> Bonjour Christian, tu es professeur de guitare et tu as joué avec presque tous les musiciens de la région. Peux-tu nous parler de ton parcours musical ?
Mon parcours ressemble beaucoup à celui des musiciens qui ont démarré au début des années 70 : premier coup de foudre absolu avec les Beatles, et puis comme des dominos, les amours se sont enchaînés. Hendrix, Led Zeppelin, les Rolling Stones, Black Sabbath… Ces gens incroyables, qui ont inventé des genres, comme le hard rock et le metal, ont eu une influence majeure à mes débuts.
Comme on parle des années 70, l’info circulait exclusivement par le bouche à oreille. A cette époque, il n'y avait qu'un seul magasin de disques très pointu à Genève qui distribuait des imports US. J’avais un copain à l’école qui fréquentait beaucoup ce magasin, et qui m’a fait écouter des trucs auxquels je n’aurais jamais eu accès sans cela : bluegrass, folk pur et dur, mais aussi proto-punk, rock progressif, et même jazz, un style pour lequel je n’avais pourtant aucune affinité particulière, mais en écoutant Miles Davis, les choses ont changé, et ce fut une révélation.
Assez naturellement, j’ai donc eu envie de prendre une guitare quand j’avais 14 ans. J’ai pris des cours de guitare classique au conservatoire populaire avec Angelo Lazzari, un prof extraordinaire, qui a bien vu au bout d’un moment que j’étais intéressé par le blues, et qui m’a encouragé. J’ai eu une chance incroyable, parce qu’à cette époque, l’enseignement de la musique était encore assez… rigide, disons.
Je me suis ensuite très vite fait happer par la guitare électrique, et j’ai eu la chance de jouer avec Le Beau Lac de Bâle. A travers cette expérience, le bassiste Pierre Losio m’a fait découvrir l’AMR, et je me suis lancé à fond dans les musiques improvisées. J’ai joué dans des dizaines de groupes là-bas, souvent aux frontières du jazz et du rock, et participé à des ateliers. Les rencontres que j’y ai fait m’ont ensuite conduit à faire de la musique pour et avec des compagnies de théâtre et de danse, comme notamment le Théâtre du Loup.
Jusqu’à 50 ans j’ai ainsi travaillé comme indépendant, aussi bien en tant que prof qu’en tant qu'interprète/compositeur. Et puis un jour toute cette expérience m’a valu d’être recruté comme prof pour la classe pré-pro de la section jazz du conservatoire populaire. Mais je réserve toujours au moins la moitié de mon temps pour les gigs.
> Comment ton approche a-t-elle évolué avec le temps ?
Je suis ouvert à plein de styles, du blues archaïque, bien antérieur à celui de Robert Johnson popularisé par Keith Richards et Eric Clapton, au jazz, en passant par toutes les nuances de rock, de musiques sud-américaines et de toutes les musiques improvisées. Au final, mes préférences vont quand même vers le blues électrique et le jazz, mais j’écoute de tout, du classique au métal. En termes d’approche, je suis tombé un jour sur un disque appelé La guitare à Dadi. Marcel Dadi était ce virtuose français génial qui a notamment popularisé la tablature grâce au livre qui était vendu avec le disque. Il y démontrait le travis picking, et j’ai commencé à travailler les basses alternées comme ça. J’ai aussi beaucoup été inspiré par l’approche flat picking Clarence White des Byrds ou de Neil Young, qui utilisent la main droite comme instrument de percussion, comme dans Cowgirl in the Sand ou encore Heart of Gold.
A part mes débuts au conservatoire populaire, j’ai continué en autodidacte, donc en développant une approche très intuitive de la musique. Comme je joue avec beaucoup de monde, je suis très attentif au jeu d'ensemble, à l’interaction musicale dans l’instant.
> Quels sont tes guitares folk préférées ? Sur quoi joues-tu aujourd’hui ?
La jouabilité est mon premier critère. J’aime le diapason court, de type Gibson, et un profil de manche assez rond avec un certain galbe. En termes de balance du son, si je devais n’avoir qu’une guitare, je choisirais un instrument avec un dos et des éclisses en palissandre, où toutes les fréquences sont à mon avis bien représentées. Avec une guitare en acajou, c’est parfois un peu plus difficile, au niveau de la brillance.
> Maintenant que tu l’as bien pris en main, quelle est ta fonctionnalité/configuration favorite ?
L'interface graphique, qui est aussi intuitive et robuste que celle d'un iPhone, est une bonne candidate, mais je dirais quand même que les possibilités physiques de cette machine pour répliquer l'expérience d'un ampli sont mes vraies favorites. Le système des entrées et sorties pour des configs 2 ou 4 câbles, le repiquage ou le re-amping, est facile à utiliser et très complet, c'est assez formidable.
> Quels sont tes conseils aux élèves qui choisissent une guitare ?
Je dis toujours à mes élèves que l’essentiel c’est de se sentir immédiatement à l’aise sur le manche. Quand on est plus expérimenté, on peut s’habituer à un manche qui oblige à faire des compromis, parce qu’on aime le son de la guitare. Tant qu’ils sont en phase découverte, je recommande à mes élèves de ne pas mettre une somme folle, parce qu’ils vont évoluer, découvrir leurs préférences, et qu’il vaut donc mieux “en garder sous le pied”. Pour cela, j’aime recommander les Sigma, qui sont excellentes. J’ai aussi un élève qui a acheté une Dowina, marque j’ai découverte à travers lui, qui est magnifique, pour un prix tout à fait modeste.
> Tu as vu notre sélection au magasin, qu’en penses-tu ?
J’aime beaucoup les Bourgeois et les Collings, car ces luthiers ont énormément analysé le passé. Je suis très sensible à la façon dont ces ateliers savent recréer des guitares qui illustrent l’âge d’or des flat top. Comme vous en avez beaucoup chez Servette-Music, ça me plait bien. J’avoue être moins attiré par les Lowden, pour des questions de son liées à ma propre démarche musicale, car le confort de jeu qu’elles offrent reste évidemment exceptionnel. Et je suis féru de la complexité harmonique des Gibson et des Martin des années 30, donc ça reste un de mes fantasmes. J’ai été spécialement impressionné par une Bourgeois Slope D, dont nous avons fait une démo ensemble, et les OM de Collings.
> Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?
C’est une relation solide qui se construit depuis de nombreuses années. Je papillonne beaucoup, en tant que professionnel, mais je reviens toujours vers Servette-Music. Il y a une ouverture d’esprit au sein de l’équipe que je trouve très agréable. On n’est pas obligé d’être toujours d’accord, mais c’est sympa en tant que client de pouvoir discuter sans être confronté à un mur de certitudes. C’est aussi rassurant pour moi de savoir que quand j’envoie mes élèves chez vous, ils seront bien conseillés et orientés.
> En tant que prof, comment as-tu adapté tes méthodes d’enseignement durant la pandémie ?
Au début, le plus difficile a été de circonvenir le problème posé par la latence des leçons par Zoom ou Skype, qui rend impossible de jouer en même temps que l’élève. Ça a été très compliqué avec les débutants, notamment, et il a fallu faire contre mauvaise fortune bon cœur sur ce volet. Pour la technique pure, j’ai beaucoup préparé des vidéos pour mes élèves, avec des gros plans sur les accords, les mouvements détaillés des doigts et des mains, etc. Avec les plus avancés, c’était un peu plus facile, car je leur disais de préparer tel morceau, de me le jouer, et puis je ensuite je leur faisais mes commentaires sur les aspects à retravailler ou à peaufiner. Mais franchement, je suis content d’être revenu à de l’enseignement en présentiel.
> Quels sont tes projets actuels ?
La Fanfare du Loup est mon terrain de jeu créatif principal. Nous avons tellement de projets et de créations dans de nombreux styles différents que c’est très intéressant. Je forme aussi un duo avec le saxophoniste ténor Nicolas Masson, qui s’appelle Lost in a Dream, avec qui nous jouons de la musique de Paul Mossian, un grand batteur et compositeur de la seconde moitié du 20è siècle. Cette formation me donne l’opportunité d’utiliser des loopers, plein d’effets, et d’être sur le devant sur la scène, contrairement à la fanfare, où il y a des rangées de souffleurs entre moi et le public. J’aime beaucoup cette relation un peu plus intime.