des cuivres anciens avec l’Ensemble Héritage que j’ai fondé. Nous jouerons également pour les cultes de fin d’année à la cathédrale de Genève. Nous présenterons un nouveau spectacle pour 2023 baptisé « 1520 ». En plus de mes activités d’enseignants, Je participe à la saison musicale de l’ensemble Europa Galante et de quelques ensembles pour plusieurs concerts.


› Merci Julien pour ce moment, et bonne suite musicale.

› Bonjour Erwan, tu es professeur de guitare à l’ETM depuis 2 ans. Quel est ton parcours musical ?

Après des petites écoles de musique, j’ai fait un certificat de musique classique (guitare) au CPM à Genève. En parallèle, j’ai suivi des cours privés de jazz avec Christian Graf, qui m’a permis d’entrer à la HEMU à Lausanne. Là j’ai fait un master en performance, option jazz. Mon premier vrai projet avec lequel j’ai fait des concerts était orienté hip-hop/soul, qui s’appelait Cauliflower. Ensuite, à travers l’école, j’ai pu entrer en contact avec de nombreuses personnes, et j’ai joué dans beaucoup de projets en tant que sideman, notamment Dave Liebman, qui est un grand saxophoniste. J’ai aussi donné des cours de guitare, en privé et dans des petites écoles de musique, avant d’entrer dans une école de pointe, à l’ETM.


› Quels sont tes styles préférés ? Comment ton approche musicale a-t-elle évoluée ?

J’ai pas mal changé d’esthétique au cours des années. Comme tout guitariste qui se respecte, j’ai commencé avec le rock: j’étais plutôt orienté punk, et j’aimais les groupes de rock et de metal « classique ». Et puis j’ai découvert Jimi Hendrix, et j’ai été séduit par son jeu, son style un peu sale, très empreint de soul. J’aimais plus son jeu en son clair que ses riffs avec de la disto. J’écoutais aussi beaucoup de musique contemporaine, et beaucoup de hip-hop. Ça m’a conduit au sampling, et j’ai commencé à produire de la musique. J’ai commencé à sampler du piano, de la batterie, un peu tout, en fait.

A partir de là, la guitare est essentiellement devenue un outil d’improvisation. J’ai voulu sortir des sentiers battus, et le jazz était un domaine superbe pour me permettre de le faire. Je ne suis pas un grand bosseur, mais ça ce sont des aspects que j’ai beaucoup travaillés pour progresser, et développer mes solos, sortir de la sempiternelle pentatonique, connaître mon manche, apprivoiser les triades… J’ai commencé à jouer plus avec mes oreilles qu’avec mes yeux, et ça a changé la donne. C’est surtout par le jazz moderne que j’ai pu apprécier le jazz, et que j’ai enrichi et consolidé mon vocabulaire.

Et maintenant, je suis plongé dans la musique électronique. Je suis carrément dans le son en tant que tel, la patte sonore, et plus du tout dans la guitare au centre d’un groupe. J’adore les synthétiseurs, mais je ne suis pas pianiste, donc j’essaie de retrouver cette magie avec les effets de guitare. Delay, reverb, hamonizers, je m’en sers pour trouver un son parce que la guitare avec des effets m’intéresse de plus en plus avec le temps.


› Et tu as trouvé ton son ?

Oui, je crois, en tout cas je suis sur la bonne voie. J’ai un son à moi, je suis fidèle à mon instrument. Bon j’ai une guitare très polyvalente aussi, une PRS 513. Du coup ça me permet de retrouver beaucoup de sons différents, de celui de la Strat à celui de la Les Paul bien nerveuse. J’arrive ainsi à construire mon esthétique, qui se trouve à la croisée du jazz, de la pop indie, et de la musique électronique. Comme je te l’ai dit, je m’intéresse au son lui-même, et j’utilise des synthétiseurs, des samplers. Ma guitare est donc plus un des éléments d’un set électronique.


› Quelles sont tes guitares préférées ?

PRS est une marque que j’apprécie beaucoup. Elles permettent d’avoir une palette sonore gigantesque. J’ai découvert la marque à travers la gamme SE (NdR. : Paul Reed Smith Student Edition, des guitares fabriquées en Corée dont le contrôle qualité est assuré par l’usine du Maryland aux USA). Mais j’étais parfois un peu limité, surtout quand on me demandait de prendre un son de Strat, pour faire des cocottes, par exemple. J’ai trouvé la 513, et je n’ai plus eu besoin de chercher plus loin pour assurer dans toutes les situations, puisqu’elle me procure autant un son jazz très plein, mais aussi un son clair et brillant, etc. Avec toutes les possibilités qu’elle offre, c’est facile de retrouver tous les sons de guitare grâce à un switch ou un potard. Après, j’ai toujours ce rêve de gosse de me trouver un jour une vieille Tele, pour avoir un son Tele authentique à la maison, et pour certains projets, pour lesquels il faut ce son.


› On a passé un moment ensemble au magasin. De toutes les PRS que tu as vues, laquelle t’a tapé dans l’œil ?

La McCarty 594. Je l’ai trouvée vraiment très agréable. Le manche est confortable, les finitions sont fantastiques. Elle a un son plein qui me permet de retrouver les sonorités jazz, et en single, elle claque ! Pour moi c’est vraiment la meilleure.


› Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Je connais le magasin depuis que je suis gosse, je me souviens d’y venir avec mon père à l’époque. Depuis que je suis arrivé à Genève, j’apprécie beaucoup la disponibilité de l’équipe de Servette-Music. Il y a toujours quelqu’un pour m’aider, il y a du choix. Les liens de Servette-Music avec l’ETM sont aussi enrichissants, ça facilite beaucoup de choses pour les professeurs comme pour les élèves. Et puis je ne sais pas s’il faut le dire, mais j’aimerais bien qu’il y ait plus de place pour les effets. Mais après ce que je t’ai dit sur ma recherche musicale et sonore, tu comprends bien pourquoi !


› Quels sont tes projets actuels ?

Mon projet principal en ce moment s’appelle « Mohs ». Je l’ai monté avec un ami trompettiste, un batteur et un bassiste, et c’est un mélange de toutes mes influences de ces 20 dernières années, jazz et musique électronique principalement. Les compos sont collectives, c’est un vrai groupe. J’ai un petit studio rue de Lyon, dans lequel on répète, on fait des prises de son, et on se renvoie la balle sur des idées pour les faire évoluer, et on va sortir notre 2ème album en février 2022.

Sinon j’ai aussi un groupe qui s’appelle « Ora », qui est un projet de musique électronique, et va jusqu’à la dance. C’est de la musique de club, avec des influences house, techno. C’est live machine. J’ai aussi la guitare sur scène, mais on utilise les drum machines, des samplers, et je fais des boucles de guitare en live, en contrôlant avec des synthés. On est loin de la formation de rock classique.

Dans une toute autre veine musicale, « Ticora » est un quartet composé d’un orgue, d’une batterie, d’un saxophone et d’’une guitare. On fait un mélange d’afro-beat, de musique de la réunion, de jazz. C’est un jeu complètement différent à la guitare, beaucoup plus rythmique. Et puis j’ai un groupe de musique de chambre qui s'appelle « Espuma Antigua », composé d’un violoncelle, d’une voix et d’une guitare électrique. On fait des arrangements contemporains de musique baroque (Bach, Vivaldi, Purcell). On est dans un truc très intimiste, c’est très doux. J’utilise beaucoup d’effets dans ce contexte, pour englober l’espace sonore avec des reverbs et des delays.


› Comment as-tu vécu la période COVID ?

On a dû s’adapter avec les cours à distance. Pour certains trucs, c’est plus facile : c’est confortable de rester chez soi, pour les cours de théorie c’est plus simple. Mais pour jouer la musique, c’est plus délicat, par la nature même de l’art. Niveau personnel, j’ai pris l’opportunité de me recentrer sur mes créations. Je suis sideman avec plaisir, mais je ne suis pas un mercenaire de la musique. J’ai donc aimé pouvoir passer du temps en studio pour faire de la recherche sonore, développer mes propres idées, et même apprendre à mixer.


› Merci Erwan, nous allons tenir compte de tes remarques sur la place donnée aux effets car tu as raison, nous pouvons mieux les mettre en valeur. Passe une belle fin de journée et bonne continuation.

› Bonjour Georges, qu’est-ce qui t’a incité à produire les guitares du 70e anniversaire ?

La plupart des gens à cet âge penseraient à prendre leur retraite, mais mon 70e anniversaire marque aussi ma 48e année de fabrication de guitares. C’est une longue période, et cela mérite d'être célébré. Je n'ai pas encore l'intention de prendre ma retraite, mais ne le dites pas à ma femme !

Les guitares Birthday sont comme toutes les éditions limitées que nous faisons : les caractéristiques supplémentaires et les personnalisations sont très subtiles, elles ne sont pas très flashy. La voie Lowden est d'être plutôt discret de ce côté.


› Nous avons une F-35 Ebony/Sinker Redwood (NdT: le Sinker Redwood est un type de séquoia). Pourquoi as-tu choisi d'associer ces bois spécifiques ?

L'ébène ressemble beaucoup à l’African Blackwood car sa texture est très fine, et il est très dense. L'ébène a un son étonnamment bell-like pour un bois de fond et d'éclisses. En associant l'ébène à du Sinker Redwood, qui est très léger, on obtient une chaleur dans le son qui complète la brillance et la projection de l'ébène. Une table en cèdre donnerait une guitare très puissante, mais pour avoir plus de chaleur, on préférera du Redwood. Le Sinker Redwood, bien sûr, est le meilleur bois rouge que l’on puisse trouver.


› Selon toi, quel est l'élément le plus important lorsque tu choisis les bois pour construire une de tes guitares ?

Pour les tables d'harmonie, je dois les toucher et les sentir. Je plie chacune d’entre elles pour éprouver leur rigidité et leur flexibilité. Elle doivent avoir suffisamment de tenue pour être assez résilientes une fois rabotées jusqu'à leur épaisseur finale. Je passe également beaucoup de temps à tapoter le bois de différentes manières pour me faire une idée des qualités sonores de chaque ensemble. Je cherche à entendre des fréquences spécifiques et des années d'expérience m'ont enseigné ce qu'il faut rechercher et écouter. C'est la même chose pour le matériau des barrages. Je le tapote sur mon banc et je veux entendre des hautes fréquences proéminentes — je cherche un "ping" plutôt qu'un bruit sourd !

Pour le fond et les éclisses, il s'agit plutôt de rechercher la meilleure qualité de bois, quelle que soit son essence. Idéalement, je recherche du bois scié sur quartier. Pour certains bois, il n'est pas si important, ou possible, d'avoir du bois quartersawn, surtout si la guitare est destinée à un climat très sec, comme en Suisse par exemple. Le bois quartersawn ne se rétracte ou ne se dilate pas autant que le bois coupé en tranches (slab-cut).


› Pourquoi avez-vous choisi de jouer des trombones équipés du système Vibrabell et de cylindres Hagmann?

En 2009, mon cadeau de fin d'étude a été un trombone Vincent Bach équipé d'un système Vibrabell. J'étais soufflé. Ajouter un barillet Hagmann étais simplement le couronnement de ma recherche car ce sont des systèmes qui améliorent la qualité du son et le confort de jeu : il n'y a pas de gaspillage d'air, le rendu est homogène, et les graves sortent avec facilité.Depuis juin 2019, j'ai fait équiper mon trombone avec le barillet Hagmann GEN 2, et là, le son est encore plus centré et homogène, et les paliers sont encore plus rapprochés.


› Toi personnellement, et Lowden Guitars, avez une longue histoire avec Servette-Music…

C'est tout à fait vrai. Mon tout premier distributeur était à Paris en 1978, et je sais qu'Yves, qui a été associé chez Servette-Music pendant de nombreuses années, a rendu visite à ce distributeur à Paris, et qu'il a vu mes guitares. Il a ensuite pris contact avec moi, et c'est ainsi que la relation a commencé. Yves a été très sympathique avec moi et m'a invité à l'accompagner à la MusikMesse de Francfort — c'était la première fois pour moi. René et Christine, les premiers fondateurs et propriétaires de Servette-Music, m'ont invité à rester chez eux pour ce voyage, et j'ai un souvenir très distinct de leur gentillesse. À l'époque, j'étais très jeune et je ne connaissais pas vraiment le monde des instruments de musique, je ne savais que fabriquer des guitares ! Servette est ainsi devenu mon deuxième distributeur, et notre relation dure depuis maintenant 43 ans. Vous occupez une place très spéciale dans mon cœur.

› Bonjour Philippe Regana ! Merci d’avoir accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Avant de commencer, pourriez-vous rapidement vous présenter à nos lectrices et lecteurs ? Qui êtes-vous et quel est votre parcours ?

Mon parcours a débuté par l’apprentissage de la flûte traversière à Lourdes, au sein d’une harmonie municipale où mon père jouait du classique et du jazz. Il était lui-même issu d’une harmonie voisine où une bonne partie de la famille jouait, plutôt du côté des cuivres.

J’ai développé, par la suite, une passion pour l’instrument qui se trouvait à côté des secondes flûtes, le hautbois. J’ai donc démarré l’apprentissage de cet instrument à Pau, puis à Rueil-Malmaison et au conservatoire national supérieur de Lyon auprès des Maîtres Daniel Arrignon, Jean-Louis Capezzali et Jérôme Guichard. Ma curiosité m’a également poussé à explorer la direction d’Harmonie, de Chœur et d’Orchestre ainsi que la composition.

Au fil des rencontres, j’ai développé une affinité particulière pour le théâtre, la danse et l’alliance des arts en une seule et même œuvre. L’enseignement m’a également passionné très tôt, influencé par ma mère, qui s’occupait d’enfants à besoins particuliers et de leur intégration à l’école. J’ai donc enseigné à Rueil, Lyon, Nevers et Villeurbanne sous une forme de pédagogie maïeutique et humaine, avant d’intégrer le Conservatoire populaire à Genève.

Après un long parcours dans la création contemporaine avec l’Ensemble l’Instant Donné, à Paris, et une multitude de projets pluri-artistiques, c’est tout naturellement que j’ai décidé de me concentrer sur la direction du Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre. Cela a entrainé quelques sacrifices, l’arrêt du hautbois et de différents projets artistiques personnels notamment, mais ce n’est rien comparé au plaisir immense que me procure ma fonction.


› Pouvez-vous également nous dire quelques mots sur l’institution qu’est le Conservatoire populaire ?

Le Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre, c’est près de 90 ans d’histoire qui ont contribué à créer un esprit et un idéal résolument tourné vers l’humain et l’avenir.

Ecole de proximité foisonnante dans tout le Canton, le Conservatoire populaire, c’est plus de 40 Centres d’enseignement et 200 professeur.e.s-artistes, hautement qualifiés tant sur scène que pour enseigner et transmettre leur passion dans des cours et cursus adaptés à tou·te·s nos élèves.

Le Conservatoire populaire, c’est aussi 25 personnes dévouées à l’administration qui font tourner l’Institution sous l’œil bienveillant de notre Conseil de Fondation, présidé par Louise Kasser Genecand.

L’idéal du Conservatoire populaire, c’est d’apporter de l’art partout où on l’on peut. Qu’il s’agisse de musique, de danse ou de théâtre, c’est permettre aux enfants et adultes de profiter de tout ce que l’art peut leur apporter dans le cœur. C’est aussi les armer avec les connaissances et compétences qui leur permettront de vivre dans notre société qui change à vue d’œil.


› Nous avons vécu une période complexe pour la culture en général et le monde musical en particulier. En tant que directeur du Conservatoire Populaire de Genève, quelles stratégies avez-vous adoptées afin de maintenir vos activités d’enseignement malgré les conditions sanitaires ? Pouvez-vous revenir à la normale en cette rentrée 2021 ?

Ce que nous avons vécu est inimaginable. La fermeture du Conservatoire populaire en mars 2020 a été un moment historiquement effroyable. Mais ce qui m’a le plus ému, d’un point de vue personnel, c’est la créativité et la réactivité, l’implication et le dévouement des enseisgnant.e.s et des collaborateurs administratifs.

En une semaine, nous avons réussi à mettre sur pieds des cours en ligne ou à distance pour 85% des élèves. Ce chiffre a atteint 95% durant le confinement total. Nous sommes particulièrement reconnaissants envers la Fondation Barbour qui nous a aidé à acquérir, en urgence, 50 tablettes, à destination de ceux qui n’avaient pas le matériel leur permettant de suivre les cours depuis chez eux. On ne fait jamais rien seul.

Par ailleurs, nous avons créé une plateforme d’enseignement en ligne en seulement 3 semaines et avons géré toutes nos réinscriptions de manière numérique. Toutes les équipes ont travaillé jour et nuit afin de maintenir le lien avec les élèves. Maintenir la flamme artistique était essentiel ; l’art est essentiel. Mais il fallait encore le prouver et c’est ce que nous avons fait. Nous étions sur le devant de la scène.

Nous avons reçu des centaines de témoignages de nos élèves qui ont gardé le lien avec l’art pendant le confinement, et le sourire avec ! Nous avons été un compagnon de confinement privilégié. Les départements Danse et Théâtre ont également fait des dizaines de vidéos, de cours en ligne, de films à la maison, de montages « home made » ainsi qu’un Vidéo Challenge sur le Lièvre et la Tortue qui a remporté un franc succès. Vous pouvez découvrir tout cela sur notre Blog et sur notre chaîne YouTube.


› Quel impact a eu la pandémie sur vos élèves, vos enseignantes et enseignants, et sur l’institution en général ?


Sur la durée, ce sont les groupes, les Chœurs, et puis le moral de chacun·e, qui ont le plus souffert de cette pandémie. Nous recrutons d’ailleurs encore pour le Chœur Grégorien adulte.

A la deuxième et la troisième vague, nous avons eu de la peine à entretenir l’envie et la motivation. Mais, même si les spectacles et représentations étaient suspendus, c’est grâce à la richesse de nos professeur·e·s, des cours individuels et des cours collectifs qui permettent de vivre de beaux moments de partage avec des pairs que les élèves sont restés avec nous.

Nous avons réussi à recruter de nouvelles vocations entre deux vagues, et, aujourd’hui, même si nous y avons laissé beaucoup d’énergie, je crois que les professeur·e·s, les élèves et le personnel administratif peuvent être très fier·e·s de la façon dont nous avons, ENSEMBLE, sublimé les circonstances impensables de la COVID. Notre secret a été la solidarité et la foi dans notre passion pour l’enseignement de l’art. Nous y croyons sincèrement !

A posteriori, je pense que l’on peut dire que c’est grâce à son histoire, ses ressources et son potentiel que l’Institution a réussi à avoir les reins suffisamment solides dans de pareilles circonstances. De cette expérience, nous retirons quelques avancées dans le domaine digital et nous continuerons à travailler dans ce sens. Nous avons aussi compris que nous avions un rôle central à jouer dans la société, et cela redonne confiance.


› L'incertitude ne touche pas seulement les écoles de musique ; elle joue aussi sur les concerts et les représentations en public. Comment composez-vous avec cette nouvelle donne ? Avez-vous été contraint d’abandonner des projets ? D’en modifier ? D’en inventer ?


Nous avons toujours soutenu les artistes de la scène, puisqu’ils ont souffert plus longtemps et plus profondément que dans l’enseignement. Non seulement car nos professeur·e·s sont également sur scène, mais aussi parce que cela fait partie de notre corps de métier.

J’ai encore une pensée solidaire pour celles et ceux qui reprennent leur activité tant bien que mal et malgré des restrictions sanitaires encore bien présentes.

De notre côté, nous avons dû nous passer des auditions au format classique et avons favorisé les auditions en micro-comité ainsi que les projets vidéos, sans spectateur. Même au théâtre, les pièces ont été captées pour que les parents puissent également en profiter. Nous avons reporté le grand spectacle bisannuel de la Danse au BFM. Nous avons eu quelques petites représentations avec un public ultra-restreint avec les Filières Préprofessionnelles pour lesquelles l’exercice sur scène devant un public est nécessaire.

En puis en juin, le contexte sanitaire évoluant, nous en avons profité pour organiser une « Faites de la musique » interne afin que nos élèves regoûtent au plaisir d’être applaudis et ovationnés.

Globalement, durant cette période, nous avons tout·e·s été frustré·e·s mais malgré cela, nous avons tout·e·s fait preuve d’une grande résilience et d’une capacité d’invention incroyable pour construire une pédagogie autour d’autres ressorts que la scène.


› Pour finir, tournons-nous un peu vers le futur : comment imaginez-vous les années à venir ? Quelles expériences conserver de cette année écoulée ? Quels grands projets avez-vous en tête ? Quelles sont vos perspectives pour l’avenir du CPMDT ?

Les années à venir sont jonchées de grands défis. Il faut cesser de penser que l’apprentissage artistique est dédié uniquement à l’élite et qu’il est le « complément » d’une bonne éducation.

L’apprentissage artistique doit être au cœur de l’instruction publique, plus fort que jamais ; d’une part pour rattraper les retards cognitifs et émotionnels pris pendant la pandémie et le manque d’interaction sociale, d’autre part pour que nos enfants d’aujourd’hui acquièrent les compétences qui leur permettent d’inventer leur emploi de demain.

On connaît le mal que font les écrans et le manque de lien social. Mais on connaît également le remède : plus de musique, plus de danse, plus de théâtre, et pour le plus grand nombre !

L’Orchestre en Classe et les systèmes approchants sont des réponses imparables et qui peuvent toucher tout le monde, dans tous les quartiers. C’est un partenariat magnifique entre le DIP et certaines écoles de musique, dont le Conservatoire populaire fait partie, précurseur et toujours moteur. Certaines communes, comme Lancy qui nous aide à développer ce projet, en ont bien saisi les enjeux.

En quelques mots, l’Orchestre en classe, c’est une classe de 7P ou de 8P qui devient un Orchestre à elle-seule. Ce projet permet de développer des Orchestres de toutes sortes. D’autres arts comme la Danse sont également inclus dans la démarche. Pour un Orchestre à vent par exemple, chaque élève reçoit, durant deux ans, un instrument : flûte ou clarinette, basson, trompettes, cors, tuba, euphonium, percussions…C’est un cadeau extraordinaire puisqu’il symbolise le fait que l’adulte fait confiance à l’enfant, le considère, croit en lui et en ses compétences. Durant deux ans, donc, la vingtaine d’élèves découvre et apprend la musique au sein de l’Orchestre géré par des professeur·e·s spécialisé·e·s et compétent·e·s.

Jouer dans un Orchestre est une incroyable expérience, reflet d’une société idéale dont la diversité est au cœur. La différence des instruments fait la richesse de l’Orchestre, tout comme la différence et la diversité des êtres humains font la richesse d’une société, d’un Canton. Si l’on est tous pareil, cela s’appelle l’uniformité. À l’Orchestre, on recherche justement la diversité pour former une vraie Unité. C’est un apprentissage essentiel par le vécu artistique, en plus de toutes les compétences cognitives, émotionnelles, sociales qui se développent à grande vitesse dans la musique.

L’ouverture à d’autres musiques, et notamment les Musiques actuelles représente un autre défi pour nous. Notre pôle de musiques actuelles est né il y a deux ans, mais ce n’est qu’aujourd’hui que nous pouvons le dire officiellement : au Conservatoire populaire, on peut à présent apprendre à jouer de la guitare électrique, de la guitare basse, du synthétiseur ou à chanter en s’accompagnant soi-même au piano, par exemple !

Nous renforçons aussi notre excellente section jazz en partenariat avec l’AMR en créant l’école de Jazz de Genève. Au sein des classes préprofessionnelles et préparatoires, nous formons une dizaine d’élèves qui entrent en Haute Ecole de jazz chaque année.

Prendre soin de chacun·e est également quelque chose qui nous tient particulièrement à cœur. C’est cela nous avons créé deux nouvelles sections. Un pôle d’enseignement à besoins particuliers pour accueillir véritablement tou·te·s les jeunes genevois.e.s dans nos cours. Nos professeur.e.s se forment petit à petit et nous réservons une place de choix à nos partenaires qui promeuvent l’école inclusive. Nous nous devons de réaliser cela dans les écoles artistiques.

Quant au pôle de prévention et de développement personnel, il regroupe les partenariats avec des Fondations et des Associations de préventions de tous types d’abus, mais aussi des cours de Feldekreis, des stages contre le trac, de la coordination respiratoire… La musique, la danse, le théâtre, c’est aussi dans le corps et dans la tête, c’est pourquoi nous essayons de prendre soin de notre personnel autant que de nos élèves.

Enfin, en 2022 : nous inaugurerons LES 6 TOITS avec la collaboration de Contrechamps, Eklekto et l’Orchestre de Chambre de Genève. Ensemble, nous reprenons deux silos de la zone industrielle des Charmilles pour en faire une salle de spectacles et des salles de cours, de répétitions et de créations.

En 2022 également, nous célébrerons les 90 ans du Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre. Nous réservons au public genevois de belles manifestations et de nombreuses surprises !


› Mauricio, peux-tu nous parler de ton parcours et des différents ensembles dans lesquels tu joues ou que tu diriges ?

J’ai commencé l’étude du saxophone en Colombie quand j’étais enfant en approchant à la fois la musique classique, la musique populaire de mon pays, et la musique latino plus globalement. En arrivant ici, j’ai fais mes études à la Haute école de musique de Genève en classique et en parallèle à la HEMU en section jazz. Aujourd’hui, je suis professeur à l’Ondine Genevoise et en privé. Je suis membre du Quatuor Saxas et du Big up' band. Et puis enfin, je dirige le Big Band de Dardagny-Russin.


› Il y a une grande nouveauté chez Selmer, l'Alto Supreme, qu’en penses-tu ?

Le Supreme est un joli coup de la maison Selmer. Elle a réussi un bel assemblage, alliant un son homogène, une précision mécanique et une intonation formidable. C’est un excellent saxophone sur tous les points, qui va ravir tant les musiciens qui jouent du classique que ceux qui jouent des musiques actuelles. Ses qualités permettent au musicien de se concentrer sur la musique sans devoir lutter contre l’instrument. Il surfe sur la tendance actuelle, qui favorise un saxophone plus réservé et moins éclatant que son prédécesseur, le Série III.


› Par rapport au modèle que tu joues actuellement, quels sont les plus et les moins ?

Je joue sur un modèle Série III de chez Selmer, avec un corps en argent massif. Comparé à mon instrument, et d’une manière plus générale, au Série III, il est clair que les points évoqués ont été nettement améliorés. Toutefois, le Supreme est un instrument un peu plus centré et réservé. Cela le rend beaucoup plus facile et confortable à jouer, mais moins éclatant que le Série III. Il n’y a pas besoin de lui rentrer dedans pour qu’il sonne.


› As-tu déjà ressenti des sensations équivalentes sur un autre modèle ?

On peut retrouver certaines de ces qualités sur quelques modèles de chez Yamaha, notamment au niveau de la facilité de jeu, mais le son des saxophones Selmer est inégalable.


› Dans le contexte où Selmer reste le leader du saxophone, que penses-tu des marques qui sortent des sentiers battus telles que Cannonball ou Advences, face à des marques plus traditionnelles comme Yamaha ou Yanagisawa ?

Les marques comme Advences et Cannonball sont résolument tournées vers la musique actuelle et séduisent beaucoup les jeunes par leur esthétique sortant de l’ordinaire. Les personnes qui pratiquent des musiques modernes, pop, jazz les apprécient car ils sont moins exigeants que les Selmer, tout en délivrant un son riche et en ayant une signature sonore propre. Je pense quand même qu’avec ce nouveau modèle, ce schéma pourrait changer.


› Comment vis-tu la situation actuelle en tant que musicien ?

La situation sanitaire est difficile car les concerts et le lien avec le public me manquent. Mais cela m’a aussi donné l’occasion de mettre en place de jolis projets, notamment plusieurs enregistrements à distance, y compris avec l’Amérique Latine. Aujourd’hui, la technologie permet heureusement cela. Cela ne remplace pas les concerts, mais comme ça on peut garder un lien avec les autres.


› Et en tant que professeur ? Cours à distance, en présentiel, y a-t-il des choses à garder de tout cela ?

La musique est un art vivant et qui a besoin d’interaction pour être vécu. C’est très délicat de l’enseigner à distance. Les inégalités d’équipement font qu’il est compliqué de travailler correctement avec les élèves. On ne peut pas corriger la posture, ni le son, ou indiquer un rythme. Durant la période d’enseignement à distance, les enfants étaient très heureux d’avoir leur cours car ça leur faisait oublier la situation actuelle. Maintenant qu’ils sont revenus en présentiel, ils sont encore plus motivés qu’avant.


› Quels sont tes projets musicaux pour la suite ?

Avec les différents ensembles dont je suis membre nous avons pas mal de concerts qui se profilent pour la deuxième partie de l’année. Avec le  Big up' band pour l’automne, avec Balenque (un groupe de musique brésilienne) à l’Alhambra, et cet été avec l’OSR sur la scène Ella Fitzgerald. Avec le Quatuor Saxas, nous sommes également en train d’écrire et éditer un livre de contes et musiques pour enfant avec des compositions originales.  

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› Matthias, peux-tu nous raconter ton parcours musical ?

Mon parcours débute tardivement, car je ne me suis lancé dans la carrière musicale qu’à 20 ans. J’ai d’abord hésité avec le milieu pictural, dans lequel je suis né, avant de me découvrir une vraie passion pour la musique grâce à des expériences d’orchestre et à diverses opportunités d’enseigner la clarinette dans de nombreuses écoles de musique.

Plus tard, durant mes études à la Haute Ecole de Genève chez Thomas Friedli j'ai également intégré l’Orchestre symphonique à vents de l’Armeespiel en tant que clarinette solo. Cette expérience m’a ouvert l’esprit sur des pratiques de répertoire que j’ai d'abord développées au Conservatoire Populaire de Musique, qui m'a engagé à la fin de mes études supérieures par la création d’un orchestre d’harmonie d’élèves avancés. Puis, parallèlement à mon poste d’enseignant de clarinette au Conservatoire Populaire, je me suis formé à la la direction d'Orchestre en classe pour la section des vents il y a 7 ans par Éric Völki, l’initiateur de ce projet sur le canton de Genève.


› Peux-tu nous présenter le projet de l’Orchestre en classe ?

Le principal objectif de cette expérience est de permettre à des enfants provenant de milieux défavorisés d’accéder à la pratique musicale. Cette dernière, réalisée collectivement, permet de développer des compétences dans d'autres domaines scolaires, ainsi qu’une discipline utile aussi bien au niveau individuel qu’au niveau du groupe. L’écoute, la concentration, l’entraide, le dépassement de soi font partie intégrante de cette expérience pour chaque enfant.

Ce projet s’est d'abord implanté à Zürich en 2008, avant d’arriver il y a presque 10 ans sur Genève, où il a d'abord été mis en place dans les écoles primaires du réseau d’éducation prioritaire. Mais la Ville de Lancy a par exemple ensuite ouvert des orchestres d'instruments à vent, à cordes et de percussions dans l’ensemble de ses écoles communales. Finalement, le projet s’est considérablement développé en 10 ans : on compte actuellement 15 classes primaires pour les vents et 10 classes pour les cordes, ainsi qu’une classe de percussions. C’est un record en Suisse romande !


› Comment cela se déroule concrètement un Orchestre en classe ?

Les enfants concernés par le dispositif "vent" dont je m'occupe ont entre 10 et 12 ans. Ils débutent l’orchestre en 7P Harmos puis le poursuivent en 8P.

Les instruments sont prêtés par le Conservatoire Populaire de Musique Danse et Théâtre. Après une phase de choix, cruciale, et avec l’aide de professionnels de chaque instrument, les enfants en sélectionnent un qu’ils conserveront pendant deux ans. Le travail s’effectue sur deux périodes consécutives de temps scolaire. Dans ce dispositif, la maîtresse de musique de l’école ainsi que le ou la titulaire de classe participent activement et prennent, comme les enfants, un rôle d'apprenants dans l’apprentissage d’un instrument. Des professionnels en chaque instrument viennent également ponctuer ces deux années par du coaching pour les élèves.


› Quels sont les genres d’instruments représentés ? Et quels sont ceux qui ont le plus de succès auprès des musiciens en herbe ?

Une très grande partie de la famille des vents est représentée dans ces orchestres en classe : flûte traversière, clarinette, saxophone, basson, trompette ou cornet, trombone, euphonium, voire même le tuba ! La batterie et certaines percussions mélodiques sont également présentes. Mais il n’y a pas à proprement parler des instruments qui récoltent plus de suffrage que d’autres. Cela dépend beaucoup des volées, et les choix sont réalisés selon les demandes des enfants, qui élisent toujours 3 instruments qui leur ont bien plu lors des essais au début du projet. Cela augmente donc les possibilités de réaliser un orchestre équilibré entre bois et cuivres.


› Qu'est-ce qui rend l’accès à la musique pour les jeunes, en particulier les enfants, si important ?

La pratique musicale développe chez les enfants des capacités de mémorisation, de concentration, de motricité, de coordination, de créativité au travers de ce langage universel. De plus, cette démarche permet aux enfants de s’ouvrir sur des pratiques musicales variées qui leur apportent une plus grande sensibilité au monde qui les entoure. Elle leur donne l'opportunité de toucher et de faire vibrer un instrument, et de vivre des expériences formidables à travers les concerts publics qui sont organisés en différents lieux durant les deux ans du projet ! Même si la plupart des enfants ne continuent pas l’étude d’un instrument après cela, cette expérience reste gravée en eux, et ressortira peut-être un jour au cours de leur vie.


› Quel est ton meilleur souvenir d’Orchestre en classe ?

Difficile d'en choisir un... Peut-être les productions réalisées avec l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR) pour la Fête de la Musique. Elles ont permis aux jeunes de jouer une création d’Arturo Corrales autour de légendes fantastiques avec des professionnels.


› Enfin, quels sont les projets importants à venir pour l’Orchestre en classe prochainement ?

Il y en a quelques uns : nous avons par exemple un projet spécifique avec l'OSR pour juin 2021 (Orchestre en classe "vents" et "cordes"), et une collaboration avec l’Harmonie Nautique, qui permettra aux jeunes musiciens de se retrouver dans une formation similaire à la leur, mais en beaucoup plus grand !


› Quelles sont les finitions les plus récurrentes dans le domaine des cuivres? Qu’est ce qu’une finition standard par opposition à une finition spéciale ou custom (personnalisée)?

Les finitions standard les plus courantes sont le verni transparent ou l’argenture brillante. On entend par là les finitions habituelles d’usine, proposées par les marques d’instruments.

Certaines finitions spéciales sont possibles en usine lors de la commande mais il faut le plus souvent se tourner vers des magasins possédant des ateliers spécialisés dans la transformation et la restauration d’instruments.


› Quelles sont les finitions spéciales les plus utilisées de nos jours? Est-ce que ces finitions ont changé dans le temps, disons par rapport à 25 ans en arrière (une génération de musiciens)?

Les finitions spéciales les plus demandées aujourd’hui sont l’aurification, le sablage, le verni mat, le noircissage, ou même parfois des vernis teintés.

Les finitions ont beaucoup évolué avec le temps. D’un point de vue esthétique d’abord, puisque, par exemple, les instruments ont longtemps été ornés de grandes gravures sur le pavillon mais aussi sur les parties mécaniques, ce qui a totalement disparu aujourd’hui. D’un point de vue qualitatif également, puisque l’évolution des connaissances et des technologies, notamment dans la composition des vernis, a permis de créer des composants beaucoup plus résistants qu’avant.

La mode des finitions est quelque chose de cyclique. On voit aujourd’hui un retour des finitions mates, que ce soit argentée, vernie ou aurifiée, ce qui se faisait beaucoup dans les premières décennies du XXe siècle. Associé avec des parties polies (par exemples les pompes d’une trompette), cela donne un très bel effet.

La grande différence est que l’on peut aujourd’hui appliquer un verni mat sur l’instrument au lieu de passer par le sablage de la matière. Cela n’était pas possible il y a encore quelques années, car les connaissances au niveau des vernis ne le permettaient pas.


› Quelles sont les finitions les plus difficiles à réaliser et pourquoi? Et les plus coûteuses et pourquoi?

Le vernissage est la finition la plus difficile à réaliser, si l’on veut obtenir un bon résultat. En effet, le verni ne pardonne aucune imperfection. L’instrument doit être parfaitement préparé et ne montrer aucun défaut de matière, ni rayure de polissage. C’est l’une des raisons pour laquelle les instruments haut de gamme se distinguent des autres. Cette préparation minutieuse demande beaucoup de temps et de savoir-faire.

Il faut ensuite que le vernissage soit parfaitement maitrisé. Il faut utiliser des vernis spécialement conçus pour les instruments et, en plus d’avoir une grande maitrise du processus, être équipé d’ateliers hors-poussière. Sans ça, les risques d’avoir des imperfections ou des coulures sont grands, sans parler du fait que le vernis peut ne pas tenir si il est mal réalisé.

Certaines finitions, comme par exemple une argenture accompagnée d’un sablage et d’un vernissage, peuvent également se révéler assez coûteuses en raison du nombre d’étapes importantes à exécuter, ainsi que du savoir-faire nécessaire et de l’équipement requis.


› Est-ce que les finitions « changent le son » de l’instrument? En particulier les plaquages or ou argent et les finitions telles que le sablage par exemple?

C’est un vaste débat qui anime les musiciens depuis longtemps… Certains sont convaincus de l’influence d’une finition ou d’une autre sur un même instrument. On ne peut pas nier qu’il y a des différences, mais toute la question est de déterminer ce qui les provoque. En effet, on sait que l’épaisseur du traitement a un impact – mais quelle est la part de changement due aux autres actions nécessaires ?

Prenons le cas d’une restauration sur un trombone, qui était à l’origine verni et pour lequel nous voudrions une finition argentée mate. Il faut tout d’abord démonter l’instrument, le dévernir, le décabosser, le polir, le sabler, l’argenter et, éventuellement, poser un verni par-dessus pour éviter l’oxydation. Il est évident que la sonorité de l’instrument sera différente après ces interventions – mais comment dire laquelle a le plus d’influence ? Je pense que cela pourra encore longtemps alimenter les discussions entre musiciens avant et après les concerts…

Le sablage n’a en principe pas d’incidence majeure sur le son, à condition qu’il soit bien réalisé. C’est une étape très délicate. Les risques principaux sont soit de « creuser » la matière (ce qui va la rendre très fine et fragile), soit d’écrouir la matière (ce qui va la rendre dure et lui faire perdre ses propriétés acoustiques).

Il faut bien avoir à l’esprit que le plus important c’est la construction et la géométrie de l’instrument et non sa finition. Le savoir-faire d’un constructeur et la qualité des matériaux utilisés sera toujours prépondérant sur la finition extérieure d’un instrument.


› Sommes nous capables de tout faire chez Servette-Music ? Avons-nous des sous-traitants et dans quel domaine ?

Nos ateliers sont là pour répondre à toutes les demandes particulières pour les cuivres ou pour les bois. De la mécanique à l’esthétique, en passant par l’intonation, nos spécialistes sont prêts à répondre aux besoins de chacun, allant même jusqu’à la fabrication d’instruments sur mesure, notamment les clarinettes et les trombones.

Concernant plus précisément la question des finitions, nous faisons la plupart des étapes dans nos ateliers, mais il nous arrive parfois de faire appel à des spécialistes pour certaines finitions particulières.


› Bien que le saxophone soit un bois, il est parmi les instruments qui utilisent le plus les gravures et finitions spéciales, ainsi que les alliages et les matériaux spéciaux. Qu’en est-il des possibilités de customiser son saxophone et quelles sont les différences sonores en fonction des alliages/finitions spéciales?

Le saxophone, comme tous les instruments fabriqués en métal, peut tout à fait être customisé.

Les métaux utilisés pour la fabrication de l’instrument, comme pour la famille des cuivres, auront une influence acoustique évidente du fait de la souplesse de la matière utilisée. En plus du laiton, le plus répandu, on trouve également des instruments avec des parties en bronze, en argent ou en maillechort. La part d’influence du matériau sur le son est largement plus importante que la finition de surface.

Quoi qu’il en soit, les différentes finitions énoncées dans ces quelques lignes sont tout à fait valables pour les saxophones. De même, sur les autres instruments de la famille des bois, tels que les clarinettes et le hautbois, des finitions spéciales sur le clétage peuvent également être envisagées.


› Francesco d'Urso, Moya Trombones existe depuis maintenant 15 ans. Quel est le secret de votre longévité ?

Depuis que nous avons commencé à jouer ensemble, la confiance a toujours été un élément central de notre collaboration. Le principal, c'est de savoir que l'on peut se reposer les uns sur les autres, et que chacun reste engagé dans le groupe, même s'il a aussi d'autres projets.

Ces projets nous permettent aussi d'entretenir une saine compétition, car aucun d'entre-nous n'aime avoir l'impression de rester sur le carreau. Donc quand l'un de nous prend une place dans un orchestre prestigieux, cela motive les autres à redoubler d'efforts.


› Vous avez un nouveau spectacle ; pouvez-vous nous en dire un mot ?

D'abord, c'est un bon mélange de musique et théâtre, créé en collaboration avec Michel Rossy, metteur en scène genevois. Moya Trombones a créé les arrangements basés sur la musique que nous aimons jouer, et que nous avons envie de faire découvrir au public.

Le concept de base est de casser l'image du musicien classique, ultra-sérieux et coincé qui joue avec austérité. Nous présentons donc quatre musiciens déjantés, dans un contexte original. Et je peux vous dévoiler un petit secret : au milieu, nous avons réintégré un opéra d'un compositeur italien (dont je tairai le nom car il faut garder un peu de mystère ;-).

(NdlR : Moya Trombones présentera son spectacle au cours de résidences à Montpellier en avril, à Nantes en juin, et en juillet-août dans un lieu à définir. Ne manquez pas de les suivre sur leur site moyatrombones.com pour avoir les dates exactes!


› Vous venez d’être endorsé la marque Vincent Bach. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

A mon avis, Vincent Bach, c'est le sommet en termes de partenariat artistique pour un musicien/tromboniste. J'ai essayé diverses marques, mais la seule qui m'a toujours satisfait est Vincent Bach. Leurs instruments ont toujours eu une touche spéciale, et offrent le meilleur compromis pour jouer en orchestre, solo et en musique de chambre. Le son reste rond et chaud dans tous les registres et nuances... Et puis c'est aussi un partenariat qui, nous l’espérons, devrait nous ouvrir des portes pour jouer dans de prestigieux festivals et salles de concerts en Europe et pourquoi pas aux USA...


› Pourquoi avez-vous choisi de jouer des trombones équipés du système Vibrabell et de cylindres Hagmann?

En 2009, mon cadeau de fin d'étude a été un trombone Vincent Bach équipé d'un système Vibrabell. J'étais soufflé. Ajouter un barillet Hagmann étais simplement le couronnement de ma recherche car ce sont des systèmes qui améliorent la qualité du son et le confort de jeu : il n'y a pas de gaspillage d'air, le rendu est homogène, et les graves sortent avec facilité.Depuis juin 2019, j'ai fait équiper mon trombone avec le barillet Hagmann GEN 2, et là, le son est encore plus centré et homogène, et les paliers sont encore plus rapprochés.


› Quelle est votre expérience avec Servette-Music ?

Je connais Servette-Music depuis mes débuts : mon professeur en Italie était l'un des premiers clients de René, et il en a toujours parlé comme d'une référence.

Lorsque je suis arrivé en Suisse en 2005, j'avais cassé la housse de mon instrument – je suis très maladroit – et j'ai donc enfin pu rencontrer René. J'étais ému, car pour moi il était une légende. Et j'ai immédiatement été impressionné par la disponibilité et l'écoute dont il faisait preuve ; la patience, même, car nous les musiciens, nous sommes parfois capricieux. Mais René et Claudio sont très ouverts et toujours prêts à concrétiser nos idées les plus saugrenues.

Pour résumer, je dirais que les possibilités que Servette-Music offre à un musicien, professionnel ou amateur, en termes de customisation, sont immenses, et pour moi c'est magique.


› René Hagmann, quelle est l’histoire du projet Free Flow© ?

J’ai commencé à développer les cylindres Free Flow© pour résoudre certains problèmes inhérents aux cylindres de trombones classiques, afin d’améliorer les qualités de son et d’émission.

Une partie du son caractéristique du trombone provient de son flux d’air long et droit. Les courbures des cylindres Free Flow© sont conçues pour réduire les problématiques qui surviennent lorsque les angles sont prononcés, et cela permet une plus grande homogénéité lorsqu’ils sont engagés. Le cylindre Free Flow© offre ainsi un son plus riche en harmoniques et plus homogène ; et il est aussi beaucoup plus ergonomique et facile à entretenir.

Ce qui fait toute la différence, c’est que la Free Flow Valve© reste étanche presque indéfiniment, et qu’elle est équipée d’un système de lubrification spécial. Cela lui assure une grande précision et une durabilité tellement grande qu’elle peut accompagner un musicien tout au long de sa carrière. Depuis leur création, nous n’en avons d’ailleurs remplacé tellement peu que nous les comptons sur les doigts d’une main.


› Les cylindres Free Flow© sont une référence internationale. Quel a été le cheminement pour arriver à ce succès ?

Le bouche-à-oreille a fait son œuvre (sourire). De musiciens professionnels en fabricants, nous nous sommes retrouvés en train d’équiper les gammes professionnelles des plus grandes marques. Je pense que c’est en grande partie dû au fait que c’est un dispositif qui a été conçu de concert avec des musiciens pour améliorer le rendu sonique à travers une mécanique irréprochable, tant du point de vue de la conception que de celui de la production.


› Quelle est la réponse des clients aujourd’hui vis-à-vis de la nouvelle génération de cylindres GEN II ?

La réception a été très favorable dans la mesure où la seconde génération est une évolution de la première. Nous avons aussi l’avantage du fait que les musiciens ne s’attendaient pas à une mise à jour, puisque la première génération était aboutie et que personne n’était fondamentalement déçu. Vous savez, en musique comme en mécanique, on recherche des solutions élégantes : c’est beaucoup cet aspect qui a fait l’objet de nos efforts.

La GEN II jouit d'un fonctionnement encore plus fiable, avec une mécanique plus stable grâce à une meilleure répartition des poids et des masses de la matière. Cela nous a permis d'obtenir une acoustique optimisée. Nous voulions faire encore mieux, et si le plus gros du travail a été de pouvoir imaginer ce qu’on pouvait améliorer, nous avons aussi passé beaucoup de temps à mettre en place la production pour qu’elle soit à la hauteur de nos prototypes en termes de qualité.

Cela fait 3 ans que nous avons mis en vente les premiers modèles de GEN II. Au final, les clients jugent la Free Flow Valve© avec leurs oreilles, et c’est tout ce qui compte. Et nous leur faisons confiance pour nous dire que le son qu’ils entendent est nettement meilleur.