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02.03.2023 : Alex Brun, batteur professionnel et professeur de batterie à Music Arts Academy, ainsi qu'à l'APCJM : "mes premiers amours musicaux, c'est Led Zeppelin".

2 mars 2023 par
02.03.2023 : Alex Brun, batteur professionnel et professeur de batterie à Music Arts Academy, ainsi qu'à l'APCJM : "mes premiers amours musicaux, c'est Led Zeppelin".
VPI

> Salut Alex, tu es batteur professionnel et un professeur de batterie très demandé à Music Arts Academy, ainsi qu’a l’APCJM. Quelle est ton actualité musicale en ce moment ?

Je fais pas mal de choses, je vais essayer de ne rien oublier... En ce moment, je joue beaucoup avec un groupe de reprise des années 80 qui s'appelle Back To the Eighties. Nous nous sommes récemment produits à Zürich ainsi qu’au carnaval de Sion. Avec 22 concerts l'année passée, nous espérons pouvoir en faire encore plus cette année : le 1er août, le nouvel an, des événements comme ça... 

J'ai aussi un groupe de compositions de rock alternatif plutôt heavy qui s'appelle Sidmantra. Nous finirons un deuxième clip au printemps, et nous avons un EP en préparation.

J'ai aussi un autre projet appelé WavesStreamsHazards dans lequel je compose, et où le principe est d'interagir en concert avec les images produites par une vidéaste. Et puis je joue dans le groupe d'une amie chanteuse qui s'appelle The Wandering Travelers avec qui nous avons sorti un album l'année dernière. Enfin je joue dans un groupe de reprises, 90s cette fois, qui s'appelle Groove Lab, mais on communique plus sur Instagram que sur le site.


> Vous faites des trucs du genre Red Hot Chili Peppers, Nirvana ?

Avec Groove Lab oui, mais pas seulement. On joue du rock, mais aussi du funk, de la dance même, avec même des reprises de Britney Spears intégrée dans un medley.

Et à part ça je donne des cours à Music Arts Academy ainsi qu’à l’APCJM, une école associative à Meyrin, et je joue sur demande avec des groupes de reprises blues jazz, et des chanteurs et des chanteuses pour des concerts et des sessions studio.


> En effet, tu es bien occupé...

Oui, c'est pas mal. En tant que professeur, j'ai 35 élèves par semaine, plus l'animation d'ateliers, que j'aime beaucoup faire, surtout avec les ados, pour les encadrer, les aider à progresser et à mener un projet à terme au sein d'un groupe. C'est très intéressant. Puisque j'essaie de penser à tout, je joue aussi avec Jack Cinch & The Flying Sockets qui est un groupe de reprise décalées.


> Décalées, c'est à dire ?

Et bien par exemple, on reprend "Highway To Hell", mais on en fait une valse bavaroise. Le principe est de sortir les chansons de leur contexte en leur mettant un grain de folie. On a aussi fait "Creep" de Radiohead en cha-cha-cha (rires).


> Nous t'avons entendu jouer et tu as un talent incroyable. Comment s'est passée ta formation ?

J'ai commencé à l'âge de 8 ans avec le tambour aux Cadets de Genève, qui étaient d'ailleurs fournis en instruments par Servette-Music. Et j'ai également débuté la batterie là-bas grâce à Claude Meynent. Après un court passage au Conservatoire, j'ai pris des cours privés avec Thierry Hochstätter. Il m'a préparé au PIT de Los Angeles (Percussion Institute of Technology, équivalent du GIT – Guitar Institute of Technology, mais pour batteurs), où je suis allé entre 93 et 94 et dont j'ai terminé le cursus avec les honneurs – une mention "bien" – avec plus de 95% de réussite aux examens de fin d’année. J’ai eu la chance de côtoyer des professeurs incroyables là-bas, comme Joe Porcaro (NdR. père des frères Porcaro, qui ont fondé Toto).


> Tu t'es tout de suite mis à jouer professionnellement ensuite ?

Très rapidement, oui. Après mon retour de Los Angeles, j'ai accompagné plusieurs artistes de la scène locale. J'ai intégré des groupes comme Les Tontons Flingeurs, Easy, et j'ai joué avec des pianistes de jazz comme Al Blatter. J'ai fait de la musique africaine avec Maciré Sylla, de la drum & bass avec Freebase Corporation, du rock et du metal. Ma bio complète est sur mon site, www.alexbrun.com, mais en gros j’essaie d'être le plus polyvalent possible.


> Qu'est-ce qui t'a poussé à te mettre à la batterie, et – c'est toujours fun de demander – tu te souviens de ta première batterie ?

J'ai commencé par le tambour, mais la batterie est venue tout naturellement. Pour mes 11 ans, j'ai reçu une Tama Swingstar d'occasion, qui était un modèle en bois aggloméré. Quand j'étais ado, je me suis ensuite acheté une autre Tama, une Rockstar. Et de retour de Los Angeles, j'ai eu besoin d'un modèle plus professionnel, donc suite au vol d’une magnifique Sonor prêtée par un ami à Lyon, je me suis dirigé vers une Lauper, une batterie haut de gamme faite par un luthier suisse à Morat, dans un ancien garage à bateaux.


> Tu peux nous en dire plus sur ces instruments ?

J'ai un modèle de 8 plis d'érable américain, qu'il se fait livrer en fûts de 18 mètres, ce qui permet de choisir la taille qu'on veut, et il passe huit couches de verni à la main lui-même. Ce sont des batteries extraordinaires, hyper polyvalentes, avec un son très précis et un accordage parfait. Pour les cymbales, j'utilise les Sabian HHX Evolution Dave Weckl Signature, que j'ai achetées ici, chez Servette-Music.


> Oui il est génial ce kit, Stephan (Montinaro) l'aime beaucoup. Tu joues aussi d'autres instruments ?

Un petit peu de piano, quand je compose. Mais heureusement que les outils actuels me permettent de corriger la précision de mes doigts. Au piano, tu appuies sur une touche, et la note est juste, mais pour la précision rythmique, j'ai besoin d'aide. 

J'ai aussi un SPD-30 de Roland qui me permet de commander des nappes sonores ou d'influer sur la vidéo qui est projetée en même temps que je joue avec WavesStreamsHazards. Autrement, j'utilise le pad, que je mets à gauche de mon Charleston pour faire des sons de claps ou de caisse claire électronique façon années 80.


> Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes goûts ont-ils évolués avec le temps ? 

Mes premières amours musicales, c'est Led Zeppelin. Je pense que c'est même le groupe qui m'a donné envie de jouer de la musique sérieusement. À l'adolescence, les groupes de rock et de hard-rock – avant qu’on dise metal – comme Metallica, Iron Maiden, mais aussi Van Halen et les virtuoses de la guitare électrique, d’Hendrix à Steve Vai, m'ont beaucoup plu. J'ai eu une petite période New Wave aussi, et ensuite, aux États Unis, j'ai découvert le jazz et le jazz-rock et des batteurs légendaires : Weather Report, tous ces trucs... J'ai aussi beaucoup aimé les quatre grands groupes de grunge originaux : Soundgarden, Pearl Jam, Nirvana, et Alice in Chains. 

Après, à l'heure actuelle, je peux écouter dans la même journée du Chopin, du Meshuggah et du Herbie Hancock, parce que finalement, j'aime tout ce qui est fait avec passion et pas juste dans un but commercial, donc il n'y a plus de frontières à mes goûts musicaux en termes de style. C'est plus une attitude. Mais d'une manière générale, mes influences sont quand même plutôt rock, au sens large.


> En ce qui concerne les instruments, tu joues sur différents modèles de batterie ?

Ma batterie préférée c'est la mienne, ma Lauper, mais comme je te l'ai dit, j'utilise aussi un multi-pad Roland SPD-30. J'aime aussi les Sonor haut de gamme et les DW. J'ai d'ailleurs une DW à l'école à Meyrin, achetée ici à Servette-Music. Ce sont de belles batteries, qui sonnent super bien et qui sont très agréables à jouer.


> Qu'est ce qui compte le plus pour toi dans une batterie ?

Ça dépend des styles. Mais l'essentiel pour le groove, c'est la grosse caisse, la caisse claire et le charleston. Je pense qu'on reconnaît un bon batteur à sa solidité rythmique, et ça, c'est la fondation. On peut créer un groove et développer la musicalité d'un rythme à travers un beat très simple. Après, on peut aussi développer des mélodies grâce à des toms bien accordés, ce qui est aussi très important, et je n'oublie pas le rôle crucial du kit de cymbales. La batterie et les cymbales sont évidemment complémentaires, mais encore une fois, le poids de chaque élément dépend du style à mon sens. Il y a une blague qui raconte qu'on doit travailler un instrument dix ans pour être vraiment bon. Mais avec l'expérience, je dirais qu'il faut plutôt dix ans par famille d'instruments : donc dix ans pour les cymbales, dix ans pour les toms, dix ans pour la caisse claire, et dix ans pour la grosse caisse.



> Donc après 40 ans, t'es au top ?

C'est ça (rires). Mais malheureusement, le corps ne suit plus, et c'est à ce moment qu'apparaissent les tendinites.


> Toi qui enseignes beaucoup, que penses-tu des batteries électroniques ?

Ça a beaucoup évolué. Les modèles haut de gamme comme la TD-50 sont vraiment bluffants, ce sont des batteries très impressionnantes. On peut même bloquer le son de la caisse claire en posant la main dessus, étouffer les cymbales, et gérer les rebonds avec les textures de meshhead. C'est vraiment fantastique. Les banques de sons ont aussi été beaucoup améliorées, puisqu'avec Superior Drummer 3, par exemple, on a accès à plus de 150Gb de sons de batterie enregistrés avec une qualité audio indiscernable d'un son live. Les batteries électroniques ne sont plus des modulateurs de fréquence, mais vraiment des purs samples. En plus, pour Superior Drummer 3, ils ont été enregistrés aux Galaxy Studio de Bruxelles par un ingénieur du son incroyable qui s'appelle George Massenburg. Donc c'est du top niveau.

Pour apprendre à jouer, même si une batterie électronique n'offre pas les mêmes sensations, le même toucher, car il y a plus de subtilité sur une batterie acoustique, c'est idéal. Pour un élève dans son appartement, il n'y a de toute façon pas le choix. Et à partir de 1'000-1'500 francs, on a quelque chose de très bien. 

Au final, je conseillerais à tout le monde d'avoir les deux à partir de l'adolescence : une acoustique au local, et une électronique à la maison. Mais pour les petits, commencer sur une électronique suffit largement. En plus, une acoustique, il faut savoir l'accorder, et l'accordage d'une batterie, c'est toute une science.

Un autre avantage des batteries électroniques aujourd'hui, c'est qu'on peut les brancher directement en USB dans son ordinateur pour s'enregistrer. Et comme c'est en se réécoutant qu'on sait si on est sur le clic, ou au contraire avant ou après le clic, ou au contraire avant ou après le clic, cette possibilité est un gros plus. Sans compter le playback, qui aide aussi beaucoup.


> Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Longue : elle a commencé dès les Cadets de Genève quand j'étais petit. Je trouve aussi excellent qu'il y ait une section batterie désormais, c'est juste super. Je travaille aussi avec Stephan (Montinaro) à Music Arts Academy, qu'il dirige, donc j'ai la chance d'avoir une relation assez privilégiée. Et puis j'ai joué dans un projet avec Manu Hagmann – le fils de René, qui est un très bon bassiste et contrebassiste – pendant quelques temps. Sans oublier qu’à l’inauguration de la section batterie, j'ai gagné la tombola et je suis reparti avec la Tama Cocktail Jam mise en jeu… Un grand souvenir, et une batterie qui m’est très utile.



> Quels sont les meilleurs souvenirs ta carrière professionnelle ?

On dit toujours qu'on doit se donner autant qu'il y ait 30 ou 30'000 personnes dans la salle, mais j'avoue quand même que mes meilleurs souvenirs sont les très grosses scènes. J'ai eu la chance de faire une tournée asiatique avec un groupe de metal qui s'appelait Djizoes, ce qui est quand même marrant pour un groupe de ce genre. On a fait un immense concert à Taïwan devant plus de 100'000 personnes. J'ai même fait du rock chrétien pendant 12 ans avec le groupe P.U.S.H.  qui était très bien dirigé par son leader, Fabrice. Avec ce groupe, on a joué devant plus de 12'000 jeunes chrétiens aux alentours de Paris. On a parcouru 200'000 kilomètres en camionnette mais aussi en train et en avion à travers toute l'Europe, surtout en France mais aussi dans les capitales européennes, Madrid, Bruxelles, jusqu'à Cracovie pour les Journées mondiales de la jeunesse. C'était intéressant et ça me changeait du rock standard ; même si je suis agnostique, personnellement, j'étais assez ouvert pour jouer ce répertoire. Le Montreux Jazz Café avec Freebase était un bon concert aussi.


> Comment ça se passe, la compo chez Alex Brun ?

Je travaille différemment selon les projets. Dans Sidmantra par exemple, c'est le chanteur/guitariste qui est leader du projet, et il s'intéresse beaucoup à la batterie. On travaille donc les batteries ensemble et là, ça peut aller jusqu'au choix des cymbales, c'est à dire qu'on va discuter de mettre la crash de 16" avant la 18". Donc tu t'imagines le niveau de granularité...

Il m'arrive également de composer des parties sur un clavier MIDI branché dans mon Mac avec Logic Pro, mais j’ai rarement composé un morceau entier pour un groupe. Je fais sinon aussi des arrangements pour mes ateliers. Et là, les compos sur lesquels je travaille, c'est plutôt pour mon spectacle avec WavesStreamsHazards. Je me suis mis récemment à composer des chansons pour les proposer à des chanteurs, chanteuses. Je fais ça au clavier, avec des accords. Et puis bien sûr, je joue sur mes batteries pour composer mes parties, ou je les programme dans Supérieur Drummer 3.

En tant que batteur, le piano c'est plus facile pour composer, parce que c'est visuel et c'est un instrument rythmique. En plus, si c’est un piano midi, on peut le brancher directement dans un ordinateur. Une fois que j'ai chopé la groove, écrit les nappes, je peux composer une mélodie très simplement grâce aux outils actuels.


> Quels sont les projets qui t'animent pour l'avenir ? Qu'espères-tu réaliser ?

Là, le grand projet c'est de sortir un album avec Sidmantra et de tourner en Europe, et potentiellement aux États Unis. Je continue aussi à composer, et je dois me mettre à faire des drum cams, des vidéos, parce que on ne peut plus exister en tant que musicien sans bien communiquer sur Internet. Et comme pour avoir de la visibilité, il faut réaliser des vidéos, c'est ma résolution en 2023. On vient d'emménager dans un nouveau local avec Sidmantra dans lequel ce sera plus simple pour moi de le faire. Je remercie Jeff Bucher au passage pour le local.

Mais au fond, mon projet, c'est de continuer à jouer le plus longtemps possible, le mieux possible. Je me suis fait une déchirure du tendon au coude gauche pendant le Covid en forçant le boulot sur la vitesse, et j'ai réalisé que j'étais devenu un peu trop vieux pour le metal extrême.

Je transmets également du mieux que je peux l’amour de la musique à ma fille, qui chante à la classe opéra de Montpellier.


> Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui débutent ?

Je dirais que c'est important de jouer au clic et de s'enregistrer pour se réécouter. C'est ce qui permet d'apprendre correctement le rythme et de progresser le plus rapidement. Ensuite, je recommande d'aller le plus possible à des jam sessions pour se confronter au public et jouer ensemble avec d'autres musiciens. Et finalement, je conseille aussi d'étudier le plus de styles différents possible pour ensuite développer un jeu personnel, un vocabulaire propre. 

Mais pour ça, il faut d'abord écouter ce qui a été fait par les maîtres comme Tony Williams, Steve Gadd, et d’autres légendes, comme plus récemment Tony Royster Jr. ou notre compatriote Jojo Maier. Malgré tout ce qui a été fait, il y a de la place pour développer un son propre : les nouvelles musiques sont nées de la fusion de choses qui existaient déjà, et je ne crois pas qu'on soit arrivés au bout des possibilités. On voit aujourd'hui des mecs qui se sont approprié des musiques électroniques tout en les interprétant avec des groupes. Finalement, il y aura toujours de la place pour inventer et continuer à faire avancer le Schmilblick.